cation. Car nous ignorons à peu près les variations de la doc-
trine, les mouvements sociaux à qui ces variations répondent,
leurs échos dans la littérature, la morale, les mœurs. Cepen-
dant, quelques phénomènes identiques à ceux qui marquent
ailleurs la décomposition du corps social apparaissent vers
le déclin de la culture égyptienne. Et ils sont significatifs.
Ainsi dès l'époque saïte, quand le portrait individuel se mul-
tiplie — la statue gardant toutefois son allure architecto-
nique (i) — on ne bâtit plus aucun temple. Ainsi, l'époque
gréco-romaine voit se disloquer dans la statue et le portrait
même l'esprit de masse et de cohésion où l'Égypte s'est
définie pendant cinquante siècles, au point que les sphinx
et les dieux contemporains des Ptolémées ont complètement
oublié leur caractère religieux ou symbolique et constituent
une industrie d'ameublement de la plus pauvre qualité. Ainsi
l'époque chrétienne assiste à l'apparition de ces portraits
peints (2) où la vie intérieure éclate, hallucinante, musicale,
rayonnante et en même temps concentrée, immense afflux
des âmes simples que l'espoir envahit. Le passage de l'orga-
nisme égyptien à l'organisme chrétien éprouve la crise poi-
gnante subie par l'hellénisme entier à la même époque, au
cours de laquelle on a pu croire le monde social ruiné pour
toujours et l'individu abandonné à la dérive, la grande archi-
tecture et la grande sculpture n'étant plus même un souvenir.
Tant que l'édifice social égyptien dure, en tout cas, c'est-
à-dire jusqu'à Ramsès III, l'art égyptien ne conçoit même
pas l'individu comme indépendant de cet édifice, et si nous-
mêmes essayons de concevoir sa statuaire comme indé-
pendante de son architecture, nous ne la comprenons pas.
Non qu'il prétende l'associer à la construction. Au contraire,
il l'en sépare plus nettement que le Grec. Il laisse nus ses
temples hermétiques, enfermant dans leur ombre la plus
étroite quelque momie de crocodile, quelque statuette d'éper-
vier. Mais durant quatre ou cinq mille ans, la statue ne sort
pas du principe géométrique qui préside à l'aménagement
(1) Fig. 98.
(2) Fig. 25.
— 50 —
trine, les mouvements sociaux à qui ces variations répondent,
leurs échos dans la littérature, la morale, les mœurs. Cepen-
dant, quelques phénomènes identiques à ceux qui marquent
ailleurs la décomposition du corps social apparaissent vers
le déclin de la culture égyptienne. Et ils sont significatifs.
Ainsi dès l'époque saïte, quand le portrait individuel se mul-
tiplie — la statue gardant toutefois son allure architecto-
nique (i) — on ne bâtit plus aucun temple. Ainsi, l'époque
gréco-romaine voit se disloquer dans la statue et le portrait
même l'esprit de masse et de cohésion où l'Égypte s'est
définie pendant cinquante siècles, au point que les sphinx
et les dieux contemporains des Ptolémées ont complètement
oublié leur caractère religieux ou symbolique et constituent
une industrie d'ameublement de la plus pauvre qualité. Ainsi
l'époque chrétienne assiste à l'apparition de ces portraits
peints (2) où la vie intérieure éclate, hallucinante, musicale,
rayonnante et en même temps concentrée, immense afflux
des âmes simples que l'espoir envahit. Le passage de l'orga-
nisme égyptien à l'organisme chrétien éprouve la crise poi-
gnante subie par l'hellénisme entier à la même époque, au
cours de laquelle on a pu croire le monde social ruiné pour
toujours et l'individu abandonné à la dérive, la grande archi-
tecture et la grande sculpture n'étant plus même un souvenir.
Tant que l'édifice social égyptien dure, en tout cas, c'est-
à-dire jusqu'à Ramsès III, l'art égyptien ne conçoit même
pas l'individu comme indépendant de cet édifice, et si nous-
mêmes essayons de concevoir sa statuaire comme indé-
pendante de son architecture, nous ne la comprenons pas.
Non qu'il prétende l'associer à la construction. Au contraire,
il l'en sépare plus nettement que le Grec. Il laisse nus ses
temples hermétiques, enfermant dans leur ombre la plus
étroite quelque momie de crocodile, quelque statuette d'éper-
vier. Mais durant quatre ou cinq mille ans, la statue ne sort
pas du principe géométrique qui préside à l'aménagement
(1) Fig. 98.
(2) Fig. 25.
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