transposer toutes les forces extérieures en une forme per-
sonnelle qui est un monde nouveau, articulé d'un bout à
l'autre, où devraient se reconnaître tous les hommes de son
temps et où se reconnaissent quelques hommes de tous les
temps. La recherche dramatique de son unité intérieure où
sa sensualité et sa conscience se rencontrent et s'équilibrent
malgré des déchirements continus, et sans doute grâce à eux,
est sa raison d'être même, puisque, à mesure qu'il s'élève
dans le mystère de cette unité, sa sensualité et sa conscience
croissent et que le but à atteindre ne cesse ainsi de reculer.
Son désir est fait de sensations éparses, en chacune desquelles
il ne trouve qu'un fragment de l'image définitive qu'il croit
saisir dans toute œuvre nouvelle et dont toute œuvre nou-
velle, par sa réalisation même, ne lui livre qu'une ombre
vaine capable de fixer les autres, mais qui s'efface pour lui.
Il est celui qui résiste indéfiniment à l'effondrement successif
des illusions poursuivies. Il est celui dont la passion survit à
l'expérience et qui maintient l'état d'amour dans l'univers
en le maintenant dans son cœur.
Il est le lien par qui la vie intérieure des hommes nous
paraît ininterrompue. Il lui est en effet impossible de ne
pas porter témoignage de ce qui a constitué l'événement spiri-
tuel capital de son temps et de son espèce et que son temps
ni son espèce n'ont paru apercevoir. Comme les nourritures
venant de l'air, des pluies, montent du sol pour gonfler et
mûrir le fruit, il porte en lui les atavismes et les énergies
dispersées qui le marquent comme le témoin le plus émou-
vant d'une époque. Et c'est à travers lui et seulement à tra-
vers lui que cette époque nous atteint. Quand nous disons de
tel poète qu'il est grand pour avoir compris son époque,
nous prenons, en partie du moins, l'effet pour la cause. En
réalité nous voyons son époque ainsi parce qu'il nous l'a
commandé. Le lyrisme ne décrit jamais l'événement de
l'heure. Il ne raconte pas des souvenirs. Ses pressentiments
n'ont pas besoin de s'extérioriser dans le prétexte d'une
aventure imaginée. Le souvenir, l'heure, le pressentiment,
tout se transforme à son insu. Ce sont eux qui font plus cruels
les rouges de cette toile, ses noirs plus tristes, ses verts plus
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sonnelle qui est un monde nouveau, articulé d'un bout à
l'autre, où devraient se reconnaître tous les hommes de son
temps et où se reconnaissent quelques hommes de tous les
temps. La recherche dramatique de son unité intérieure où
sa sensualité et sa conscience se rencontrent et s'équilibrent
malgré des déchirements continus, et sans doute grâce à eux,
est sa raison d'être même, puisque, à mesure qu'il s'élève
dans le mystère de cette unité, sa sensualité et sa conscience
croissent et que le but à atteindre ne cesse ainsi de reculer.
Son désir est fait de sensations éparses, en chacune desquelles
il ne trouve qu'un fragment de l'image définitive qu'il croit
saisir dans toute œuvre nouvelle et dont toute œuvre nou-
velle, par sa réalisation même, ne lui livre qu'une ombre
vaine capable de fixer les autres, mais qui s'efface pour lui.
Il est celui qui résiste indéfiniment à l'effondrement successif
des illusions poursuivies. Il est celui dont la passion survit à
l'expérience et qui maintient l'état d'amour dans l'univers
en le maintenant dans son cœur.
Il est le lien par qui la vie intérieure des hommes nous
paraît ininterrompue. Il lui est en effet impossible de ne
pas porter témoignage de ce qui a constitué l'événement spiri-
tuel capital de son temps et de son espèce et que son temps
ni son espèce n'ont paru apercevoir. Comme les nourritures
venant de l'air, des pluies, montent du sol pour gonfler et
mûrir le fruit, il porte en lui les atavismes et les énergies
dispersées qui le marquent comme le témoin le plus émou-
vant d'une époque. Et c'est à travers lui et seulement à tra-
vers lui que cette époque nous atteint. Quand nous disons de
tel poète qu'il est grand pour avoir compris son époque,
nous prenons, en partie du moins, l'effet pour la cause. En
réalité nous voyons son époque ainsi parce qu'il nous l'a
commandé. Le lyrisme ne décrit jamais l'événement de
l'heure. Il ne raconte pas des souvenirs. Ses pressentiments
n'ont pas besoin de s'extérioriser dans le prétexte d'une
aventure imaginée. Le souvenir, l'heure, le pressentiment,
tout se transforme à son insu. Ce sont eux qui font plus cruels
les rouges de cette toile, ses noirs plus tristes, ses verts plus
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