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ses passions qui séparent l'homme de l'homme, séparent dans
l'homme même l'esprit du cœur, le cœur du sexe pour déchaî-
ner en lui des conflits déchirants, dès que l'homme du Sud
aborde l'idée et l'objet dans l'ordre esthétique, il tend à
généraliser, à idéaliser, à réunir. L'homme du Nord qui, dans
l'ordre moral, généralise parce qu'il tend sans cesse à mettre
d'accord l'esprit, le sexe et le cœur, n'aborde l'idée et l'objet
qu'avec un souci invincible d'analyse et de caractérisation.
Voici des temples jaillissant soudain du chaos des sens
et des cœurs enfermés dans la gangue théologique, voici
l'esprit tendu comme une voûte au-dessus du sang sur le pavé,
voici les foules évidant une montagne, les aqueducs enjam-
bant les plaines comme un monstre poursuivi, les forêts
poussant sur les ruines des sanctuaires entassés : forces
mêlées où cependant brille et circule le feu spirituel, mu-
sique... Musique où toutes les voix de la conscience et de
l'espace aboutissent pour rouler les âmes confondues dans la
progression victorieuse d'une seule âme qui le veut... Voici
les migrations des affamés à travers les solitudes, les pleurs
des inassouvis dans les nuits chaudes, les crânes écrasés, les
viols, la boue sanglante de la guerre, la fièvre de la danse
la puissance des étés. Voici une tête d'homme qui vient
parce que cela fut. Voici des milliards d'hommes que ne
dépasse pas un front, mais où une harmonie géante court
et murmure parce qu'un seul homme est venu il y a peut-être
mille ans. Bondissement de tant de cœurs pour créer une
intelligence, humilité de tant d'intelligences pour éveiller un
seul cœur. Toute civilisation nous semble, malgré le conflit
permanent des intérêts et des passions qui tendent à la dislo-
quer, et précisément grâce à lui, d'une unité intransigeante.
Nous avons dû nous déchirer nous-mêmes pour en dissocier
les éléments. Elle est une, à coup sûr. Une, comme un appel
d'amour jailli d'une poitrine où le fer s'enfonce. Nietzsche
a plus raison qu'il ne croit. Il s'agit bien des Grecs! Il
s'agit de nous tous. Il n'y a rien, nulle part, rien si la lumière
de l'esprit n'est pas empruntée tout entière à la flamme des
instincts. C'est en tout temps et partout la lutte sans issue
possible de Dionysos et d'Apollon. Sans issue, si ce n'est

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