ET DE LA CURIOSITÉ
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d'un tel sujet et se sont abstenus ; neuf, par con-
tre, ont répondu à cet appel, et ce sont leurs
tableaux qui ont été exposés à Berlin. Ce sont :
MM. Ferdinand Brûtt et Arthur Kampf, de
Dùsseldorf ; Garl Marr et Gabriel Max, de Mu-
nich ; F. Skarbina, de Berlin ; Franz Stuck, de
Munich; Hans Thôma, de Francfort-sur-le-Mein;
F. von Uhde et Ernst Zimmermann, de Munich.
Aucun d'eux, disons-le tout de suite, ne nous
semble avoir atteint pleinement le but désiré ;
mais leurs œuvres n'en sont pas moins pleines
de talent et des plus intéressantes comme signi-
fication. Nous en résumons la conception d'après
les indications envoyées par les artistes eux-
mêmes, suivant le désir qui leur en avait été ex-
primé, et qui ont été jointes au catalogue.
Dans le tableau de M. Brûtt, c'est le Christ mi-
séricordieux, « consolateur des âmes croyantes
surtout dans la misère et la maladie » ; on le voit
en longs vêtements blancs, le visage pâle encadré
de cheveux noirs, entrant, à l'aube, dans une
chambre de malade faiblement éclairée.
M. Kampf a conçu son Christ dans un sens
tout réaliste: c'est « un homme, sans aucune si-
gnification symbolique, tout adonné à son idée du
salut de l'humanité » qu'il a voulu représenter
dans ce paysan maigre et affamé, en long caftan
blanc, sali, retenu par une ceinture rouge.
M. Marr nous montre un docteur de type juif,
assis les mains jointes, l'air sombre et pessi-
miste, sur un pan de muraille ; au fond, le ciel,
tout rouge, « symbolise la terrible destinée de ce-
lui qui doit sauver le monde par son sang. »
M. Gabriel Max, qui a cherché à unir l'expres-
sion d'une « haute gravité à celle dé la douceur
et de la pureté », a créé une figure aimable et
séduisante, trop sentimentale peut-être.
La devise du Christ, de M. Skarbina est : « Mon
royaume est la paix », et le peintre s'est donné
pour tâche de représenter un Christ « noble,
énergique, intelligent, donnant l'impression d'une
force entraînante et éloquente, plein d'un amour
et d'une douceur extrêmes, mais sans fadeur ».
Mais il n'a guère montré qu'un jeune homme
aux cheveux blonds, aux yeux bleus, le visage
empreint d'une profonde mélancolie, se repo-
sant, absorbé, dans un calme paysage, au cré-
puscule.
Le Christ énergique de M. Stuck, au contraire,
fait, comme le désire son auteur, penser en le
voyant : « Celui-ci a exercé une grande influence
sur les hommes ! » Mais est-ce bien le Christ mi-
séricordieux que cette sombre figure, à l'œil fixe?
La composition de M. Thoma est d'un tout
autre genre : il a voulu donner l'impression d'un
« calme solennel, résultat d'un accord harmo-
nieux de coloris » et c'est une symphonie en
bleu qu'il a exécutée, entourée d'un cadre orné
d'attributs symboliques.
M. Uhde a peint le Christ prêchant, apparais-
sant, éclairé de côté par une vive lumière, sous une
voûte sombre, mise en scène de cette parole de
l'Évangile : « La lumière a lui dans les ténè-
bres ». C'est un homme des classes populaires,
vêtu d'une robe rouge, les cheveux blonds en
broussaille, l'air un peu fanatique.
M. Zimmermann, enfin, a voulu représenter» un
homme dont l'âme est Dieu » ; son Christ, un jeune
homme délicat, aux yeux mélancoliques, se pro-
mène dans la campagne, songeant à sa mission.
Aucun de ces artistes, on le voit, — et en cela
nous sommes d'accord avec M1'8 Charlotte Broi-
cher, qui a publié sur cette exposition une inté-
ressante étude dans les Preussische Jahrbùcher,
— n'a réalisé exactement le programme donné ;
aucune de leurs œuvres ne nous donne le Christ
idéal désiré ; mais une telle figure ne relève-t-
elle pas avant tout du souffle imprévu de l'ins-
piration, et peut-on espérer de l'obtenir jamais
sur commande?
REVUE DES REVUES
Notes d'art et d'archéologie. — Les numéros
de septembre, octobre et novembre de cette re-
vue renferment une très intéressante étude de
M. Léon Giron sur une curieuse décoration du
xv" siècle formée d'animaux fantastiques et mys-
tiquement symboliques, un « Bestiaire divin »,
existant dans une maison, au Puy-en-Velay.
— Repertorium fur Kunstwissenschaft
(XIXe volume. — 5e fascicule). — M. G. Pauli nous
donne, surie développement deïlans Sebald Be-
ham comme graveur sur cuivre, un travail jinté-
ressant,oû il groupe en quatre périodes principales
les 269 planches do ce maître, en étudiant cha-
cune de ces phases de son talent : d'abord, les
œuvres (de 1518 à 1523, 48 numéros) où l'on sent
l'influence de Dûrer et aussi celle d'AUdorfor (M.
Pauli y range cinq eaux-fortes jusqu'ici non dé-
crites : une Madone offrant une pomme à
l'Enfant Jésus, au cabinet de Berlin; un Saint
Jérôme servant, un Porte-Drapeau debout près
d'un arbre, une Figure féminine allégorique,
tous trois signés et datés, au château do Gobourg ;
enfin, un Paysan allant au marché, regardé par
Barlsch comme une copie d'après Binck, alors
que c'est le contraire qui est vrai) ; — puis les
sujets mythologiques, allégoriques ou tirés de
l'histoire ancienne affectionnés par l'artiste de
1524 à 1530, période peu remarquable où se mani-
festent des influences italiennes (45 numéros) ; —
ensuite, les œuvres de la belle période de Beham,
oû il est tout à fait lui-même (1530-1539, 53 nu-
méros), parmi lesquelles il faut citer les ravis-
santes scènes de mœurs villageoises ; — enfin,
les productions de 153a à 1549 (123 numéros), où
il se développe de plus en plus, mais parfois à
l'excès, dans le sens du joli et du précieux.
— Article de M. Joseph Neuwirth sur une co-
pie libre et passablement modifiée du Rosaire de
Dûrer, qui fut exécutée, en 1632, par un peintre
de Brixen, Martin Polak, et qui se trouve actuel-
lement au musée d'Innsbruck.
— M. F.-J. Schmitt nous fait l'historique et la
description de la chapelle Saint-Laurent cons-
truite, au xiv° siècle, à l'ancienne Résidence de
Munich et aujourd'hui détruite.
— Bel article nécrologique consacré par M.
W. Bode au regretté Louis Courajod, oû hom-
mage est pleinement rendu au zèle fructueux et
à la science profonde de l'historien de notre sculp-
ture française.
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d'un tel sujet et se sont abstenus ; neuf, par con-
tre, ont répondu à cet appel, et ce sont leurs
tableaux qui ont été exposés à Berlin. Ce sont :
MM. Ferdinand Brûtt et Arthur Kampf, de
Dùsseldorf ; Garl Marr et Gabriel Max, de Mu-
nich ; F. Skarbina, de Berlin ; Franz Stuck, de
Munich; Hans Thôma, de Francfort-sur-le-Mein;
F. von Uhde et Ernst Zimmermann, de Munich.
Aucun d'eux, disons-le tout de suite, ne nous
semble avoir atteint pleinement le but désiré ;
mais leurs œuvres n'en sont pas moins pleines
de talent et des plus intéressantes comme signi-
fication. Nous en résumons la conception d'après
les indications envoyées par les artistes eux-
mêmes, suivant le désir qui leur en avait été ex-
primé, et qui ont été jointes au catalogue.
Dans le tableau de M. Brûtt, c'est le Christ mi-
séricordieux, « consolateur des âmes croyantes
surtout dans la misère et la maladie » ; on le voit
en longs vêtements blancs, le visage pâle encadré
de cheveux noirs, entrant, à l'aube, dans une
chambre de malade faiblement éclairée.
M. Kampf a conçu son Christ dans un sens
tout réaliste: c'est « un homme, sans aucune si-
gnification symbolique, tout adonné à son idée du
salut de l'humanité » qu'il a voulu représenter
dans ce paysan maigre et affamé, en long caftan
blanc, sali, retenu par une ceinture rouge.
M. Marr nous montre un docteur de type juif,
assis les mains jointes, l'air sombre et pessi-
miste, sur un pan de muraille ; au fond, le ciel,
tout rouge, « symbolise la terrible destinée de ce-
lui qui doit sauver le monde par son sang. »
M. Gabriel Max, qui a cherché à unir l'expres-
sion d'une « haute gravité à celle dé la douceur
et de la pureté », a créé une figure aimable et
séduisante, trop sentimentale peut-être.
La devise du Christ, de M. Skarbina est : « Mon
royaume est la paix », et le peintre s'est donné
pour tâche de représenter un Christ « noble,
énergique, intelligent, donnant l'impression d'une
force entraînante et éloquente, plein d'un amour
et d'une douceur extrêmes, mais sans fadeur ».
Mais il n'a guère montré qu'un jeune homme
aux cheveux blonds, aux yeux bleus, le visage
empreint d'une profonde mélancolie, se repo-
sant, absorbé, dans un calme paysage, au cré-
puscule.
Le Christ énergique de M. Stuck, au contraire,
fait, comme le désire son auteur, penser en le
voyant : « Celui-ci a exercé une grande influence
sur les hommes ! » Mais est-ce bien le Christ mi-
séricordieux que cette sombre figure, à l'œil fixe?
La composition de M. Thoma est d'un tout
autre genre : il a voulu donner l'impression d'un
« calme solennel, résultat d'un accord harmo-
nieux de coloris » et c'est une symphonie en
bleu qu'il a exécutée, entourée d'un cadre orné
d'attributs symboliques.
M. Uhde a peint le Christ prêchant, apparais-
sant, éclairé de côté par une vive lumière, sous une
voûte sombre, mise en scène de cette parole de
l'Évangile : « La lumière a lui dans les ténè-
bres ». C'est un homme des classes populaires,
vêtu d'une robe rouge, les cheveux blonds en
broussaille, l'air un peu fanatique.
M. Zimmermann, enfin, a voulu représenter» un
homme dont l'âme est Dieu » ; son Christ, un jeune
homme délicat, aux yeux mélancoliques, se pro-
mène dans la campagne, songeant à sa mission.
Aucun de ces artistes, on le voit, — et en cela
nous sommes d'accord avec M1'8 Charlotte Broi-
cher, qui a publié sur cette exposition une inté-
ressante étude dans les Preussische Jahrbùcher,
— n'a réalisé exactement le programme donné ;
aucune de leurs œuvres ne nous donne le Christ
idéal désiré ; mais une telle figure ne relève-t-
elle pas avant tout du souffle imprévu de l'ins-
piration, et peut-on espérer de l'obtenir jamais
sur commande?
REVUE DES REVUES
Notes d'art et d'archéologie. — Les numéros
de septembre, octobre et novembre de cette re-
vue renferment une très intéressante étude de
M. Léon Giron sur une curieuse décoration du
xv" siècle formée d'animaux fantastiques et mys-
tiquement symboliques, un « Bestiaire divin »,
existant dans une maison, au Puy-en-Velay.
— Repertorium fur Kunstwissenschaft
(XIXe volume. — 5e fascicule). — M. G. Pauli nous
donne, surie développement deïlans Sebald Be-
ham comme graveur sur cuivre, un travail jinté-
ressant,oû il groupe en quatre périodes principales
les 269 planches do ce maître, en étudiant cha-
cune de ces phases de son talent : d'abord, les
œuvres (de 1518 à 1523, 48 numéros) où l'on sent
l'influence de Dûrer et aussi celle d'AUdorfor (M.
Pauli y range cinq eaux-fortes jusqu'ici non dé-
crites : une Madone offrant une pomme à
l'Enfant Jésus, au cabinet de Berlin; un Saint
Jérôme servant, un Porte-Drapeau debout près
d'un arbre, une Figure féminine allégorique,
tous trois signés et datés, au château do Gobourg ;
enfin, un Paysan allant au marché, regardé par
Barlsch comme une copie d'après Binck, alors
que c'est le contraire qui est vrai) ; — puis les
sujets mythologiques, allégoriques ou tirés de
l'histoire ancienne affectionnés par l'artiste de
1524 à 1530, période peu remarquable où se mani-
festent des influences italiennes (45 numéros) ; —
ensuite, les œuvres de la belle période de Beham,
oû il est tout à fait lui-même (1530-1539, 53 nu-
méros), parmi lesquelles il faut citer les ravis-
santes scènes de mœurs villageoises ; — enfin,
les productions de 153a à 1549 (123 numéros), où
il se développe de plus en plus, mais parfois à
l'excès, dans le sens du joli et du précieux.
— Article de M. Joseph Neuwirth sur une co-
pie libre et passablement modifiée du Rosaire de
Dûrer, qui fut exécutée, en 1632, par un peintre
de Brixen, Martin Polak, et qui se trouve actuel-
lement au musée d'Innsbruck.
— M. F.-J. Schmitt nous fait l'historique et la
description de la chapelle Saint-Laurent cons-
truite, au xiv° siècle, à l'ancienne Résidence de
Munich et aujourd'hui détruite.
— Bel article nécrologique consacré par M.
W. Bode au regretté Louis Courajod, oû hom-
mage est pleinement rendu au zèle fructueux et
à la science profonde de l'historien de notre sculp-
ture française.