rencontre, dans la conscience du poète, des valeurs anciennes
parvenues à leur maximum de maturité spirituelle et des
valeurs nouvelles qui pointent de toute part.
La tragédie, dans tous les cas, se borne à constater. Jamais
elle n'a retenu une race au bord de l'abîme. Au contraire,
elle l'y pousse un peu plus vite, le drame épars, dès que le
poète a su le ramasser, ouvrant, chez le spectateur, des
avenues insoupçonnées, éveillant des passions et des curio-
sités terribles, suscitant le besoin d'essayer sa force héroïque
ou de soumettre sa faiblesse à l'épreuve de l'enfer. Lancées
dans l'avenir avec l'individu, la peinture, puis la musique,
que le roman et, après lui, la résurrection du lyrisme accom-
pagnent, font apparaître dans certains esprits, soit pour la
réprobation, soit pour l'enthousiasme, des possibilités de
communion où des formes nouvelles germent. Le mot de
décadence n'a de sens que si l'on envisage une civilisation
comme un cercle fermé hors lequel tout est ténèbres et
demeurera ténèbres. Mais le monde a d'autres ressources
dans la nécessité qu'il éprouve de vivre, et pour vivre de
créer sans cesse, et dans sa superbe indifférence à déposséder
de la flamme la race élue au profit de la race à élire en vue
de réalisations dont ni l'une ni l'autre ne connaît le sens et
l'aspect. Ce qu'on appelle « décadence » est précisément
l'époque où le plus grand nombre d'éléments différenciés
fermentent, pourrissent, meurent, germent ou croissent et où,
par conséquent, des relations nouvelles apparaissent, où des
groupements insoupçonnés s'organisent, où des forces vierges
se soudent en vue d'un avenir qu'elles ne verront pas. Si
tout meurt du principe qui le fit naître, si par exemple la
Grèce est tuée par sa recherche restreinte de la vérité dans
l'objet, l'Islam par son spiritualisme exclusif que poursuit
l'arabesque dans un cercle trop abstrait, l'Inde par son
sensualisme où doit s'enliser l'esprit, tout renaît du principe
même qui l'a fait mourir ailleurs. La Grèce bâtit sa maison
avec les matériaux ramassés dans les ruines assyriennes,
égyptiennes, phéniciennes. C'est grâce aux statues grecques
déjà dégénérées apportées par Alexandre sur l'Indus dans
ses chariots militaires, que l'immense marée de la sculpture
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parvenues à leur maximum de maturité spirituelle et des
valeurs nouvelles qui pointent de toute part.
La tragédie, dans tous les cas, se borne à constater. Jamais
elle n'a retenu une race au bord de l'abîme. Au contraire,
elle l'y pousse un peu plus vite, le drame épars, dès que le
poète a su le ramasser, ouvrant, chez le spectateur, des
avenues insoupçonnées, éveillant des passions et des curio-
sités terribles, suscitant le besoin d'essayer sa force héroïque
ou de soumettre sa faiblesse à l'épreuve de l'enfer. Lancées
dans l'avenir avec l'individu, la peinture, puis la musique,
que le roman et, après lui, la résurrection du lyrisme accom-
pagnent, font apparaître dans certains esprits, soit pour la
réprobation, soit pour l'enthousiasme, des possibilités de
communion où des formes nouvelles germent. Le mot de
décadence n'a de sens que si l'on envisage une civilisation
comme un cercle fermé hors lequel tout est ténèbres et
demeurera ténèbres. Mais le monde a d'autres ressources
dans la nécessité qu'il éprouve de vivre, et pour vivre de
créer sans cesse, et dans sa superbe indifférence à déposséder
de la flamme la race élue au profit de la race à élire en vue
de réalisations dont ni l'une ni l'autre ne connaît le sens et
l'aspect. Ce qu'on appelle « décadence » est précisément
l'époque où le plus grand nombre d'éléments différenciés
fermentent, pourrissent, meurent, germent ou croissent et où,
par conséquent, des relations nouvelles apparaissent, où des
groupements insoupçonnés s'organisent, où des forces vierges
se soudent en vue d'un avenir qu'elles ne verront pas. Si
tout meurt du principe qui le fit naître, si par exemple la
Grèce est tuée par sa recherche restreinte de la vérité dans
l'objet, l'Islam par son spiritualisme exclusif que poursuit
l'arabesque dans un cercle trop abstrait, l'Inde par son
sensualisme où doit s'enliser l'esprit, tout renaît du principe
même qui l'a fait mourir ailleurs. La Grèce bâtit sa maison
avec les matériaux ramassés dans les ruines assyriennes,
égyptiennes, phéniciennes. C'est grâce aux statues grecques
déjà dégénérées apportées par Alexandre sur l'Indus dans
ses chariots militaires, que l'immense marée de la sculpture
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