proclame la République dans la ville de la papauté. Quand
la première université — celle de Paris — apparaît hors
d'Italie, celle de Bologne existe depuis quelque cinquante
ans. Et on y enseigne le droit, et non la théologie. L'église
italienne a déjà perdu, au xiiie siècle, sa primitive pureté.
Tandis que la Commune du nord de la France tire de l'in-
vention de l'ogive le plus admirable parti, invitant la foule
elle-même qui échappait déjà à la théocratie romane à
édifier son poème social, les villes italiennes substituent un
peu partout à l'édifice religieux le palais municipal. De
farouches murs crénelés s'élèvent sur les dalles nues, témoi-
gnant d'un particularisme qui s'accentue de jour en jour.
L'individu pousse dans la guerre des rues, nourri d'envie
et de fureur. Dès ce temps-là, alors que l'imagier et le peintre
travaillent en France coude à coude dans le même chantier,
alors qu'aucun poème personnel de lyrisme ou de pensée
ne songe à rassembler en lui l'unité multitudinaire de la
cathédrale, François d'Assise et Thomas d'Aquin, bientôt
Dante, Giotto (i), Duccio, Simone Martini, les frères Loren-
zetti, résument par des mots, des formules, des pein-
tures d'une admirable force synthétique, tout ce que l'idée
chrétienne a pu faire germer de plus conscient et de plus
noble dans les têtes et les cœurs. Les symphonistes de Venise
pourront naître quand Vinci, Michel-Ange, Raphaël, ache-
vant l'effort des mélodistes toscans Angelico, Ghirlandajo,
Lippi, Signorelli, Piero della Francesca (2), auront coulé dans
le moule de leur énergie spirituelle la forme italienne par-
venue à sa plus implacable réalité : l'individualisme italien
possède une telle avance qu'il précède d'un siècle entier
tous les Occidentaux chargés d'exprimer les plus hauts
sentiments et les plus vastes sensations que la peinture sym-
phonique ait jamais tenté de saisir. Dès le milieu du xvie siècle,
en effet, le corps social mourait en Italie, alors qu'en Occi-
dent, grâce aux guerres religieuses, l'énergie morale mainte-
nait, dans les confessions en lutte, une cohésion spirituelle
(1) Art Médiéval, p. 204 et 205.
(2) Fig. 52.
œ 39 —
la première université — celle de Paris — apparaît hors
d'Italie, celle de Bologne existe depuis quelque cinquante
ans. Et on y enseigne le droit, et non la théologie. L'église
italienne a déjà perdu, au xiiie siècle, sa primitive pureté.
Tandis que la Commune du nord de la France tire de l'in-
vention de l'ogive le plus admirable parti, invitant la foule
elle-même qui échappait déjà à la théocratie romane à
édifier son poème social, les villes italiennes substituent un
peu partout à l'édifice religieux le palais municipal. De
farouches murs crénelés s'élèvent sur les dalles nues, témoi-
gnant d'un particularisme qui s'accentue de jour en jour.
L'individu pousse dans la guerre des rues, nourri d'envie
et de fureur. Dès ce temps-là, alors que l'imagier et le peintre
travaillent en France coude à coude dans le même chantier,
alors qu'aucun poème personnel de lyrisme ou de pensée
ne songe à rassembler en lui l'unité multitudinaire de la
cathédrale, François d'Assise et Thomas d'Aquin, bientôt
Dante, Giotto (i), Duccio, Simone Martini, les frères Loren-
zetti, résument par des mots, des formules, des pein-
tures d'une admirable force synthétique, tout ce que l'idée
chrétienne a pu faire germer de plus conscient et de plus
noble dans les têtes et les cœurs. Les symphonistes de Venise
pourront naître quand Vinci, Michel-Ange, Raphaël, ache-
vant l'effort des mélodistes toscans Angelico, Ghirlandajo,
Lippi, Signorelli, Piero della Francesca (2), auront coulé dans
le moule de leur énergie spirituelle la forme italienne par-
venue à sa plus implacable réalité : l'individualisme italien
possède une telle avance qu'il précède d'un siècle entier
tous les Occidentaux chargés d'exprimer les plus hauts
sentiments et les plus vastes sensations que la peinture sym-
phonique ait jamais tenté de saisir. Dès le milieu du xvie siècle,
en effet, le corps social mourait en Italie, alors qu'en Occi-
dent, grâce aux guerres religieuses, l'énergie morale mainte-
nait, dans les confessions en lutte, une cohésion spirituelle
(1) Art Médiéval, p. 204 et 205.
(2) Fig. 52.
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