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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 1)

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Mannheim, Jules: L' exposition rétrospective d'objets d'art français au palais du Trocadéro, [3]
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Jullien, Adolphe: "Salammbô" à Bruxelles
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https://doi.org/10.11588/diglit.25869#0139

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« SALAMMBO

A BRUXELLES.

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riant qui viennent de nous passer sous les yeux, et que
nous avons hâte de quitter pour nous réjouir la vue devant
le char d’Apollon brodé au passé sur fond de satin crème
du xvue siècle, à M. Spitzer, et les deux vitrines de lés de
satin, soie, velours, de vêtements Louis XV et Louis XVI
tissés dans les ateliers de Lyon et exposés par MM. Chatel
et Tassinari.

Pour terminer notre visite au Trocadéro, signalons
l’écran en tapisserie des Gobelins Louis XIV, où nous
voyons Flore sous un dais entourée d’amours, à M. Ch.
Mannheim, et celui de la comtesse d’Yvon, également en
tapisserie de la tin du règne de Louis XV, où une bergère
est endormie, et nous arrivons aux superbes tentures qui
ornent la partie supérieure de la salle.

Les deux plus anciennes remontent encore au xvie siècle.

L’une fait partie de la suite des cinq panneaux repré-
sentant les anciens rois des Gaules, de la cathédrale de
Beauvais, et tissée à Beauvais même ou à Arras vers 153o :
on y remarque la ville de Beauvais telle qu’elle était en 153o,
avec Belgius son prétendu fondateur au premier plan,
puis Troves avec Jasius, enfin Paris avec son créateur
supposé Paris, suivant la légende d’après laquelle Samo-
thès, fils de Japbet, aurait le premier occupé le trône de
la Gaule et aurait eu pour neuvième successeur Jupiter
Celte, Belgius, Jasius et Paris pour quatorzième, quin-
zième et seizième, etc., jusqu’à Remus, vingt-quatrième et
dernier successeur, fondateur de Reims, rois qui sont
reproduits sur les autres pièces de la série;

L’autre, à MM. de la Forest et Maus, nous montre
des paysans accourant à un spectacle de saltimbanques.

Des xviic et xviue siècles, six panneaux, dont deux à
M. Martin le Roy, offrant Mars et Apollon dans des por-

« SALAMMBO »

Salammbô ! quelle attrayante et mystérieuse figure que
celle de la fille d’Hamilcar, la vierge qui se dévoue pour
sauver sa patrie agonisante, et tombe, amoureusement
pâmée, entre les bras du chef révolté, du mercenaire auquel
elle avait pensé reprendre impunément le Zaïmph sacré,
le voile étincelant de la déesse Tanit, d’où dépend la for-
tune de Carthage et que nul ne peut toucher sans mourir!
Vous la connaissez bien, n’est-ce pas, car depuis qu’il est
question de l’opéra de M. Reyer, quantité de gens, qui
n’avaient jamais lu le roman, l’ont parcouru en grande
hâte et l’ont, pour quelques jours, très présent à la mé-
moire. Aussi vous signalerai-je tout de suite le change-
ment essentiel apporté sur la scène au texte de Flaubert :
dans l’impossibilité où l’on était de représenter l’épouvan-
table agonie de Mâtho déchiré par une populace furieuse,
on le fait immoler sur I autel de Tanit et c’est Salammbô,
de par la volonté du peuple, qui doit lui percer le cœur ;
mais, au moment suprême, elle tourne le poignard contre
elle-même et Mâtho, se frappant de l’arme qui lui échappe,
tombe à son tour sur le cadavre de la vierge qu’il a possé-
dée et perdue. Cette conclusion imitée, en intervertissant
les rôles, de Roméo et Juliette, est ce qu’on peut blâmer le
plus justement dans le livret de M. du Locle; car celui-ci
aurait pu conserver le dénouement de Flaubert : Sa-
lammbô expirant à la minute même où le grand prêtre
aurait plongé le couteau sacré dans la poitrine de Mâtho.
La catastrophe finale, ainsi traitée, aurait eu le double
avantage de demeurer conforme à la conception de Flau-
bert et d offrir au compositeur une scène moins rebattue

que celle de ce double suicide. Or M. Reyer, et c’est

là l’une de ses grandes qualités, a l’invincible horreur du
Tome XLVIII.

tiques et avec grotesques à la Bérain, de la manufacture
de Beauvais; deux à MM. de la Forest et Maus, et deux
à M. Lowengard dans le même style.

A M. L.owengard encore est un autre panneau de. Gobe-
lins, où deux personnages, peut-être Oreste et Pyiade en
Tauride, vont être sacrifiés aux divinités.

Le Mobilier national avait prêté deux pièces de l’His-
toire de Jason, dont De Troy termina les cartons en 1748
pour les Gobelins.

De M. F. Bischoffsheim, on avait une des tentures de
l’Histoire de Don Quichotte de la même manufacture,
tissées d’après les modèles de Coypel au début du règne de
Louis XV : le fond d’un jaune criard laisse malheureuse-
ment une impression désagréable.

Enfin d’Aubusson, le Trocadéro possédait quatre scènes
champêtres, à M. Herpin, dans le genre de Boucher : l’Es-
carpolette, le Lavoir et la Chasse, la Chasse au filet et le
Berger qui, bien que légèrement passées, n’en ont pas
moins la grâce, le charme que dégagent toutes les compo-
sitions de ce maitre au sentiment éminemment décoratif.

Cette quatrième salle clôture le règne de Louis XVI.
Le xixe siècle l’emporte-t-il sur ses aînés? Il suffisait de
de descendre au Champ de Mars pour être édifié.

Les lecteurs qui ont bien voulu recommencer avec
nous une longue visite à l’Exposition rétrospective, après
avoir vu défiler les trésors qui forment au passé un cor-
tège triomphal, en auront emporté la conviction que, si
les nations dans le domaine de l’art ont sans cesse consi-
déré l’Italie à l’égal d’une reine, la France l’a toujours
suivie de si près qu’elle demeure sa rivale glorieuse pour
la place suprême.

Jules Mannheim.

A BRUXELLES

banal et du convenu pour les sujets qu’il adopte aussi
bien que pour la façon dont il les traite ; il le prouve à
nouveau dans Salammbô.

Il le prouve en tirant une tragédie lyrique de ce roman
où la plupart des compositeurs actuels, si friands d’exo-
tisme et de bizarreries, auraient cherché surtout un prétexte
à de surprenants jeux de timbre, et se seraient livrés à une
véritable débauche de musique imitative et pittoresque.
En même temps qu’ils se seraient épuisés en efforts fatale-
ment superflus pour lutter de couleur avec le style étince-
lant de Flaubert, ils auraient prêté leurs cantilènes les
plus enivrantes à Mâtho, ils auraient fait couler les mélo-
dies les plus suaves des lèvres de l’héroïne et les auraient
laissés s’épancher tous deux en de délicieux duos d’amour
qu’aurait terminés, après un crescendo passionné, quelque
belle note lancée par les deux voix à pleine volée. II n’est
pas besoin d’y longuement songer pour deviner comment
un Massenet, un Godard auraient conçu et réalisé cette
transfiguration musicale de Salammbô, — il suffit pour
cela d’avoir entendu Esclarmonde ou Jocelyn ; — eh bien!
M. Reyer, par un mouvement très naturel chez lui et qui
l’honore, a procédé tout à rebours. 11 était trop 'facile et
sans mérite à ses yeux d’aller dans le même sens que
presque tous les compositeurs de notre époque et de ser-
vir au public la musique ou sensuelle ou chatoyante dont
on fait son régal ordinaire; il y avait mieux à faire, pen-
sait-il, et c’aurait été mal répondre au désir de Flaubert
que de ne pas traiter avec ampleur un sujet où il ne croyait
jamais lui-même avoir mis assez de grandeur épique.
11 fallait donc laisser de côté ou n’user que très modéré-
ment du côté purement décoratif ou pittoresque et con-

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