LE VITRAIL.
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Sans doute le vitrail n’a pas été créé d’un seul effort, et de
nombreux essais durent précéder son apparition au xie siècle. Mais,
dès l’orig'ine, les lois applicables à la décoration des surfaces
translucides ont été déterminées, et l’art a trouvé son expression
juste et sa véritable grandeur dans des formes simples et logiques.
Pour bien comprendre le mouvement artistique du xie siècle et
son influence sur la formation d’un art national, il faut bien
connaitre les idées et les tendances de la société nouvelle qui naissait
à cette époque. C’est à la religion chrétienne qu’appartient l’honneur
d’avoir coordonné ces idées, encore confuses, et d’avoir dirigé les
efforts de la pensée humaine. Seule au milieu de l’effondrement de la
société antique, et de l’anarchie générale qui l’avait suivi, elle avait
conservé les traditions artistiques, littéraires et scientifiques qui font
la grandeur des nations; seule elle pouvait contenir les passions,
épurer les mœurs et inspirer les grandes œuvres, qui sont encore les
plus glorieux monuments du génie français.
La division des arts n’existait point alors comme aujourd’hui. Les
artistes travaillaient tous à l’œuvre commune, sous la direction de
l’architecte, dont ils ne dédaignaient point d’ètre les collaborateurs.
Si l’œuvre était collective, l’inspiration était unique, et la pensée du
maitre de l’œuvre était toujours respectée.
L’enseignement général, tel qu’il résultait de la tradition monas-
tique, était le lien commun entre tous les arts. On ne distinguait
point alors les artistes des artisans, et on estimait que toute œuvre
décorative, faite pour une destination déterminée et dans une forme
appropriée aux qualités de la matière, était une œuvre d’art.
Le moine Théophile, qui vivait probablement du xie au xne siècle,
a dans son Essai sur divers arts 1 décrit successivement la peinture,
la fabrication du verre, les émaux sur verre et sur terre cuite, la
mosaïque, la composition et l’exécution des vitraux, l’orfèvrerie.
Eraclius, dans un manuscrit contemporain, intitulé De coloribus et
arlibus Romanorum, décrit aussi la fabrication du verre coloré et les
méthodes usitées à Rome pour l’émaillage de la terre cuite et du verre.
L’architecte devait tout connaître pour ne rien laisser à l’imprévu,
et l’unité même de nos vieux monuments témoigne de l’étendue de
ses connaissances. Si l’on en doutait, il suffirait de consulter les
croquis de voyage conservés dans l’album de Villard de Honnecourt,
1. Theophili, presbyteri et monacld, diversarum artium schedula. Traduction du
liv. II par Bontemps. Paris, 1876.
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Sans doute le vitrail n’a pas été créé d’un seul effort, et de
nombreux essais durent précéder son apparition au xie siècle. Mais,
dès l’orig'ine, les lois applicables à la décoration des surfaces
translucides ont été déterminées, et l’art a trouvé son expression
juste et sa véritable grandeur dans des formes simples et logiques.
Pour bien comprendre le mouvement artistique du xie siècle et
son influence sur la formation d’un art national, il faut bien
connaitre les idées et les tendances de la société nouvelle qui naissait
à cette époque. C’est à la religion chrétienne qu’appartient l’honneur
d’avoir coordonné ces idées, encore confuses, et d’avoir dirigé les
efforts de la pensée humaine. Seule au milieu de l’effondrement de la
société antique, et de l’anarchie générale qui l’avait suivi, elle avait
conservé les traditions artistiques, littéraires et scientifiques qui font
la grandeur des nations; seule elle pouvait contenir les passions,
épurer les mœurs et inspirer les grandes œuvres, qui sont encore les
plus glorieux monuments du génie français.
La division des arts n’existait point alors comme aujourd’hui. Les
artistes travaillaient tous à l’œuvre commune, sous la direction de
l’architecte, dont ils ne dédaignaient point d’ètre les collaborateurs.
Si l’œuvre était collective, l’inspiration était unique, et la pensée du
maitre de l’œuvre était toujours respectée.
L’enseignement général, tel qu’il résultait de la tradition monas-
tique, était le lien commun entre tous les arts. On ne distinguait
point alors les artistes des artisans, et on estimait que toute œuvre
décorative, faite pour une destination déterminée et dans une forme
appropriée aux qualités de la matière, était une œuvre d’art.
Le moine Théophile, qui vivait probablement du xie au xne siècle,
a dans son Essai sur divers arts 1 décrit successivement la peinture,
la fabrication du verre, les émaux sur verre et sur terre cuite, la
mosaïque, la composition et l’exécution des vitraux, l’orfèvrerie.
Eraclius, dans un manuscrit contemporain, intitulé De coloribus et
arlibus Romanorum, décrit aussi la fabrication du verre coloré et les
méthodes usitées à Rome pour l’émaillage de la terre cuite et du verre.
L’architecte devait tout connaître pour ne rien laisser à l’imprévu,
et l’unité même de nos vieux monuments témoigne de l’étendue de
ses connaissances. Si l’on en doutait, il suffirait de consulter les
croquis de voyage conservés dans l’album de Villard de Honnecourt,
1. Theophili, presbyteri et monacld, diversarum artium schedula. Traduction du
liv. II par Bontemps. Paris, 1876.