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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
français a dû faire plus de tableaux qu’on ne croit, puisque, malgré
leur état-civil perdu, plusieurs de ces tableaux existent encore. On
en rencontre quelques-uns en Italie, et si l’on veut chercher, on
en trouvera en France et ailleurs. L’une des dernières découvertes
est un exemple qu’on n’oubliera pas. Les doctes déclaraient depuis
bien des années qu’une peinture célèbre, le Buisson ardent, de la
cathédrale d’Aix, était l’œuvre de Jean Van Eyck. Un jour, l’archi-
viste des Bouches-du-Rhône, dépouillant les comptes du roi René,
reconnaît que le tableau est de Nicolas, le peintre d’Avignon, qu’un
texte plus précis appelle Nicolas Froment (1475). Ce nom jeté dans la
circulation, les esprits s’agitent et, le Buisson ardent ayant été exposé
au Trocadéro en 1878, la Gazette des beaux-arts demande si ce
Nicolas Froment, employé par le roi René, ne pourrait pas être
identifié avec le peintre qui a signé Nicolaus Frumenti et daté de
1461 la Bésurrection de Lazare, du Musée des Offices. Cette conjec-
ture n’a pas semblé complètement folle. Dans son livre sur la
Renaissance, M. Eugène Müntz restitue à Nicolas Froment, que nous
reconnaîtrons désormais, la place honorable qu’il mérite.
Un peu avant cette découverte, encourageante pour les chercheurs,
un autre tableau français apparaissait à l’horizon. Dans une vente
faite en 1873 par le duc de Parme, neveu du comte de Chambord, on
voyait passer une peinture de la fin du xve siècle, mystérieuse par le
sujet qu’elle représente, digne de toutes les curiosités par les ques-
tions qu’elle soulève. L’année d’après, un savant de Lyon, M. Charvet,
la décrivait et la faisait reproduire dans son livre sur Jehan Perréal1.
Ce précieux tableau appartenait dès lors à M. Bancel qui, animé de
la générosité la plus intelligente, vient d’en faire don au Louvre. Il
y a bien longtemps que notre cher musée, si pauvre pour tout ce qui
touche à nos origines, n’avait reçu un cadeau aussi rare, aussi
important au point de vue de l’histoire de l’école française. Personne
ne voudra marchander à M. Bancel le chaleureux remerciement qu’il
mérite.
Avant d’aborder l’examen de ce tableau, il faut le débarrasser
des broussailles qui en compliquent les approches. Chose étrange !
on saurait tout sur cette peinture, l’événement dont elle consacre le
souvenir, la date à laquelle elle a été faite, et même — ce qui n’est
pas fréquent pour une œuvre du xve siècle — le nom de l’artiste à
qui elle est due. Le tableau représenterait les Fiançailles de Charles VIII
1. Jehan Perréal, Clément Trie et Édouard Grand. Lyon, 1874.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
français a dû faire plus de tableaux qu’on ne croit, puisque, malgré
leur état-civil perdu, plusieurs de ces tableaux existent encore. On
en rencontre quelques-uns en Italie, et si l’on veut chercher, on
en trouvera en France et ailleurs. L’une des dernières découvertes
est un exemple qu’on n’oubliera pas. Les doctes déclaraient depuis
bien des années qu’une peinture célèbre, le Buisson ardent, de la
cathédrale d’Aix, était l’œuvre de Jean Van Eyck. Un jour, l’archi-
viste des Bouches-du-Rhône, dépouillant les comptes du roi René,
reconnaît que le tableau est de Nicolas, le peintre d’Avignon, qu’un
texte plus précis appelle Nicolas Froment (1475). Ce nom jeté dans la
circulation, les esprits s’agitent et, le Buisson ardent ayant été exposé
au Trocadéro en 1878, la Gazette des beaux-arts demande si ce
Nicolas Froment, employé par le roi René, ne pourrait pas être
identifié avec le peintre qui a signé Nicolaus Frumenti et daté de
1461 la Bésurrection de Lazare, du Musée des Offices. Cette conjec-
ture n’a pas semblé complètement folle. Dans son livre sur la
Renaissance, M. Eugène Müntz restitue à Nicolas Froment, que nous
reconnaîtrons désormais, la place honorable qu’il mérite.
Un peu avant cette découverte, encourageante pour les chercheurs,
un autre tableau français apparaissait à l’horizon. Dans une vente
faite en 1873 par le duc de Parme, neveu du comte de Chambord, on
voyait passer une peinture de la fin du xve siècle, mystérieuse par le
sujet qu’elle représente, digne de toutes les curiosités par les ques-
tions qu’elle soulève. L’année d’après, un savant de Lyon, M. Charvet,
la décrivait et la faisait reproduire dans son livre sur Jehan Perréal1.
Ce précieux tableau appartenait dès lors à M. Bancel qui, animé de
la générosité la plus intelligente, vient d’en faire don au Louvre. Il
y a bien longtemps que notre cher musée, si pauvre pour tout ce qui
touche à nos origines, n’avait reçu un cadeau aussi rare, aussi
important au point de vue de l’histoire de l’école française. Personne
ne voudra marchander à M. Bancel le chaleureux remerciement qu’il
mérite.
Avant d’aborder l’examen de ce tableau, il faut le débarrasser
des broussailles qui en compliquent les approches. Chose étrange !
on saurait tout sur cette peinture, l’événement dont elle consacre le
souvenir, la date à laquelle elle a été faite, et même — ce qui n’est
pas fréquent pour une œuvre du xve siècle — le nom de l’artiste à
qui elle est due. Le tableau représenterait les Fiançailles de Charles VIII
1. Jehan Perréal, Clément Trie et Édouard Grand. Lyon, 1874.