La chronique des arts et de la curiosité (1910)

ET DE LA CURIOSITE

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A la Société Nationale des Beaux-Arts

Voici la liste des nouveaux membres sociétaires
et associés élus par l’assemblée générale de la
Société Nationale dos Beaux-Arts.

Sociétaires

Peinture. — MM. H. de Beaumont, E. Bieler,
C.-G. Dufresne, E.-P. Fox, H. Baudot, MUe B.
IIow, MM. P. Madeline, A. Point, A. Truchet.

Sculpture. — MM. R. Bugatti, J. Froment-
Meurice, J.-P. Gras, E.-M. Sandoz, prince P.
Troubetzkoy, H. Valette.

Gravure. — M. M. Bauer.

Architecture. — MM. A. Dervaux, F. Planché,
P. Vorin.

Arts décoratifs. — MM. J.-L. Chadel, E. Gail-
lard, L.-A. Jallot.

Associés

Peinture. — MM. R. Charmaison, Columbano,
II. Courtens, F. Durozé, E. Elle, H.-A. Georget,
L.-M. Giran-Max, Hugh de T. Glazebrook, P.
Jouve,M110B. Langweil, MM. J.-J. Lemordant, E.-P.
Norselius, F. Olivier, E. Ostennan, F. Régamey,
R.-P. Schulzenberger, À. Schwarzschild.
Sculpture. — MM. L. Àndréotti, G. Binder,

L. -E. Drivier, Mme L. Gillet-Duval, M. R. Schwartz,
Mlle Y. Serruys, MM. P. Vannier, E.-F. Wield,
R. Wlerick.

Gravure. — MM. Edley Fitton, G.-J. Hallo,
G. lleyman, A.-M. Le Petit, E -A. Malo-Renault,

M. Mélieut, S. Rappa.

Architecture. — M. L. Braeliet.

Arts décoratifs.— M'“e M.de Bodinat, MM. E.-L.
Gapon, G.-L. Gapon, MUe M. de Félice, MM. G.-E.
Le Bourgeois, L. Malclès, MUe A.-G. Manger,
Mrae René-Jean, M. E. Thesmar.

PETITES EXPOSITIONS

Exposition Manet
(Galerie Bernheim jeune)

L'Olympia est au Louvre, elle y fait belle
figure, et son entrée, malgré quelques protestations
peu notables, a prouvé que la valeur de Manet
n’est plus aujourd’hui mise en question. Manet
n’est plus un artiste qu’il soit nécessaire de dé-
fendre. Ce n’est pas une raison, sans doute, pour
l’attaquer, mais un examen plus tranquille de ses
oeuvres amène à douter un peu de l’importance
historique que certaines admirations ont voulu
leur attribuer. Est-il bien le rénovateur qu’on a
dit ? n’y a-t-il pas un désaccord entre le modernisme
batailleur de ses sujets et la façon classique dont
ils sont peints? Manet avait beaucoup étudié les
anciens. En substituant le chapeau haut de forme
et la crinoline aux bonnets vénitiens et aux robes
à fraises, il ne se montrait pas un peintre plus
hardi de la vie contemporaine que Daumier, que
Millet ou que Courbet, qui l’avaient i recédé.
Le Déjeuner sur l'herbe, la Nana, sont de beaux
morceaux de peinture, mais qui sentent un peu trop
l’intention d’étonner le bourgeois. Je vois dans le
Bar aux Folies-Bergère de belles natures mortes,
un fond traité en maître, mais si je veux évoquer
un coin de la vie parisienne vers 1880, c’est au

Moulin de la Galette de Renoir que je penserai,
parce qu’il est peint avec toute la foi chaleureuse
en la vie qui manque à Manet.

Manet avait raison de s’insurger contre la hié-
rarchie des sujets, mais il fallait l’abolir et non
simplement la renverser en attribuant aux sujets
modernes une vertu intrinsèque et exclusive. Après
cela, la belle exécution reste sa force et c’est en
elle qu’il a mis le meilleur de lui-même. Dou-
teux dans sa conception du tableau, son goût aris-
tocratique, délicat, se manifeste dans la légèreté
nerveuse avec laquelle il sait peindre les toilettes
souvent disgracieuses de ses contemporaines et
nous laisser d’elles une image qui n’a pas vieilli,
parce qu’elle est basée sur des rapports plastiques
bien étudiés et non sur une copie du détail. Le
Café, les portraits au pastel, où les coiffures dé-
suètes ne sont qu’un charme de plus, en sont la
preuve. Les oeuvres exposées chez MM. Bernheim
s’échelonnent de 1806 à 1882, du Déjeuner dans
l'atelier, aux ombres lourdes, aux figures peu ani-
mées, à la Promenade, ce morceau superbe de force
souple. Manet y reste toujours fièrement fidèle à
son idéal de beau peintre, voulant la peinture
franche, sans supercherie. Et nous le voyons tel
qu’il se montre en son Portrait de 1879, debout,
l’œil bien ouvert, campé devant sa toile, empâtant,
posant des vigueurs à bras tendu, s’impatientant,
grattant, reprenant tout un morceau en quelques
instants. G’est là qu’est la vie de cet art, c’est par
cette santé du métier que Manet a eu une influence
heureuse sur notre école.

Exposition d’œuvres

.de Pissarro, Sisley, Renoir et Claude Monet
(Galerie Durand-Ruel)

A l’exposition Manet figure un portrait de M.
Claude Monet peignant dans le bateau de Daubi-
gny. Portrait symbolique. Daubigny nefutpas, en
effet, sans influencer l’impressionnisme. Mais de
combien de trouvailles personnelles M. Monet
devait augmenter les indications du peintre des
bords de l’Oise? G’est un grand amour de la lu-
mière qui a inspiré à M. Monet les modifications
successives de sa technique, comme la vue d’un
beau papillon inspire au collectionneur des ruses
propres à atteindre la proie et à la conserver in-
tacte. M. Monet a marqué ses étapes par des séries
dont on retrouve ici avec plaisir des unités : les
Nymphéas, Vétheuil, les Ponts de Londres, les
Peupliers de Giverny, grands papillons souvent
presque impalpables, qu’entoure le cadre doré.

M. Monet empruntait la barque de Daubigny.
Pissarro aurait pu chausser les sabots de Millet.
Il évita les scènes anecdotiques où se plut le
maître : le « genre » était honni par son école.
Mais il continua son œuvre et fut le plus véridique
peintre des hameaux de l’Ile-de-France et de leurs
habitants. Un Champ de choux, quelques bâti-
ments de ferme apparaissant derrière des pom-
miers : de tels motifs l’inspirèrent plus heureu-
sement que les paysages parisiens, sans doute
parce qu’il en étai t plus épris.

De quelles formes et de quelles couleurs M. Re-
noir ne fut-il pas épris? Au contraire de Manet,
le sujet reste pour lui sans signification, en dehors
de l’émotion visuelle qu’il provoque, et l’on peut
dire que son originalité se révèle non pas par le
sujet, mais malgré le sujet. Et pourtant, devant un
enfant, une jeune femme, un fruit, on dit parfois: