Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La chronique des arts et de la curiosité — 1896

DOI issue:
Nr. 11 (14 Mars)
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.19744#0108
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
98

LA CHRONIQUE DES ARTS

PETITES EXPOSITIONS

l'œuvre de berthe mohisot

L'événement artistique do la semaine pas-
sée a été l'exposition, chez Durand-Ruel, de
l'œuvre de Berthe Morisot.

On sait que Berthe Morisot fut, en même
temps que la belle-sœur l'élève d'Edouard
Manet, et qu'elle partagea tout d'abord ses
déboires, en compagnie d'un vaillant groupe
d'artistes dont l'originalité, admise seulement
tout d'abord par un petit nombre d'amateurs
éclairés, fut en butte aux faciles railleries
du gros public.

Aujourd'hui, le talent de Manet, de Degas,
de Monet, de Pissaro n'est plus contesté
par personne et Berthe Morisot, avant de
terminer sa courte carrière d'artiste a pu.
dans une exposition organisée en 1892. chez
Goupil, savourer les ("loges que la critique,
avec plus ou moins de réserve ou d'enthou-
siasme, lui a décernés.

Il ne faudrait pas écraser, sous de trop so-
lennelles épithètes élogieùses, ce joli talent
féminin, dont un œil particulièrement'lin et
délicat fait, en somme, tous les frais. Mais
cette qualité, Berthe Morisot l'a possédée à un
degré incomparable, et elle suffit pour mériter
aux œuvres de l'artiste, volontairement lais-
sées à l'état d'ébauches et qui ont le charme
spécial des ouvrages exécutés de verve,
une jolie place dans l'art contemporain.

L'exposition de la rue Lalïïtte comprend
cent soixante-quatorze tableaux et un nom-
bre à peu près égal de dessins, pastels et
aquarelles. Ces chiffres seuls commandent le
respect et attestent un effort considérable.
Ce qui le prouve mieux encore, c'est la com-
paraison entre les premières œuvres de l'ar-
tiste — jusqu'à l'année 1880 environ — et
celles des quinze dernières années de sa vie.
Dans celles là, l'inlluence de Manet est fla-
grante et si certaines révèlent déjà un tem-
pérament de coloriste subtil, elle n'y montre
pas encore toute sa personnalité. Ce n'est
que peu à peu qu'elle arrive à se faire une pa-
lette bien à elle, claire et gaie, sans que
jamais une note criarde ou vulgaire trouble
les fraîches symphonies de tons où elle se
complaît.

Les sujets qui plaisent à l'artiste sont, en
général, peu compliqués : c'est une jeune
femme dans l'intimité de son home; une fil-
lette qui. d'un joli geste de ses bras relevés,
tord le Ilot ondoyant de sa chevelure; un
enfant qui joue dans les herbes; tout cela
traduit avec une grâce aisée, une finesse va-
poreuse qui rappelle, par certains côtés, les
maîtres de la fin du xvui° siècle, Bouclier,
(ireuze et Fragonard. Beaucoup de paysages
aussi retrouvent, heureusement assimilées,
les meilleures qualités de l'école impression-
niste.

Des tableaux, beaucoup sont remarqua-
bles et quelques-uns exquis. Tel celui inti-
tulé : Sous la vërandah, où une figure de
femme, modelée en pleine lumière, se déta-

che sur un fond de paysage également lumi-
neux. Il serait difficile d'exprimer par des
mots l'habileté avec laquelle l'artiste a su
rendre les mille jeux de la lumière : ici écla-
tant sur les facettes d'un cristal ; là frisant
un profil; plus loin, dans le fond, diffuse en
un poudroiement irisé. C'est là un morceau
d'une rare saveur et qui serait cligne de figu-
rer au Luxembourg, auprès de la Jeune
femme en toilette de bal, récemment acquis
par l'Etat.

Beaucoup d'autres œuvres, moins com-
plètes peut-être, mais tout aussi savoureuses,
attirent et retiennent le regard par le charme
d'une exécution primesautière et libre, paT
l'harmonieuse fraîcheur de leur coloris. Je
n'en finirais pas si je voulais les nommer
toutes. Citons donc seulement, parmi celles
de la jeunesse de l'artiste : le Chantier,
Bassin de port et Angleterre.

Parmi celles d'une date plus récente, je
signalerai surtout : Sur le banc, Les cygnes,
La,jeune fille au lévrier, le Port de Nice, le
Pigeonnier, et surtout la délicieuse étude,
non cataloguée, qui est placée au-dessus de
ces deux dernières toiles.

Plus encore que les peintures à l'huile, les
dessins, aquarelles et pastels de l'artiste
montrent ce que M. G. Geffroy appelle
« le charme profond de sa vision fine et
de sa pensée solitaire ». Tels croquis, à
peine lavés d'aquarelle, tels dessins, rehaus-
sés seulement de quelques hachures aux
crayons de couleur sont, dans leur genre, de
petits chefs-d'œuvre dont il est plus facile
de ressentir que d'analyser l'attrait. Ceux
de mes lecteurs qui, sans parti pris, auront
contemplé la Jeune fille en robe rouge, le
Jardin du château, le Cerisier, etc., seront
assurément cle mon avis.

la société internationale

À la galerie Petit, une trentaine de pein-
tres et de sculpteurs, de nationalités et de
tendances artistiques variées, et qui n'ont
entre eux que le lien commun de talents re-
connus, ont envoyé la fleur de leur produc-
tion annuelle. Le visiteur pourra y étudier
les procédés les plus divers, depuis le poin-
tillisme, cher à M. Henri Martin, jusqu'aux
crayonnages soigneusement estompés de
M. Pierre Carrier-Belleuse, depuis les vapo-
reuses et pâles harmonies de MM. Le Sida-
ner et Chudant jusqu'aux vigoureux effets
de nuit de M. Thaulow. Aimez vous Burne-
Joncs et l'école mystico-symboliste dont il
est le chef? A défaut du maître, voici
M. Lévy Dhurmer, qui le représente assez
bien. Préférez-vous un art moins compliqué
et qui se contente de réjouir l'œil sans poser
au cerveau aucun problème fatigant? Vous
n'avez, pour vous satisfaire, que l'embarras
du choix. M. Le Liepvrc vous offre de vigou-
reux paysages, où il égale, sans le rappeler
de trop près, son maître Ilarpignies ; M. Har-
risson, d'intéressantes marines : MM. Ron-
del et Brouillct, des études et des portraits ;
M. Lanson, nombre de statues et statuettes..
 
Annotationen