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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0191
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entre l'univers et le peintre pour lui cacher son émoi, et là
ces hommes charnels qui regardent cette matière poignante
triturée de sang et de feu, le peintre seul en face du drame de
vivre et se retrouvant en lui.
Quand cette découverte anxieuse et lente de soi-même est
nécessaire, quand, au lieu de toucher dans la pénombre des
formes émouvantes qu'on ne sait contourner qu'en tâton-
nant et définir qu'en balbutiant, on peut ainsi, grâce à la
lumière croissante, les imbriquer les unes dans les autres
pour en faire un seul bloc que l'esprit modèle et cimente, il
semble que soit franchie la seconde porte du mystère, devant
qui l'ingénu s'arrête sans même la voir. Je crois qu'il est très
grand d'obéir avec enthousiasme à la plus impérieuse entre
les forces instinctives qui nous mènent vers un but où nous
sommes seuls à marcher. Je crois qu'il est plus grand de
justifier et d'accroître cet enthousiasme en découvrant que
la conscience a pour mission de débarrasser cette force de
tout ce qui ne lui appartient pas. Chassés du paradis avec la
connaissance, nous aspirons à y rentrer avec l'amour. La
faculté de projeter la vie dans une forme imaginaire, c'est
l'animalité de l'homme élevée, par une opération sublime, à
la dignité de l'esprit. Tout ce qui exprime l'homme simple,
le pauvre homme, la bête à peine dégagée de ses impulsions
les plus frustes et de son besoin élémentaire de se créer un
abri, des outils de travail, des cadences primitives pour
rythmer et faciliter ce travail, se retrouve seulement dans
les consciences les plus hautes qui ne font, après tout, que
spiritualiser ce besoin. A mi-chemin, chez l'homme « cul-
tivé », nourri d'érudition, pourri d'éducation, glacé de science,
il ne se retrouve pas.
Je me souviens d'une arrivée au Pirée, où de délicieuses
petites maisons à fronton triangulaire, frottées de rose ou
de bleu, me donnèrent l'impression soudaine, et irrésistible,
que c'était là l'architecture populaire de ce lieu depuis
trois mille ans, et qu'elle était plus parente de celle du Par-
thénon que j'apercevais, à quelques lieues, sur son socle
naturel, que les savantes reconstitutions où s'abritent, dans
l'Athènes moderne, les Universités et les banques, sans

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