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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 4)

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Grand-Carteret, John: L' Exposition Internationale de Munich, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19462#0226

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i86 L'ART.

compter sur l'étranger pour l'écoulement de leurs produits industriels ou de leurs œuvres
artistiques. Il arrive qu'on cherche avant tout à satisfaire ledit étranger, reléguant au second
plan la dignité de l'art pour ne plus faire que du métier. C'est ainsi qu'en Suisse on a tué l'école
alpestre, et que des industriels sans scrupule ne craignent pas actuellement de compromettre une
production céramique qui avait pourtant clans son originalité des chances suffisantes de succès.
En Allemagne, cette tendance est surtout sensible pour l'école de Dusseldorf, dont les chromo-
lithographies sentimentales constituent un excellent article d'exportation.

Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de mes paroles : je ne veux point dire que les
mièvreries prétentieuses d'une école qui n'a jamais su peindre représentent le niveau artistique
du pays ; loin de là, je tiens à constater seulement que c'est de ce côté que se rencontre le
succès, et souvent aussi les encouragements. Les tendances artistiques du pays sont au contraire
fort élevées, mais elles se meuvent clans une sphère toute différente.

La décoration de l'intérieur a pris en Allemagne, clans le Sud surtout, un développement tel
que, forcément, le tableau de chevalet ne saurait y avoir la place qu'il occupe en France. Là on
peut dire, sans se tromper, que la peinture sera décorative ou ne sera pas : c'est pourquoi l'école de
Dusseldorf est aujourd'hui, plus que jamais, une fabrique pour l'étranger, tout homme de goût,
en Allemagne, ne pouvant décemment, au milieu de salles richement décorées, loger une peinture
de cette espèce. Le panneau décoratif ou le portrait, voilà donc les deux branches de l'art qui
rencontrent le plus d'adhérents à Munich, et tels sont, en effet, les deux grands triomphes de
l'école du Sud.

L'avenir nous apprendra si un pareil milieu est bien celui qui convient à des Expo-
sitions internationales, surtout s'il pourra se dégager suffisamment de certaines préoccupations
mercantiles pour que l'art y conserve cette atmosphère élevée qui lui fait trop souvent défaut.
Le danger des grandes exhibitions, répétées un peu partout, n'est-il pas qu'elles se transforment
en véritables bazars? Or, ce jour-là, elles perdraient leur caractère et tomberaient au rang
d'entreprises privées.

Un autre point de vue qu'on me permettra également d'effleurer, est celui de l'enseignement
que peuvent retirer de ces concours internationaux les beaux-arts pris clans leur ensemble et dans
tous, les pays indistinctement.

Ce qu'on prévoyait déjà à la suite des Expositions universelles de 1867 et 1878 : la
vulgarisation des principes généraux de l'art, et, par suite, la disparition des écoles, des
originalités locales, est, aujourd'hui, un fait accompli. C'est ce qui ressort le plus clairement de
l'Exposition de Munich. Après avoir parcouru avec attention ses salles, on peut dire que les
originalités du faire, du procédé, en tant qu'école, diminuent chaque jour, ne laissant plus de
place qu'aux individualités artistiques. C'est en vain que certains critiques d'art allemands
soutiennent la thèse contraire : le principe des nationalités artistiques a vécu, au point de vue
du procédé d'école; il n'existe plus — ce qui est naturel — que dans le choix des sujets et des
scènes.

Je trouve absolument ridicule, en effet, que des peintres, qui peuvent trouver chez eux
toutes les sources d'inspiration, mœurs locales, faits historiques, nature originale, s'obstinent à
représenter tout, sauf cela. Sans compter que c'est méconnaître les données modernes, les
conditions sociales actuelles de la peinture. Mais pour ce qui est du procédé, c'est, je le répète,
une autre affaire.

Et cela se conçoit : les motifs qui concouraient à la formation d'écoles nationales n'existent
plus, et, d'autre part, Paris a exercé sur les artistes du monde entier une attraction telle que
la plupart y viennent, rejettent avec soin tout ce qui pourrait encore rappeler en eux l'étranger
et s'empressent d'adopter les procédés parisiens.

De là, donc, une peinture dont le nationalisme réside dans le choix des sujets, mais qui,
pour le reste, est essentiellement cosmopolite, cherchant à se rapprocher le plus possible de
la nature. S'il existe encore en art quelque particularisme accentué, c'est en Angleterre et en
Allemagne qu'il le faut aller chercher.
 
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