utilitaire des Romains, l'architecture civile française des
xviie et xviiie siècles, toutes deux apparues sur un terrain
social bouleversé alors même que le mythe ayant quitté les
cœurs, l'individu se cherchait dans le désert de sa puissance.
Quand apparaît la grande architecture romaine, la religion
primitive a entraîné dans sa ruine l'aristocratie, et, pour con-
tenir la plèbe à tout moment accrue, brassée, renouvelée par
le reflux dans Rome des races, des cultes, des systèmes, des
intérêts antagonistes, une tyrannie convulsive a remplacé le
moule granitique où la constitution républicaine enfermait
l'individu. Or, dans l'histoire entière de la construction, rien
n'est plus pur, rien n'est plus fort, rien n'est plus catégorique
que ces murs dépouillés qui suspendent dans l'espace les
gradins, les arches, les voûtes, et répandent, jusqu'aux
confins de la terre connue, l'esprit légalitaire et ordonnateur
des Latins. Mais là, précisément, est la clé du mystère. Le
mythe romain mort, tous les mondes anciens à faire entrer
à la fois dans la cité latine à l'heure où leurs mythes propres
agonisaient aussi ou s'ébauchaient confusément au sein
d'une anarchie morale immense, un puissant organisme
politique se constituait tant bien que mal, seul connaissant
son but dans le chaos unanime et seul doué d'une science
organisatrice capable de remédier à l'absence du lien social.
L'administration, partout, a remplacé la religion. La loi
morale, en s'effondrant, laisse le champ libre à la loi civile.
Une ère d'attente s'ouvre, où l'armature artificielle imposée
par le conquérant va souder les lambeaux spirituels d'un
grand corps amorphe et, en lui révélant les besoins com-
muns, préparer l'éclosion d'une confession commune. C'est
sous les Antonins que le statut des provinces romaines atteint
son organisation la plus robuste et que le Droit revêt le
caractère du monument civil le plus solide de l'antiquité.
Or, c'est sous les Antonins que les plus achevées et les plus
imposantes constructions de Rome surgissent un peu par-
tout, masses augustes, courbes continues, murailles géantes,
matière dense, poids verticaux permettant des légèretés et
des audaces de structure que seul le fer a pu depuis atteindre,
ordre imposé par la formule intransigeante du légiste et de
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xviie et xviiie siècles, toutes deux apparues sur un terrain
social bouleversé alors même que le mythe ayant quitté les
cœurs, l'individu se cherchait dans le désert de sa puissance.
Quand apparaît la grande architecture romaine, la religion
primitive a entraîné dans sa ruine l'aristocratie, et, pour con-
tenir la plèbe à tout moment accrue, brassée, renouvelée par
le reflux dans Rome des races, des cultes, des systèmes, des
intérêts antagonistes, une tyrannie convulsive a remplacé le
moule granitique où la constitution républicaine enfermait
l'individu. Or, dans l'histoire entière de la construction, rien
n'est plus pur, rien n'est plus fort, rien n'est plus catégorique
que ces murs dépouillés qui suspendent dans l'espace les
gradins, les arches, les voûtes, et répandent, jusqu'aux
confins de la terre connue, l'esprit légalitaire et ordonnateur
des Latins. Mais là, précisément, est la clé du mystère. Le
mythe romain mort, tous les mondes anciens à faire entrer
à la fois dans la cité latine à l'heure où leurs mythes propres
agonisaient aussi ou s'ébauchaient confusément au sein
d'une anarchie morale immense, un puissant organisme
politique se constituait tant bien que mal, seul connaissant
son but dans le chaos unanime et seul doué d'une science
organisatrice capable de remédier à l'absence du lien social.
L'administration, partout, a remplacé la religion. La loi
morale, en s'effondrant, laisse le champ libre à la loi civile.
Une ère d'attente s'ouvre, où l'armature artificielle imposée
par le conquérant va souder les lambeaux spirituels d'un
grand corps amorphe et, en lui révélant les besoins com-
muns, préparer l'éclosion d'une confession commune. C'est
sous les Antonins que le statut des provinces romaines atteint
son organisation la plus robuste et que le Droit revêt le
caractère du monument civil le plus solide de l'antiquité.
Or, c'est sous les Antonins que les plus achevées et les plus
imposantes constructions de Rome surgissent un peu par-
tout, masses augustes, courbes continues, murailles géantes,
matière dense, poids verticaux permettant des légèretés et
des audaces de structure que seul le fer a pu depuis atteindre,
ordre imposé par la formule intransigeante du légiste et de
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