ET DE LA CURIOSITÉ
187
PETITES EXPOSITIONS
EXPOSITION 1)'EUGÈNE CARRIÈRE A « L'ART NOUVEAU »
11 y a quelques semaines, au Salon de la
« Libre Esthétique », à Bruxelles, M. Eugène
Carrière, répondant à l'invitation des artistes
belges, avait rassemblé une grande paitie de
ses plus importantes toiles. A l'exception
de son tableau, Le Drame à Belleville, vu
l'an dernier au Ghamp-de-Mars, il exposa
ici, du 18 avril au 18 mai, les mêmes œuvres
qu'il avait envoyées à Bruxelles. Xous les con-
naissons pour la plupart, et la critique en a
parlé comme il convenait, alors que M. Eu-
gène Carrière n'était pas encore pleinement
compris. MM. Koger Marx, Gustave Gelï'roy,
Jean Dolent, Arsène Alexandre et Albert Au-
rier, ce jeune écrivain qui, avant sa mort
prématurée, avait euie temps déjà de se dis-
tinguer par de remarquables pages sur nos
maîtres modernes, ont dit de la manière in-
time et mystérieuse du peintre, de sa psycho-
logie attendrie, de son observai ion à la fois
prol'onde et discrète, sans dramatisme théâ-
tral, de ses qualités d'expression dans la
forme, tout ce qu'il y avait à dire de cet art,
•dont les moyens originaux échappent à l'ana-
lyse de ceux qui ne sentent le « métier » que
dans les arabesques d'une calligraphie pé-
nible, souvent froide, et dans l'éclat de cou-
leurs plus voyantes que significatives par
leurs juxtapositions ou amalgames. S'il reste
encore quelques juges maladroits pour répé-
ter, avec la grosse masse du public, à qui la
science d'une technique peut n'être pas sen-
sible, que M. Carrière a le tort d'envelopper
ses personnages d'un brouillard qui les fait
imprécis et incolores, il faut leur conseiller
d'approcher les œuvres de cet artiste avec un
•désir sincère de se rendre consciencieuse-
ment compte. Et ils verront, dans Je dessin
comme dans la couleur, combien les plans
sont savamment indiqués et combien est
coloré le prétendu brouillard qu'ils lui repro-
chent. Car ce n'est qu'une conséquence natu-
relle — et non un parti pris de facture, un
procédé arbitraire — du lieu où se place le
peintre pour observer, dans la lumière qu'il
leur a choisie, les figures dont les formes
l'ont ému.
Si nous en avions jamais douté, cette expo-
sition nous convaincrait de la variété que
M. Carrière a mise dans son œuvre, aujour-
d'hui considérable. Tantôt le modèle est plus
près de lui et sa couleur devient plus intense ;
tantôt, plus séduit par le contour de son
sujet que par la tache, il s'en éloigne le plus
possible pour n'en provoquer qu'une vision
générale de grâce, d'élégance ou de charme,
et le peint sommairement dans une lumière
fugitive.
Le portrait de M"0 L... dans cette attitude
-simple, empreinte d'une coquetterie à peine
étudiée, avec ce mouvement des mains fixant,
du bout des doigts, la fleur de la ceinture,
est exquis. Le portrait de Mmc Gallimard cor-
respond à l'autre manière, plus picturale
peut-être mais non pas plus artiste. La robe
blanche, les nœuds roses, le boa serpentin, le
bout de nature morte sur une tablette, près
du divan, tout cela est calculé avec une maî-
trise réelle.
M. Gustave Gefi'roy est l'intime ami de M.
Carrière. Est-ce pour cette raison que son por-
trait est l'un des meilleurs, sinon le meilleur,
par son caractère, qu'ait fait le peintre ? Sans
doute. L'on n'exprime bien que ce que l'on a
bien vu, dans une constance de sympathie.
Nous citerons encore, parmi les œuvres con-
nues, le Jean Dolent dans son intérieur, le
Gabriel Séailles, YAlphonse Daudet, por-
traits où les fillettes de ces trois écrivains,
différemment célèbres, sont si justement ob-
servées dans leur air de gentillesse, d'effron-
terie et de bouderie légère qui est le propre
de ces petits êtres, un jour des petites
femmes. Voici, en outre, le portrait do M.
Roger Marx et un Paul Verlaine, que son
heureux propriétaire peut se féliciter de pos-
séder; puis la série émouvante de ces Mater-
nités, dont la principale est au musée du
Luxembourg. Go sont ensuite Élise et son
sourire et ses yeux, et trois beaux panneaux
décoratifs.
L'œuvre la plus importante, toute nouvelle,
et qui eût été exposée au Salon du Champ-de-
Mars do cette année sans celte exposition par-
ticulière, décidée à la dernière heure, est le
grand portrait de M. E. Chausson avec sa
femme et ses enfants. Le tableau est vaste.
Le peintre a évité cet arrangement. symé-
trique, où chaque personnage est mis égale-
ment en vue, qui répand tant d'ennui dans les
œuvres de ce genre. C'est, dans une intimité
simple, une famille : l'épouse, en lumière, ac-
coudée au piano, qui est à peine traité, est
penchée vers le mari, peu éclairé, lui ; près de
leur mère, les enfants, groupés ensemble.
Cette toile, à cause de ses dimensions, du
recul nécessaire, était difficile à mettre en
bonne place dans la galerie de M. Bing, et il
est regrettable, peut-être, pour elle et pour
nous, qu'elle n'ait pas figuré au Salon de la
Société Nationale.
J. L.
Académie des Beaux-Arts
Séance du 16 mai
Le poème lyrique choisi pour êlro mis en mu-
sique par les concurrents au grand prix de Rome
est inlitulé Mêlusine et a pour auteur M. Fer-
nan Beissier.
M. Larroumet expose à l'Académie les enri-
chissements de l'organisation du musée d'Athè-
nes, où sont réunis les résultats des fouilles opé-
rées dans ces vingt-cinq dernières années. Il exa-
mine les arguments que plusieurs de ces œuvres
apportent dans la question de la polychromie sta-
tuaire et architecturale. Il termine en rappelant
la part prise par les artistes et les archéologues
français dans les travaux poursuivis en Grèce
depuis Beulé jusqu'à MM. llomolle et Nénot.
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PETITES EXPOSITIONS
EXPOSITION 1)'EUGÈNE CARRIÈRE A « L'ART NOUVEAU »
11 y a quelques semaines, au Salon de la
« Libre Esthétique », à Bruxelles, M. Eugène
Carrière, répondant à l'invitation des artistes
belges, avait rassemblé une grande paitie de
ses plus importantes toiles. A l'exception
de son tableau, Le Drame à Belleville, vu
l'an dernier au Ghamp-de-Mars, il exposa
ici, du 18 avril au 18 mai, les mêmes œuvres
qu'il avait envoyées à Bruxelles. Xous les con-
naissons pour la plupart, et la critique en a
parlé comme il convenait, alors que M. Eu-
gène Carrière n'était pas encore pleinement
compris. MM. Koger Marx, Gustave Gelï'roy,
Jean Dolent, Arsène Alexandre et Albert Au-
rier, ce jeune écrivain qui, avant sa mort
prématurée, avait euie temps déjà de se dis-
tinguer par de remarquables pages sur nos
maîtres modernes, ont dit de la manière in-
time et mystérieuse du peintre, de sa psycho-
logie attendrie, de son observai ion à la fois
prol'onde et discrète, sans dramatisme théâ-
tral, de ses qualités d'expression dans la
forme, tout ce qu'il y avait à dire de cet art,
•dont les moyens originaux échappent à l'ana-
lyse de ceux qui ne sentent le « métier » que
dans les arabesques d'une calligraphie pé-
nible, souvent froide, et dans l'éclat de cou-
leurs plus voyantes que significatives par
leurs juxtapositions ou amalgames. S'il reste
encore quelques juges maladroits pour répé-
ter, avec la grosse masse du public, à qui la
science d'une technique peut n'être pas sen-
sible, que M. Carrière a le tort d'envelopper
ses personnages d'un brouillard qui les fait
imprécis et incolores, il faut leur conseiller
d'approcher les œuvres de cet artiste avec un
•désir sincère de se rendre consciencieuse-
ment compte. Et ils verront, dans Je dessin
comme dans la couleur, combien les plans
sont savamment indiqués et combien est
coloré le prétendu brouillard qu'ils lui repro-
chent. Car ce n'est qu'une conséquence natu-
relle — et non un parti pris de facture, un
procédé arbitraire — du lieu où se place le
peintre pour observer, dans la lumière qu'il
leur a choisie, les figures dont les formes
l'ont ému.
Si nous en avions jamais douté, cette expo-
sition nous convaincrait de la variété que
M. Carrière a mise dans son œuvre, aujour-
d'hui considérable. Tantôt le modèle est plus
près de lui et sa couleur devient plus intense ;
tantôt, plus séduit par le contour de son
sujet que par la tache, il s'en éloigne le plus
possible pour n'en provoquer qu'une vision
générale de grâce, d'élégance ou de charme,
et le peint sommairement dans une lumière
fugitive.
Le portrait de M"0 L... dans cette attitude
-simple, empreinte d'une coquetterie à peine
étudiée, avec ce mouvement des mains fixant,
du bout des doigts, la fleur de la ceinture,
est exquis. Le portrait de Mmc Gallimard cor-
respond à l'autre manière, plus picturale
peut-être mais non pas plus artiste. La robe
blanche, les nœuds roses, le boa serpentin, le
bout de nature morte sur une tablette, près
du divan, tout cela est calculé avec une maî-
trise réelle.
M. Gustave Gefi'roy est l'intime ami de M.
Carrière. Est-ce pour cette raison que son por-
trait est l'un des meilleurs, sinon le meilleur,
par son caractère, qu'ait fait le peintre ? Sans
doute. L'on n'exprime bien que ce que l'on a
bien vu, dans une constance de sympathie.
Nous citerons encore, parmi les œuvres con-
nues, le Jean Dolent dans son intérieur, le
Gabriel Séailles, YAlphonse Daudet, por-
traits où les fillettes de ces trois écrivains,
différemment célèbres, sont si justement ob-
servées dans leur air de gentillesse, d'effron-
terie et de bouderie légère qui est le propre
de ces petits êtres, un jour des petites
femmes. Voici, en outre, le portrait do M.
Roger Marx et un Paul Verlaine, que son
heureux propriétaire peut se féliciter de pos-
séder; puis la série émouvante de ces Mater-
nités, dont la principale est au musée du
Luxembourg. Go sont ensuite Élise et son
sourire et ses yeux, et trois beaux panneaux
décoratifs.
L'œuvre la plus importante, toute nouvelle,
et qui eût été exposée au Salon du Champ-de-
Mars do cette année sans celte exposition par-
ticulière, décidée à la dernière heure, est le
grand portrait de M. E. Chausson avec sa
femme et ses enfants. Le tableau est vaste.
Le peintre a évité cet arrangement. symé-
trique, où chaque personnage est mis égale-
ment en vue, qui répand tant d'ennui dans les
œuvres de ce genre. C'est, dans une intimité
simple, une famille : l'épouse, en lumière, ac-
coudée au piano, qui est à peine traité, est
penchée vers le mari, peu éclairé, lui ; près de
leur mère, les enfants, groupés ensemble.
Cette toile, à cause de ses dimensions, du
recul nécessaire, était difficile à mettre en
bonne place dans la galerie de M. Bing, et il
est regrettable, peut-être, pour elle et pour
nous, qu'elle n'ait pas figuré au Salon de la
Société Nationale.
J. L.
Académie des Beaux-Arts
Séance du 16 mai
Le poème lyrique choisi pour êlro mis en mu-
sique par les concurrents au grand prix de Rome
est inlitulé Mêlusine et a pour auteur M. Fer-
nan Beissier.
M. Larroumet expose à l'Académie les enri-
chissements de l'organisation du musée d'Athè-
nes, où sont réunis les résultats des fouilles opé-
rées dans ces vingt-cinq dernières années. Il exa-
mine les arguments que plusieurs de ces œuvres
apportent dans la question de la polychromie sta-
tuaire et architecturale. Il termine en rappelant
la part prise par les artistes et les archéologues
français dans les travaux poursuivis en Grèce
depuis Beulé jusqu'à MM. llomolle et Nénot.