CHRONOLOGIE HISTORIQUE
CHRON OLOGIE HISTORIQUE
D E S
COMTES ET DES PRINCES DE CAPOUE.
Capoue est le nom qu’on appliqne à deux villes
de la Campanie, en Italie , distantes l’une de l’autre
d’environ deux milles. La premiere , suivant le calcul
de Velleius Paterculus ( L. i ), l’un de ses citoyens,
précede de 47 ans la fondation de Rome. Sa position
est entre le Volturne et Ie Literne ou le Clauius. Ce
furent les Etrusques ou lesToscans, et non les Grecs
qui la bâtirent. La bonté de son territoire et la salu-
1 brité de l’air qu’on y respiroit augmenterent sa po-
pulation au point qu’après Ilorne et Carthage, elle
passoit, environ quatre ou cinqsiecles après sa foiida-
tion , pour la plus grande ville de l’univers. Capoue ,
| si Ton s’en rapporte à Camille Pellegrini ( Disserb.
4, art. 11), fut d’abord partagée , comme Athenes,
i en douze bourgs , qui ne furent réunis en une seule
ville- que l’an 282 de la fondation de Rome. Les
Toscans, avarrt celle de Capoue , étoient ennemis des
Cmnains et déterminés à leur ruine. Ces dispositions
passerent anx Capouans, qui, se trouvant en forces ,
vinrentles attaquersurleur territoire, et leur livrerent
une bataille où ils en taillerent en pieces la plus
grande partie et contraignirent le reste à se retirer
dans leurs murs. Les vainqueurs ne tarderent pas à
venir assiéger la viile du Cumes. L’ayant serrée de
toute part, ils lui donnerent de si violens assauts ,
Squ’ils vinrent à bout, malgré sabrave défense, des’en
rendre maîtres. L’animosité des Capouans ne se ter-
mina point là ; ils ruinerent tous ses édifices , dé-
pouillerent ses habitans, s’adjugerent leurs biens ,
mirent les uns en prison , réduisirent les autres en
servitude , et exercerent toute la barbarie que la
fureur peut inspirer. Telle fut , l’an /\i6 avant
l’ere chrétienne, la ruine totale de Ia célebre ville
de Cumes , fondée 131 ans après la destruction de
1 Troye , io53 ans avant J. C.
| Denys,TyrandeSyracuse , ayantbesoinde troupes
pour une expédition qu’il méditoit , invite les Ca-
pouans à venir se ranger sous ses drapeaux ; se défiant
' ; j ensuite, cornine ils étoient en marche , de leur in-
constance, il les congédia , après leur avoir fait des
largesses propres à les clédommager amplement des
frais de leur voyage ; mais en s’en retournant, arrivés
à Entella, ville de Sicile , ils demanderent aux habi-
tans d’y être aclmis comine étrangers et locataires
qui vouloient s’y établir. Leurdemande accordée, ils
surprennent durant la nuil le peuple qui n’étoitpoint
sur ses gardes , massacrent tous les mâles , violent les
femmes , qu’ils épousent ensuite , et prennent ainsi
possession de la place.
Les Sidicins ou habitans de Teanum ( aujourd’hui
Tiano ), peuple autrefois considérable en Campanie ,
ayant été attaqués par les Samnites , sans autre motif
que parceque ceux-ci étoient les plus forts , furent
poussés au point , que, se voyant hors d’état de se
défendre par eux-mêmes , ils eurent recours aux
Capouans. Le secours qu’ils demandoient leur fut
accordé : maisles Capouans, amollis par une longue
paix, vivoient dans l’opulence, Ie plaisir et l’oisiveté et
avoient oublié leur ancienne valeur. Les troupesqu’ils
fournirent aux Sidicins , mal disciplinées, ne purent
tenir contre les Samnites , beaucoup plus aguerris :
battus par eux en différentes rencontres , les Si-
dicins transporterent , en fuyant , le théâtre de Ia
guerre dans le territoire de Capoue. Les vainqueurs,
les ayant poursuivis , obligerent les Capouans à se
renfermer dans leurs murs. Privée de laileurdesa
jeunesse qu’elle avoit perdue en divers combats, cette
ville ne trouva de ressource que dans l’assistance des
Romains, dont jusqu’alors elle avoit étélarivale. Mais
les Samnites étant alliés des Romains , ceux-ci ne
pouvoient, sans violer la foi qu’ils leur avoient jurée,
se déclarer pour leurs ennemis.Tout ce qu’ils crurent
pouvoir faire en faveur des Capouans, ce fut d’em-
ployer leurs bons offices pour les réconcilier avec les
Samnites. Telle est la substance en précis de la ré-
ponse que le Consul fit de la part du Sénat aux
députés de Capoue. Alors ceux-ci voyant qu’on ne
leur promettoitque des bons offices envers leurs enne-
mis , commencerentà déclarer les ordres secrets qu’ils
avoient reçus de leurs commettans. « Puisque vousne
croyez pas , Peres Conscripts , leur dirent-ils ,
« devoir vous armer pour notre défense , vous serez
» du moins obligés de prendre en main vos pro-
» pres intérêts ; or , dès à présent, suivant les pou-
5) voirs dont nous sommes munis , nous mettons en
« votre pouvoir nos personnes, la ville de Capoue ,
» ses campagnes, ses temples et toutes Ies choses
w divines ethumaines qui lui appartiennent, ensorte
« que désormais tout ce qui nous arrivera nous le
5) sousfrirons coinme nous étantcommun avec vousju
En disant cela les députés , fondant en larmes, éten-
dirent les mains vers le Consul et se jeterent devant
la porte du'Sénat. Sensible à la situation des Capouans
et résséchissant sur les vicissitudes des choses humai-
nes, considërant d’ailleurs le grand accroissement de
territoire et de puissance qui reviendroit à Rome
de la soumission volontaire d’un peuple nombreux,
riche et nageant dans le luxe et les plaisirs , le Sé-
nat hésita entre ]à fidélité qu’il devoit à ses alliés et
la crainte de se manquer à lui-même ainsi qu’à ceux
qui avoient recours à lui, s’il n’einployoit pas tous ses
soins pour empêcher la ruine d’une ville qui s’étoit
donnée volontairement à la République romaine :
mais lorsque les Capouans, par la bouche de leurs
Ambassadeurs, euren t solemnellement prononcé l’acte
par lequel ils se livroient sans réserve au Peuple
romain, alors la sainteté del’alliance contractée avec
les Samnites fut comptée pour rien en comparaison |
des grands avantages qui rësultoient pour Rome de j
l’acquisition d’une ville la plus grande et la plus !
riche de l’Italie, d’un territoire le plus fertile, voisin
; de la mer , et propre à devenir le grenier de Rome.
Etsimagnœ parti urbs maxima , dit Florus , L. 7 ,
c. 21 , opulentissimaque Italice , uberrimus ager
marique propinquus ad varietates annonce horreum
Populi romanifore videbatur. La guerre fut en
conséquence déclarée aux Samnites , après que Ies
Ambassadeurs romains qui leur furent envoyés les
eurent en vain exhortés à mettre fln aux hostilités
qu’ils exerçoient surle territoire deCapoue. Les deux
Consuls , M. Valerius Corvinus et A. Cornelius
Cossus Arvina, s’étant mis en campagne, chacun à la I
CHRON OLOGIE HISTORIQUE
D E S
COMTES ET DES PRINCES DE CAPOUE.
Capoue est le nom qu’on appliqne à deux villes
de la Campanie, en Italie , distantes l’une de l’autre
d’environ deux milles. La premiere , suivant le calcul
de Velleius Paterculus ( L. i ), l’un de ses citoyens,
précede de 47 ans la fondation de Rome. Sa position
est entre le Volturne et Ie Literne ou le Clauius. Ce
furent les Etrusques ou lesToscans, et non les Grecs
qui la bâtirent. La bonté de son territoire et la salu-
1 brité de l’air qu’on y respiroit augmenterent sa po-
pulation au point qu’après Ilorne et Carthage, elle
passoit, environ quatre ou cinqsiecles après sa foiida-
tion , pour la plus grande ville de l’univers. Capoue ,
| si Ton s’en rapporte à Camille Pellegrini ( Disserb.
4, art. 11), fut d’abord partagée , comme Athenes,
i en douze bourgs , qui ne furent réunis en une seule
ville- que l’an 282 de la fondation de Rome. Les
Toscans, avarrt celle de Capoue , étoient ennemis des
Cmnains et déterminés à leur ruine. Ces dispositions
passerent anx Capouans, qui, se trouvant en forces ,
vinrentles attaquersurleur territoire, et leur livrerent
une bataille où ils en taillerent en pieces la plus
grande partie et contraignirent le reste à se retirer
dans leurs murs. Les vainqueurs ne tarderent pas à
venir assiéger la viile du Cumes. L’ayant serrée de
toute part, ils lui donnerent de si violens assauts ,
Squ’ils vinrent à bout, malgré sabrave défense, des’en
rendre maîtres. L’animosité des Capouans ne se ter-
mina point là ; ils ruinerent tous ses édifices , dé-
pouillerent ses habitans, s’adjugerent leurs biens ,
mirent les uns en prison , réduisirent les autres en
servitude , et exercerent toute la barbarie que la
fureur peut inspirer. Telle fut , l’an /\i6 avant
l’ere chrétienne, la ruine totale de Ia célebre ville
de Cumes , fondée 131 ans après la destruction de
1 Troye , io53 ans avant J. C.
| Denys,TyrandeSyracuse , ayantbesoinde troupes
pour une expédition qu’il méditoit , invite les Ca-
pouans à venir se ranger sous ses drapeaux ; se défiant
' ; j ensuite, cornine ils étoient en marche , de leur in-
constance, il les congédia , après leur avoir fait des
largesses propres à les clédommager amplement des
frais de leur voyage ; mais en s’en retournant, arrivés
à Entella, ville de Sicile , ils demanderent aux habi-
tans d’y être aclmis comine étrangers et locataires
qui vouloient s’y établir. Leurdemande accordée, ils
surprennent durant la nuil le peuple qui n’étoitpoint
sur ses gardes , massacrent tous les mâles , violent les
femmes , qu’ils épousent ensuite , et prennent ainsi
possession de la place.
Les Sidicins ou habitans de Teanum ( aujourd’hui
Tiano ), peuple autrefois considérable en Campanie ,
ayant été attaqués par les Samnites , sans autre motif
que parceque ceux-ci étoient les plus forts , furent
poussés au point , que, se voyant hors d’état de se
défendre par eux-mêmes , ils eurent recours aux
Capouans. Le secours qu’ils demandoient leur fut
accordé : maisles Capouans, amollis par une longue
paix, vivoient dans l’opulence, Ie plaisir et l’oisiveté et
avoient oublié leur ancienne valeur. Les troupesqu’ils
fournirent aux Sidicins , mal disciplinées, ne purent
tenir contre les Samnites , beaucoup plus aguerris :
battus par eux en différentes rencontres , les Si-
dicins transporterent , en fuyant , le théâtre de Ia
guerre dans le territoire de Capoue. Les vainqueurs,
les ayant poursuivis , obligerent les Capouans à se
renfermer dans leurs murs. Privée de laileurdesa
jeunesse qu’elle avoit perdue en divers combats, cette
ville ne trouva de ressource que dans l’assistance des
Romains, dont jusqu’alors elle avoit étélarivale. Mais
les Samnites étant alliés des Romains , ceux-ci ne
pouvoient, sans violer la foi qu’ils leur avoient jurée,
se déclarer pour leurs ennemis.Tout ce qu’ils crurent
pouvoir faire en faveur des Capouans, ce fut d’em-
ployer leurs bons offices pour les réconcilier avec les
Samnites. Telle est la substance en précis de la ré-
ponse que le Consul fit de la part du Sénat aux
députés de Capoue. Alors ceux-ci voyant qu’on ne
leur promettoitque des bons offices envers leurs enne-
mis , commencerentà déclarer les ordres secrets qu’ils
avoient reçus de leurs commettans. « Puisque vousne
croyez pas , Peres Conscripts , leur dirent-ils ,
« devoir vous armer pour notre défense , vous serez
» du moins obligés de prendre en main vos pro-
» pres intérêts ; or , dès à présent, suivant les pou-
5) voirs dont nous sommes munis , nous mettons en
« votre pouvoir nos personnes, la ville de Capoue ,
» ses campagnes, ses temples et toutes Ies choses
w divines ethumaines qui lui appartiennent, ensorte
« que désormais tout ce qui nous arrivera nous le
5) sousfrirons coinme nous étantcommun avec vousju
En disant cela les députés , fondant en larmes, éten-
dirent les mains vers le Consul et se jeterent devant
la porte du'Sénat. Sensible à la situation des Capouans
et résséchissant sur les vicissitudes des choses humai-
nes, considërant d’ailleurs le grand accroissement de
territoire et de puissance qui reviendroit à Rome
de la soumission volontaire d’un peuple nombreux,
riche et nageant dans le luxe et les plaisirs , le Sé-
nat hésita entre ]à fidélité qu’il devoit à ses alliés et
la crainte de se manquer à lui-même ainsi qu’à ceux
qui avoient recours à lui, s’il n’einployoit pas tous ses
soins pour empêcher la ruine d’une ville qui s’étoit
donnée volontairement à la République romaine :
mais lorsque les Capouans, par la bouche de leurs
Ambassadeurs, euren t solemnellement prononcé l’acte
par lequel ils se livroient sans réserve au Peuple
romain, alors la sainteté del’alliance contractée avec
les Samnites fut comptée pour rien en comparaison |
des grands avantages qui rësultoient pour Rome de j
l’acquisition d’une ville la plus grande et la plus !
riche de l’Italie, d’un territoire le plus fertile, voisin
; de la mer , et propre à devenir le grenier de Rome.
Etsimagnœ parti urbs maxima , dit Florus , L. 7 ,
c. 21 , opulentissimaque Italice , uberrimus ager
marique propinquus ad varietates annonce horreum
Populi romanifore videbatur. La guerre fut en
conséquence déclarée aux Samnites , après que Ies
Ambassadeurs romains qui leur furent envoyés les
eurent en vain exhortés à mettre fln aux hostilités
qu’ils exerçoient surle territoire deCapoue. Les deux
Consuls , M. Valerius Corvinus et A. Cornelius
Cossus Arvina, s’étant mis en campagne, chacun à la I