ET DE LA CURIOSITE 157
tie décorative est très simple : sur un fond d'or
uni, des bouquets de fleurs et de fruits avec leurs
feuilles, de sept modèles différents; dans les
angles supérieurs, les armes de la famille Benozzo ;
sept besants blancs sur azur.
Dans les bouquets, le ton vert des feuilles do-
mine et a relativement plus d'intensité que ceux
des fleurs, contrairement à ce que donne la na-
ture. La touche est large et posée par teintes
plates, sauf dans quelques fleurs et fruits où il y
a une intention de modelé. Presque tous les
contours sont cernés d'un trait foncé. Les lu-
mières sont judicieusement disposées, les parties
claires sont étendues et la puissance est réservée
aux. ombres. Les couleurs ne sont pas vibrantes ;
c'est évidemment à dessein que Luca les a pâlies
afin de les harmoniser avec le marbre qu'elles
accompagnent. L'émail est fin, pur, exempt de
bouillons et d'empàtomenls ! L'or n'est pas sous
couverte; c'est une difficulté du métier, non pas
d'appliquer l'or sur la terre cuite ou les émaux,
mais de rendre durable cette application. Pour
arriver à une résistance sérieuse, les mosaïstes
ont imaginé de protéger l'or au moyen d'une
pellicule de verre blanc ; Deck a fait de même
dans les belles pièces à fond d'or peintes par
M. Raphaël Gollin ; Luca a posé ses ors sans les
couvrir, et son procédé est si excellent qu'après
plus de quatre siècles pas une parcelle ne s'est
détachée. Quoique d'une dimension au-dessus de
la normale, les carreaux sont sans gauchissage.
Aussi bien comme ouvrage décoratif que comme
travail céramique, la bordure de Luca est par-
faite.
Vasari l'admire sans réserve ; il ne fait que
mentionner les figures sans les caractériser, mais
à propos do la bordure il ajoute : « Questa opéra
e maravigliosa e rnrissima. »
Le tombeau de Benozzo Federighi, mort évoque
de Fiesole en 1450, fut commandé à Luca en
1455 ; une année après, il était achevé et mis en
place à Florence, dans l'église de San Pancrazio.
En 1783, l'église fut supprimée et, peu après, le
tombeau fut transporté à San Francesco di Paola,
uniquement parce que la famille Benozzo possé-
dait une villa dans le voisinage et qu'elle avait le
patronat de l'église.
Lorsqu'il fut question, l'année dernière, d'enle-
ver le monument de la colline de Bellosguardo,
le municipe de Fiesole fit des démarches dans le
but d'obtenir pour son église les restes et le tom-
beau de son ancien évêque ; le ministère résista
à ces sollicitations, et c'est l'église de la Santa
Trinità qui fut désignée.
C'est une des plus intéressantes de Florence ;
dès le xi° siècle, elle appartenait à l'ordre de Val-
lombreuse ; rebâtie à la fin du xiii», elle a depuis
été remaniée plusieurs fois. En 1884, on entreprit
de la remettre dans le style du xivB ; les travaux
sont encore en cours.
Elle possède des peintures de Don Lorenzo
Monaco, Neri diBicci et d'autres quatlrocentistes,
des sculptures de Benedetto da Maiano, de Piero
di Niccolo et de Desiderio da Settignano ; mais
c'est pour les fresques de la chapelle Sassetti sur-
tout qu'elle est visitée. Là Domenico Ghirlandajo
s'est surpassé dans ses épisodes de la vie de
saint François, supérieures même, à ses fres-
ques du choeur de Santa Maria Novella, où, à
cause de la grandeur de la tâche, il a dû prendre
| des collaborateurs. Il y a peu de temps, l'érudit
peintre, M. Gosimo Gonti, a découvert sur les
parois extérieures de la chapelle Sassetti, le Père
Eternel et une Sibylle qui annonce à l'empereur
la venue du Christ, également de Domenico.
M. Gonti était parti pour ses recherches du
texte de Vasari.
Gerspacii.
■-r-^es<3£*s3^—t-
A propos d'une ancienne Copie
d'après hugues van der goes
La collection J.-V. Novàk, à Prague, s'est en-
richie, au mois da mars, d'une toile extrêmement
intéressante. C'est un tableau de lm,30 de largeur
sur 0""95 de hauteur qui représente des scènes
bibliques tirées de l'histoire de David et d'Abi-
gaïl, sujet assez rarement traité (1).
Dans le tableau de J.-V. Novàk sont représen-
tées, à gauche, les fiançailles du roi David et
d'Abigaïl, veuve de Nabal. David se penche sur
celle-ci, agenouillée devant lui. Près d'Abigaïl, éga-
lement agenouillées, cinq dames de sa suite, toutes
dans d'humbles attitudes et haut vêtues jusqu'au
col, chastement. Deux hommes se trouvent à la
gauche de David. Au second plan, à droite, la
scène de la première rencontre de David et d'Abi-
gaïl: celui-là à cheval, celle-ci toujours agenouil-
lée devant lui, escortée d'ànes chargés de cor-
beilles et conduits par des serviteurs. Au fond du
tableau, sur une colline boisée, deux scènes con-
cernant la même histoire biblique, mais dans les-
quelles Abigaïl ne joue aucun rôle. Dans le loin-
tain, à gauche, une ville.
Le style de cette œuvre variée est complexe. On
y reconnaît à la fois la marque du quinzième et
celle du seizième siècle. La facture, principale-
ment celle des arbres, semble dater des environs
de 1600 et fait songer à Gillis van Connincloo et
à Roeland Savery. Quant aux costumes et à la
composition, ils sont sans contredit de la deu-
xième moiiié du quinzième siècle. Il est donc évi-
dent qu'il s'agit d'une copie flamande peinte vers
1600 d'après un original médiéval. L'original de-
vait être de la suite de Momling ou de van der
Goes.
Les lecteurs de van Mander ne douteront pas
que ce sujet biblique ne puisse se rapporter à une
peinture de Hugo van der Goes, qui existait au-
trefois dans une maison de Gand. Van Mander
nous fournit assez do renseignements pour que
nous l'indentifiions avec certitude. La façon dont
il parle de cette peinture murale prouve qu'il a
vu cette œuvre du célèbre peintre gantois. De-
puis, elle a disparu, ce qui n'a pas lieu d'étonner,
car, d'après van Mander, elle était directement
exécutée sur le mur, en couleurs à l'huile. Que
l'on consulte van Mander (2) et ses traducteurs et
commentateurs.
L'archiviste bruxellois, M. Alphonse Wauters,
dans la précieuse monographie qu'il consacre
à Hugues van der Goes, s'occupe longuement de
(1) J'en ai mentionné une de Hans Bol dans la
galerie de Dresde.
(2) « Het Schilderboek » 1604, p. 203 b et 204.
tie décorative est très simple : sur un fond d'or
uni, des bouquets de fleurs et de fruits avec leurs
feuilles, de sept modèles différents; dans les
angles supérieurs, les armes de la famille Benozzo ;
sept besants blancs sur azur.
Dans les bouquets, le ton vert des feuilles do-
mine et a relativement plus d'intensité que ceux
des fleurs, contrairement à ce que donne la na-
ture. La touche est large et posée par teintes
plates, sauf dans quelques fleurs et fruits où il y
a une intention de modelé. Presque tous les
contours sont cernés d'un trait foncé. Les lu-
mières sont judicieusement disposées, les parties
claires sont étendues et la puissance est réservée
aux. ombres. Les couleurs ne sont pas vibrantes ;
c'est évidemment à dessein que Luca les a pâlies
afin de les harmoniser avec le marbre qu'elles
accompagnent. L'émail est fin, pur, exempt de
bouillons et d'empàtomenls ! L'or n'est pas sous
couverte; c'est une difficulté du métier, non pas
d'appliquer l'or sur la terre cuite ou les émaux,
mais de rendre durable cette application. Pour
arriver à une résistance sérieuse, les mosaïstes
ont imaginé de protéger l'or au moyen d'une
pellicule de verre blanc ; Deck a fait de même
dans les belles pièces à fond d'or peintes par
M. Raphaël Gollin ; Luca a posé ses ors sans les
couvrir, et son procédé est si excellent qu'après
plus de quatre siècles pas une parcelle ne s'est
détachée. Quoique d'une dimension au-dessus de
la normale, les carreaux sont sans gauchissage.
Aussi bien comme ouvrage décoratif que comme
travail céramique, la bordure de Luca est par-
faite.
Vasari l'admire sans réserve ; il ne fait que
mentionner les figures sans les caractériser, mais
à propos do la bordure il ajoute : « Questa opéra
e maravigliosa e rnrissima. »
Le tombeau de Benozzo Federighi, mort évoque
de Fiesole en 1450, fut commandé à Luca en
1455 ; une année après, il était achevé et mis en
place à Florence, dans l'église de San Pancrazio.
En 1783, l'église fut supprimée et, peu après, le
tombeau fut transporté à San Francesco di Paola,
uniquement parce que la famille Benozzo possé-
dait une villa dans le voisinage et qu'elle avait le
patronat de l'église.
Lorsqu'il fut question, l'année dernière, d'enle-
ver le monument de la colline de Bellosguardo,
le municipe de Fiesole fit des démarches dans le
but d'obtenir pour son église les restes et le tom-
beau de son ancien évêque ; le ministère résista
à ces sollicitations, et c'est l'église de la Santa
Trinità qui fut désignée.
C'est une des plus intéressantes de Florence ;
dès le xi° siècle, elle appartenait à l'ordre de Val-
lombreuse ; rebâtie à la fin du xiii», elle a depuis
été remaniée plusieurs fois. En 1884, on entreprit
de la remettre dans le style du xivB ; les travaux
sont encore en cours.
Elle possède des peintures de Don Lorenzo
Monaco, Neri diBicci et d'autres quatlrocentistes,
des sculptures de Benedetto da Maiano, de Piero
di Niccolo et de Desiderio da Settignano ; mais
c'est pour les fresques de la chapelle Sassetti sur-
tout qu'elle est visitée. Là Domenico Ghirlandajo
s'est surpassé dans ses épisodes de la vie de
saint François, supérieures même, à ses fres-
ques du choeur de Santa Maria Novella, où, à
cause de la grandeur de la tâche, il a dû prendre
| des collaborateurs. Il y a peu de temps, l'érudit
peintre, M. Gosimo Gonti, a découvert sur les
parois extérieures de la chapelle Sassetti, le Père
Eternel et une Sibylle qui annonce à l'empereur
la venue du Christ, également de Domenico.
M. Gonti était parti pour ses recherches du
texte de Vasari.
Gerspacii.
■-r-^es<3£*s3^—t-
A propos d'une ancienne Copie
d'après hugues van der goes
La collection J.-V. Novàk, à Prague, s'est en-
richie, au mois da mars, d'une toile extrêmement
intéressante. C'est un tableau de lm,30 de largeur
sur 0""95 de hauteur qui représente des scènes
bibliques tirées de l'histoire de David et d'Abi-
gaïl, sujet assez rarement traité (1).
Dans le tableau de J.-V. Novàk sont représen-
tées, à gauche, les fiançailles du roi David et
d'Abigaïl, veuve de Nabal. David se penche sur
celle-ci, agenouillée devant lui. Près d'Abigaïl, éga-
lement agenouillées, cinq dames de sa suite, toutes
dans d'humbles attitudes et haut vêtues jusqu'au
col, chastement. Deux hommes se trouvent à la
gauche de David. Au second plan, à droite, la
scène de la première rencontre de David et d'Abi-
gaïl: celui-là à cheval, celle-ci toujours agenouil-
lée devant lui, escortée d'ànes chargés de cor-
beilles et conduits par des serviteurs. Au fond du
tableau, sur une colline boisée, deux scènes con-
cernant la même histoire biblique, mais dans les-
quelles Abigaïl ne joue aucun rôle. Dans le loin-
tain, à gauche, une ville.
Le style de cette œuvre variée est complexe. On
y reconnaît à la fois la marque du quinzième et
celle du seizième siècle. La facture, principale-
ment celle des arbres, semble dater des environs
de 1600 et fait songer à Gillis van Connincloo et
à Roeland Savery. Quant aux costumes et à la
composition, ils sont sans contredit de la deu-
xième moiiié du quinzième siècle. Il est donc évi-
dent qu'il s'agit d'une copie flamande peinte vers
1600 d'après un original médiéval. L'original de-
vait être de la suite de Momling ou de van der
Goes.
Les lecteurs de van Mander ne douteront pas
que ce sujet biblique ne puisse se rapporter à une
peinture de Hugo van der Goes, qui existait au-
trefois dans une maison de Gand. Van Mander
nous fournit assez do renseignements pour que
nous l'indentifiions avec certitude. La façon dont
il parle de cette peinture murale prouve qu'il a
vu cette œuvre du célèbre peintre gantois. De-
puis, elle a disparu, ce qui n'a pas lieu d'étonner,
car, d'après van Mander, elle était directement
exécutée sur le mur, en couleurs à l'huile. Que
l'on consulte van Mander (2) et ses traducteurs et
commentateurs.
L'archiviste bruxellois, M. Alphonse Wauters,
dans la précieuse monographie qu'il consacre
à Hugues van der Goes, s'occupe longuement de
(1) J'en ai mentionné une de Hans Bol dans la
galerie de Dresde.
(2) « Het Schilderboek » 1604, p. 203 b et 204.