N° 2. — 1902
BUREAUX : 8-, RUE FAVART (2e Arr.)
11 Janvier.
LA
CHRONIQUE DES ARTS
. ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT LE SAMEDI MATIN
Les abonnés à une année entière de la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement
la Chronique des Arts et de la Curiosité.
PARIS ET DÉPARTEMENTS :
Un an.........12 fr. | Six mois........ 8 fr,
PROPOS DU JOUR
;L y a, pour les spectateurs de l'Opc-
! ra-Comique, une surprise qui n'est
point commune à voir Orphée et
! Eurydice dans le décor où la fan-
taisie de la mise en scène les a soudain
transportés. On ne s'attendrait pas à trouver
celle que la légende nomme la triste Eurydice
en un séjour qui rappelle bien plus le Prin-
temps de Botticelli que les Champs-Elysées
de la Fable. Le domaine des âmes bienheu-
reuses est représenté comme doucement éclairé
par le jour discret d'un soleil couchant, encore
tamisé par les feuilles; des fleurs éparscs
couvrent la terre ; do légers rayons bleuâtres
et mauves se glissent parmi les arbres et
viennent jouer sur les chevelures disposées
en bandeaux de jeunes femmes qui font des
danses et des chœurs.
Si peu averti que l'on soit sur la véritable
nature des Champs-Elysées, il est étrange que
l'imagination soit si malhabile à suppléer
les obscurités de l'histoire. Et s'il n'estpasim-
possible que les prairies d'asphodèles et les
sombres bords dont parlent les poètes antiques
se revêtent, pour des esprits modernes, do
toutes les grâces d'un printemps florentin,
c'est une fâcheuse pensée que de choisir de
semblables images pour illustrer la musique
de Gluck. On no peut douter qu'Eurydice se soit
trouvée en exil parmi ces rêves quelque peu
subtils et mystiques de Primitif ami de l'allé-
gorie, et Orphée, dans les lueurs opalines et
claires qui enveloppent la scène, a dû décou-
vrir un idéalisme un peu mièvre, mal fait à
la fois pour sa douleur profonde, et pour la
beauté antique et simple qu'il évoque.
11 paraît assez, cependant, que l'alliance
de Gluck et de Botticelli n'a pas offensé
le goût de ceux chez qui le plaisir des
yeux ne s'accompagne d'aucune recherche
spirituelle ; le spectacle ne leur a point sem-
blé être en désaccord avec la musique. Il en
est beaucoup qui n'ont pas le don do prati-
quer cette séparation des divertissements et
pour qui les couleurs, les formes et les sons
s'unissent en une seule impression d'art.
Gluck lui-même était de ceux-là, et c'est une
singulière erreur que d'avoir commis pareille
confusion à propos d'un artiste qui a cherché
la puissance dramatique dans la simplicité
même do l'expression et dans l'exacte harmo-
nie de la musique et de l'action.
NOUVELLES
M. Jean Destrem, publiciste, est nommé
conservateur du musée de la Marine, en rempla-
cement de M. Giudicelli, récemment décédé.
L'État vient de commander au sculpteur
Bacquet le buste en marbre de Cnallemel-La-
cour, ancien président du Sénat, pour le musée
de Versailles.
Le château de Saint-Germain, à la res-
tauration duquel est affecté un crédit de 100.000
francs, va recevoir une décoration picturale.
L'État vient, en effet, de commander six pein-
tures décoratives à M. Albert Girard, grand
prix de Rome en 1861, ex œquo avec M. Jules
Lefebvre, membre de l'Institut.
#** La collection d'objets antiques de M. de
Clercq vient d'être léguée au musée du Louvre
en nue propriété; sa veuve et un do ses neveux
en conservent l'usufruit.
On vient d'installer à la Sorbonne les
neuf peintures décoratives qui avaient été de-
BUREAUX : 8-, RUE FAVART (2e Arr.)
11 Janvier.
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. ET DE LA CURIOSITÉ
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PROPOS DU JOUR
;L y a, pour les spectateurs de l'Opc-
! ra-Comique, une surprise qui n'est
point commune à voir Orphée et
! Eurydice dans le décor où la fan-
taisie de la mise en scène les a soudain
transportés. On ne s'attendrait pas à trouver
celle que la légende nomme la triste Eurydice
en un séjour qui rappelle bien plus le Prin-
temps de Botticelli que les Champs-Elysées
de la Fable. Le domaine des âmes bienheu-
reuses est représenté comme doucement éclairé
par le jour discret d'un soleil couchant, encore
tamisé par les feuilles; des fleurs éparscs
couvrent la terre ; do légers rayons bleuâtres
et mauves se glissent parmi les arbres et
viennent jouer sur les chevelures disposées
en bandeaux de jeunes femmes qui font des
danses et des chœurs.
Si peu averti que l'on soit sur la véritable
nature des Champs-Elysées, il est étrange que
l'imagination soit si malhabile à suppléer
les obscurités de l'histoire. Et s'il n'estpasim-
possible que les prairies d'asphodèles et les
sombres bords dont parlent les poètes antiques
se revêtent, pour des esprits modernes, do
toutes les grâces d'un printemps florentin,
c'est une fâcheuse pensée que de choisir de
semblables images pour illustrer la musique
de Gluck. On no peut douter qu'Eurydice se soit
trouvée en exil parmi ces rêves quelque peu
subtils et mystiques de Primitif ami de l'allé-
gorie, et Orphée, dans les lueurs opalines et
claires qui enveloppent la scène, a dû décou-
vrir un idéalisme un peu mièvre, mal fait à
la fois pour sa douleur profonde, et pour la
beauté antique et simple qu'il évoque.
11 paraît assez, cependant, que l'alliance
de Gluck et de Botticelli n'a pas offensé
le goût de ceux chez qui le plaisir des
yeux ne s'accompagne d'aucune recherche
spirituelle ; le spectacle ne leur a point sem-
blé être en désaccord avec la musique. Il en
est beaucoup qui n'ont pas le don do prati-
quer cette séparation des divertissements et
pour qui les couleurs, les formes et les sons
s'unissent en une seule impression d'art.
Gluck lui-même était de ceux-là, et c'est une
singulière erreur que d'avoir commis pareille
confusion à propos d'un artiste qui a cherché
la puissance dramatique dans la simplicité
même do l'expression et dans l'exacte harmo-
nie de la musique et de l'action.
NOUVELLES
M. Jean Destrem, publiciste, est nommé
conservateur du musée de la Marine, en rempla-
cement de M. Giudicelli, récemment décédé.
L'État vient de commander au sculpteur
Bacquet le buste en marbre de Cnallemel-La-
cour, ancien président du Sénat, pour le musée
de Versailles.
Le château de Saint-Germain, à la res-
tauration duquel est affecté un crédit de 100.000
francs, va recevoir une décoration picturale.
L'État vient, en effet, de commander six pein-
tures décoratives à M. Albert Girard, grand
prix de Rome en 1861, ex œquo avec M. Jules
Lefebvre, membre de l'Institut.
#** La collection d'objets antiques de M. de
Clercq vient d'être léguée au musée du Louvre
en nue propriété; sa veuve et un do ses neveux
en conservent l'usufruit.
On vient d'installer à la Sorbonne les
neuf peintures décoratives qui avaient été de-