profondes de cet art de la Renaissance qui prit, surtout à
Florence, un caractère énervé, inquiet, torturé même, parce
qu'il essayait en vain, à l'heure la plus bouillonnante qu'ait
connue la passion humaine, de faire entrer les bonds du
cœur et la fièvre de l'intelligence en des rythmes qui s'effor-
çaient d'obéir aux lois des mouvements articulés étudiés sur
le squelette et de l'ordre spatial que la géométrie et l'astro-
nomie établissaient. Le drame vécu par Michel-Ange tient
tout entier dans cette lutte antithétique entre un cœur que
les frontières du réel sont incapables de contenir et une
science absolue qui tente de les fixer. Elle y parvient, d'ail-
leurs, pour la réalisation de l'un des plus inouïs entre les
miracles de l'homme, mais du même coup précipite la civili-
sation entière, acharnée à la reproduire, dans un dualisme
intellectuel encore plus tragique que le dualisme mystique
où le drame chrétien avait grandi.
L'erreur capitale de la Renaissance, d'autre part si grande,
est d'avoir cru, dans son enchantement unanime à découvrir
la science, que l'art devait se subordonner à la science, alors
que la science, il me semble, reprendrait toute sa vertu si
l'on y voyait, au contraire, une dépendance de l'art ou plutôt,
comme lui, un attribut du génie esthétique de l'homme cher-
chant à introduire dans l'univers, par ces deux moyens essen-
tiels, un ordre dynamique incessamment poursuivi. La
puissance du savant sera décuplée le jour où il comprendra la
nature réelle de l'intuition poétique qui l'entraîne à con-
quérir le monde, comme la puissance de l'artiste se retrouvera
entière et dix fois accrue le jour où sa conscience aura com-
plètement assimilé les éléments de poésie et de mystère que
la science y incorpore peu à peu. L'ordre chrétien à son
sommet, — soit vers le xiie siècle, — connaissait cette unité
profonde, la science, infiniment plus avancée qu'on ne
pense au moyen âge, mais usant d'autres méthodes qu'aujour-
d'hui, étant toute plongée dans la cathédrale à la fois ratio-
naliste et vivante, où elle s'unissait par la sculpture et la ver-
rière à l'art, comme elle image et moyen du symbolisme
universel. Il est certain que les rythmes alternatifs de syn-
thèse et d'analyse selon lesquels se présente l'Histoire dès
— 164 —
Florence, un caractère énervé, inquiet, torturé même, parce
qu'il essayait en vain, à l'heure la plus bouillonnante qu'ait
connue la passion humaine, de faire entrer les bonds du
cœur et la fièvre de l'intelligence en des rythmes qui s'effor-
çaient d'obéir aux lois des mouvements articulés étudiés sur
le squelette et de l'ordre spatial que la géométrie et l'astro-
nomie établissaient. Le drame vécu par Michel-Ange tient
tout entier dans cette lutte antithétique entre un cœur que
les frontières du réel sont incapables de contenir et une
science absolue qui tente de les fixer. Elle y parvient, d'ail-
leurs, pour la réalisation de l'un des plus inouïs entre les
miracles de l'homme, mais du même coup précipite la civili-
sation entière, acharnée à la reproduire, dans un dualisme
intellectuel encore plus tragique que le dualisme mystique
où le drame chrétien avait grandi.
L'erreur capitale de la Renaissance, d'autre part si grande,
est d'avoir cru, dans son enchantement unanime à découvrir
la science, que l'art devait se subordonner à la science, alors
que la science, il me semble, reprendrait toute sa vertu si
l'on y voyait, au contraire, une dépendance de l'art ou plutôt,
comme lui, un attribut du génie esthétique de l'homme cher-
chant à introduire dans l'univers, par ces deux moyens essen-
tiels, un ordre dynamique incessamment poursuivi. La
puissance du savant sera décuplée le jour où il comprendra la
nature réelle de l'intuition poétique qui l'entraîne à con-
quérir le monde, comme la puissance de l'artiste se retrouvera
entière et dix fois accrue le jour où sa conscience aura com-
plètement assimilé les éléments de poésie et de mystère que
la science y incorpore peu à peu. L'ordre chrétien à son
sommet, — soit vers le xiie siècle, — connaissait cette unité
profonde, la science, infiniment plus avancée qu'on ne
pense au moyen âge, mais usant d'autres méthodes qu'aujour-
d'hui, étant toute plongée dans la cathédrale à la fois ratio-
naliste et vivante, où elle s'unissait par la sculpture et la ver-
rière à l'art, comme elle image et moyen du symbolisme
universel. Il est certain que les rythmes alternatifs de syn-
thèse et d'analyse selon lesquels se présente l'Histoire dès
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