ET DE LA CURIOSITE 23
en quelque sorte sur commande, que Turent mises
au jour des partitions comme Éole apaisé ou le
Défi de Phœbus et de Pan 1 Toujours est-il qu'il
apparaît au simple examen et à l'audition de ces
ouvrages que le maître s'est complu infiniment à
leur élaboration et qu'il y a mis tous ses soins.
Le « drammaper musicà » que vient de rejouer
M. Lamoureux est une œuvre d'une verve et d'une
musicalité tout à fait exquises; mêmeenbadinant,
le grand Bach reste lui-même, autont par l'ingé-
niosité et la suavité de ses inspirations que par
le tour particulier des contrepoints et des mélo-
dies qui toujours le font reconnaître.
Des différents morceaux dont se compose le
Défi de Phœbus et de Pan, le chœur d'introduc-
tion est. sans conteste, le plus remarquable comme
fraîcheur et comme invention. La sonorité en est
d'une finesse et d'un brillant tout à fait extraordi-
naires pour le temps et, l'étonnement qu'elle pro-
duit s'augmente encore quand on songe que Bach
ne pouvait avoir ;ï Leipzig que des exécutions
rarement complètes et toujours approximatives.
Quelle ne serait pas la surprise du vieux Cantor
s'il pouvait entendre sa musique exécutée par un
orchestre comme celui de M. Lamoureux, pourvu
d'un quatuor nombreux et d'instruments à vent
irréprochables, lui qui se contentait probablement
d'un mince quatuor et de flûtes, de hautbois et de
cors plus ou moins habiles ! Certainement, l'effet
produit dépasserait pour lui tout ce qu'il avait
osé imaginer. On n'en est pas moins confondu de
la hardiesse et de la beauté de ses combinaisons
instrumentales. Quoi de plus heureux que ces
longs trilles des instruments à vent sous lesquels
court et s'enchevêtre le rapide dessin du quatuor
qui enroule autour de la polyphonie du chœur
ses gracieuses arabesques ? Quel auteur moderne
pourrait mieux orchestrer cette page ?
Nous passons sur les récits qui servent à poser
le sujet, et qui sont traités dans le style du temps,
sans aucune des magnifiques inspirations d'accom-
pagnement et de déclamation qui élèvent certains
récits des cantates religieuses tellement au-dessus
de cette mélopée conventionnelle. L'air da Mo-
mus, plein de gaieté railleuse et de vivacité spi-
rituelle, prouve que Bach entendait malice et ne
devait pas, à l'occasion, demeurer en reste d'hon-
nêtes plaisanteries. L'invocation d'Apollon aux
nymphes est d'une mélodie agréable, mais l'air de
Pan en sa rondeur joyeuse le dépasse peut-être et
le milieu, dans le mode mineur, en est particuliè-
rement charmant. Il semble ainsi que Bach n'ait
pas voulu mettre tous les torts du côté deMidas,
bien que, dans l'air chanté parle malheureux roi
de Lydie, il ait pris soin de souligner d'un expres-
sif braiment de violons la satisfaction du juge de
ce tournoi lyrique. La moralité du petit drame
est exprimée dans une très gracieuse cantilène
de Tmolus, sur laquelle deux flûtes brodent les
contre-chants les plus expressifs, et le chœur final
donne une réelle grandeur à la péroraison.
L'exécution de cette étincelante partition a été
de tous points parfaite de la part des chœurs et
de l'orchestre, que M. Lamoureux avait stylés très
remarquablement. Quant aux solistes, il était
assez difficile de réunir cinq artistes de premier
ordre, bien que la musique de Bach supporte dif-
ficilement des chanteurs médiocres. M"« Lovano a
détaillé avec infiniment d'esprit le petit rôle de
Momus, et M. Lafarge a dit sans broncher l'air
redoutable de Midas. Il faut nommer aussi
M. Bailly qui, dans le rôle de Ban, a fait preuve
d'excellentes qualités de diction.
En ce même concert nous avons eu la première
audition des Variations symphoniques de César
Franck, pour piano et orchestre, une page de très
belle musique où, malgré une forme serrée, la
fantaisie du compositeur se déploie en libres ins-
pirations et en caprices délicats. M>e Jossic a
joué ce morceau en pianiste sûre d'elle-même
et dans un sentiment personnel. Toutefois on eût
pu souhaiter, à certains moments, qu'elle mît
plus de fermeté dans son jeu.
P. D.
REVUE DES REVUES
= Repertorium fur Kunstwissensehaft
(XVIII» vol., 5e fascicule). — Article nécrologique
signé W. Bode, consacré à un écrivain d'art alle-
mand, M. Conrad Fiedler, auteur de quelques
études esthétiques peu nombreuses , mais de
grande valeur, et qui « comptent parmi les meil-
leures choses écrites sur les Beaux-Ails ».
= Suite de l'étude très documentée de M. Ed.
Doppert sur les Représentations artistiques de
la Cène jusque vers la fin du xivc siècle. Il
s'agit ici de celles exécutées en Italie du vi" au
ixe siècle (4 grav.), et en Allemagne jusque vers
le milieu du xic siècle : peintures murales, minia-
tures de manuscrits, sculptures (10 grav.;.
= M. D. Joseph nous donne, d'après un docu-
ment consacré aux archives du Ministère de la
guerre, à Berlin, des détails curieux sur le mode-
lage et la fonte du monument équestre du Grand
Electeur Frédéric-Guillaume, par Schlûter, «jui se
voit dans cette ville.
— Die Kunst fur Aile (1" janvier 1896). —
Artistes et marchands de tableaux.
— Critique de l'Exposition des arts graphiques
à Vienne, dont nous avons déjà rendu compte.
— M. E. Kiesling consacre à un peintre ani-
malier, M. Heinrich Leutemann, une notice pres-
que nécrologique, cet artiste venant d'avoir le
malheur de perdre la vue ; quatre gravures ac-
compagnent l'article.
(15 janvier). — Etude de M. F. Pecht sur un
paysagiste allemand, M. Max Schmidt, dont huit
tableaux sont reproduits ici.
— Cartes de premier de l'an illustrées (6 re-
prod.).
— Compte rendu, par M. P. Hann, de l'Expo-
sition de portraits organisée l'an dernier à New-
York ; le critique décerne la palme aux toiles de
M. Sargent (Portraits de Mh" Béatrice Goelet et
de l'Actrice Ada Rehan, de M. A. Zorn (deux
portraits d'hommes) ; il cite aussi, parmi nos
compatriotes, les œuvres de M. Bonnat (Portrait
du Gouverneur de New-York, L. P. Morton, et
deux autres), Garolus Duran (quatre portraits de
femmes), et Chartran (le Pape Léon XIII, Por-
trait de M"'° Calvé dans Carmen, et trois portraits
d'enfants).
— Comme d'habitude, plusieurs photogravures
en quelque sorte sur commande, que Turent mises
au jour des partitions comme Éole apaisé ou le
Défi de Phœbus et de Pan 1 Toujours est-il qu'il
apparaît au simple examen et à l'audition de ces
ouvrages que le maître s'est complu infiniment à
leur élaboration et qu'il y a mis tous ses soins.
Le « drammaper musicà » que vient de rejouer
M. Lamoureux est une œuvre d'une verve et d'une
musicalité tout à fait exquises; mêmeenbadinant,
le grand Bach reste lui-même, autont par l'ingé-
niosité et la suavité de ses inspirations que par
le tour particulier des contrepoints et des mélo-
dies qui toujours le font reconnaître.
Des différents morceaux dont se compose le
Défi de Phœbus et de Pan, le chœur d'introduc-
tion est. sans conteste, le plus remarquable comme
fraîcheur et comme invention. La sonorité en est
d'une finesse et d'un brillant tout à fait extraordi-
naires pour le temps et, l'étonnement qu'elle pro-
duit s'augmente encore quand on songe que Bach
ne pouvait avoir ;ï Leipzig que des exécutions
rarement complètes et toujours approximatives.
Quelle ne serait pas la surprise du vieux Cantor
s'il pouvait entendre sa musique exécutée par un
orchestre comme celui de M. Lamoureux, pourvu
d'un quatuor nombreux et d'instruments à vent
irréprochables, lui qui se contentait probablement
d'un mince quatuor et de flûtes, de hautbois et de
cors plus ou moins habiles ! Certainement, l'effet
produit dépasserait pour lui tout ce qu'il avait
osé imaginer. On n'en est pas moins confondu de
la hardiesse et de la beauté de ses combinaisons
instrumentales. Quoi de plus heureux que ces
longs trilles des instruments à vent sous lesquels
court et s'enchevêtre le rapide dessin du quatuor
qui enroule autour de la polyphonie du chœur
ses gracieuses arabesques ? Quel auteur moderne
pourrait mieux orchestrer cette page ?
Nous passons sur les récits qui servent à poser
le sujet, et qui sont traités dans le style du temps,
sans aucune des magnifiques inspirations d'accom-
pagnement et de déclamation qui élèvent certains
récits des cantates religieuses tellement au-dessus
de cette mélopée conventionnelle. L'air da Mo-
mus, plein de gaieté railleuse et de vivacité spi-
rituelle, prouve que Bach entendait malice et ne
devait pas, à l'occasion, demeurer en reste d'hon-
nêtes plaisanteries. L'invocation d'Apollon aux
nymphes est d'une mélodie agréable, mais l'air de
Pan en sa rondeur joyeuse le dépasse peut-être et
le milieu, dans le mode mineur, en est particuliè-
rement charmant. Il semble ainsi que Bach n'ait
pas voulu mettre tous les torts du côté deMidas,
bien que, dans l'air chanté parle malheureux roi
de Lydie, il ait pris soin de souligner d'un expres-
sif braiment de violons la satisfaction du juge de
ce tournoi lyrique. La moralité du petit drame
est exprimée dans une très gracieuse cantilène
de Tmolus, sur laquelle deux flûtes brodent les
contre-chants les plus expressifs, et le chœur final
donne une réelle grandeur à la péroraison.
L'exécution de cette étincelante partition a été
de tous points parfaite de la part des chœurs et
de l'orchestre, que M. Lamoureux avait stylés très
remarquablement. Quant aux solistes, il était
assez difficile de réunir cinq artistes de premier
ordre, bien que la musique de Bach supporte dif-
ficilement des chanteurs médiocres. M"« Lovano a
détaillé avec infiniment d'esprit le petit rôle de
Momus, et M. Lafarge a dit sans broncher l'air
redoutable de Midas. Il faut nommer aussi
M. Bailly qui, dans le rôle de Ban, a fait preuve
d'excellentes qualités de diction.
En ce même concert nous avons eu la première
audition des Variations symphoniques de César
Franck, pour piano et orchestre, une page de très
belle musique où, malgré une forme serrée, la
fantaisie du compositeur se déploie en libres ins-
pirations et en caprices délicats. M>e Jossic a
joué ce morceau en pianiste sûre d'elle-même
et dans un sentiment personnel. Toutefois on eût
pu souhaiter, à certains moments, qu'elle mît
plus de fermeté dans son jeu.
P. D.
REVUE DES REVUES
= Repertorium fur Kunstwissensehaft
(XVIII» vol., 5e fascicule). — Article nécrologique
signé W. Bode, consacré à un écrivain d'art alle-
mand, M. Conrad Fiedler, auteur de quelques
études esthétiques peu nombreuses , mais de
grande valeur, et qui « comptent parmi les meil-
leures choses écrites sur les Beaux-Ails ».
= Suite de l'étude très documentée de M. Ed.
Doppert sur les Représentations artistiques de
la Cène jusque vers la fin du xivc siècle. Il
s'agit ici de celles exécutées en Italie du vi" au
ixe siècle (4 grav.), et en Allemagne jusque vers
le milieu du xic siècle : peintures murales, minia-
tures de manuscrits, sculptures (10 grav.;.
= M. D. Joseph nous donne, d'après un docu-
ment consacré aux archives du Ministère de la
guerre, à Berlin, des détails curieux sur le mode-
lage et la fonte du monument équestre du Grand
Electeur Frédéric-Guillaume, par Schlûter, «jui se
voit dans cette ville.
— Die Kunst fur Aile (1" janvier 1896). —
Artistes et marchands de tableaux.
— Critique de l'Exposition des arts graphiques
à Vienne, dont nous avons déjà rendu compte.
— M. E. Kiesling consacre à un peintre ani-
malier, M. Heinrich Leutemann, une notice pres-
que nécrologique, cet artiste venant d'avoir le
malheur de perdre la vue ; quatre gravures ac-
compagnent l'article.
(15 janvier). — Etude de M. F. Pecht sur un
paysagiste allemand, M. Max Schmidt, dont huit
tableaux sont reproduits ici.
— Cartes de premier de l'an illustrées (6 re-
prod.).
— Compte rendu, par M. P. Hann, de l'Expo-
sition de portraits organisée l'an dernier à New-
York ; le critique décerne la palme aux toiles de
M. Sargent (Portraits de Mh" Béatrice Goelet et
de l'Actrice Ada Rehan, de M. A. Zorn (deux
portraits d'hommes) ; il cite aussi, parmi nos
compatriotes, les œuvres de M. Bonnat (Portrait
du Gouverneur de New-York, L. P. Morton, et
deux autres), Garolus Duran (quatre portraits de
femmes), et Chartran (le Pape Léon XIII, Por-
trait de M"'° Calvé dans Carmen, et trois portraits
d'enfants).
— Comme d'habitude, plusieurs photogravures