vertical où tous les mouvements et toutes les saillies se
perdent, comme les nœuds de l'arbre, avant la naissance
des branches, dans la masse du tronc rugueux. Serrée,
tendue, gonflée dans cette gaine, la vie profonde y prend
un caractère engourdi, somnolent encore, mais d'une
impressionnante et irréductible unité.
Un demi-siècle. L'antagonisme croissant des intérêts,
les abus de l'aristocratie créent dans les masses populaires
des courants sourds, qui secouent l'édifice faiblement
d'abord, mais assez pour y éveiller des besoins nouveaux,
des idées nouvelles. Si la solidité des castes semble encore
inébranlée et peut paraître même accrue, car elles sentent
menacée leur intégrité première, leur hermétisme est moins
complet. Voici les héros, les chevaux de Delphes, les Caria-
tides de Cnide, les Orantes du vieux Parthénon. Dans ces
statues émouvantes, où le mâle dorien et la femelle ionienne
s'observent, mais refusent de s'unir, le plan s'affirme, dès
l'abord, comme une idée plus définie, un peu moins noyée
dans l'ensemble, parcouru d'un large frisson. Il s'efforce de
sortir d'une formule architectonique anonyme pour édi-
fier, dans l'argile qu'il sculpte, une idole autonome bougeant
un peu, un étrange sourire aux lèvres, un pied ou un bras en
avant. Le passage, encore rugueux, anime un peu les profils,
fait onduler sourdement les surfaces. L'équilibre des masses
s'ébauche, succédant à leur symétrie, et c'est au mouvement
des puissances profondes parcourant la forme en dedans que
les plans doivent leur vigueur (i). Le cylindre est vivant, les
nœuds et les bourgeons affleurent, les branches vont pousser
du tronc. Les écrivains du temps sont des poètes philosophes
qui créent un système du monde, un appareil monumental
à peine ébauché, mais grandiose et circulaire, qui émerge
péniblement du mythe sans vouloir ni pouvoir se séparer de
lui. En pensée, en politique, comme dans l'idole elle-même,
l'individu s'esquisse dans quelques cerveaux monstrueux.
Un demi-siècle. Par tribus, par partis, par classes, des
groupes ardents s'organisent, encore raides, presque méca-
(i) Fig. 5.
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perdent, comme les nœuds de l'arbre, avant la naissance
des branches, dans la masse du tronc rugueux. Serrée,
tendue, gonflée dans cette gaine, la vie profonde y prend
un caractère engourdi, somnolent encore, mais d'une
impressionnante et irréductible unité.
Un demi-siècle. L'antagonisme croissant des intérêts,
les abus de l'aristocratie créent dans les masses populaires
des courants sourds, qui secouent l'édifice faiblement
d'abord, mais assez pour y éveiller des besoins nouveaux,
des idées nouvelles. Si la solidité des castes semble encore
inébranlée et peut paraître même accrue, car elles sentent
menacée leur intégrité première, leur hermétisme est moins
complet. Voici les héros, les chevaux de Delphes, les Caria-
tides de Cnide, les Orantes du vieux Parthénon. Dans ces
statues émouvantes, où le mâle dorien et la femelle ionienne
s'observent, mais refusent de s'unir, le plan s'affirme, dès
l'abord, comme une idée plus définie, un peu moins noyée
dans l'ensemble, parcouru d'un large frisson. Il s'efforce de
sortir d'une formule architectonique anonyme pour édi-
fier, dans l'argile qu'il sculpte, une idole autonome bougeant
un peu, un étrange sourire aux lèvres, un pied ou un bras en
avant. Le passage, encore rugueux, anime un peu les profils,
fait onduler sourdement les surfaces. L'équilibre des masses
s'ébauche, succédant à leur symétrie, et c'est au mouvement
des puissances profondes parcourant la forme en dedans que
les plans doivent leur vigueur (i). Le cylindre est vivant, les
nœuds et les bourgeons affleurent, les branches vont pousser
du tronc. Les écrivains du temps sont des poètes philosophes
qui créent un système du monde, un appareil monumental
à peine ébauché, mais grandiose et circulaire, qui émerge
péniblement du mythe sans vouloir ni pouvoir se séparer de
lui. En pensée, en politique, comme dans l'idole elle-même,
l'individu s'esquisse dans quelques cerveaux monstrueux.
Un demi-siècle. Par tribus, par partis, par classes, des
groupes ardents s'organisent, encore raides, presque méca-
(i) Fig. 5.
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