Revue des beaux-arts de France (Nr. 1-6.1942/1943)

ARCHITECTURE ET SITES

D’autre part, chaque année qui s’écoule augmente d’autant la période à laquelle
nous attribuons un intérêt d’histoire. Au gré des contemporains de Mérimée ou de Viollet-
le-Duc, cette période n’allait pas au delà de la Renaissance, et l’architecture classique, par
eux condamnée comme irrationnelle, ne paraissait pas mériter qu’on s’y attachât. Dans la
suite, les œuvres des xvne et xvine siècles ont été l’objet d’une attention croissante de la
part de la Commission des Monuments historiques. Maintenant nous commençons à dis-
cerner, parmi les constructions de la Restauration, voire du Second Empire, celles qui
méritent de subsister.
Les lacunes dues au caractère de la propriété s’additionnant à celles qu’entraîne un
recul insuffisant des âges, la mise à jour que l’administration des Beaux-Arts se propose
d’entreprendre doit donc viser en premier lieu les châteaux et hôtels des xvne et xvine siècles.
Pour conduire avec méthode un tel effort, nul n’était mieux qualifié que le grand connais-
seur de l’art classique qu’est le Secrétaire général des Beaux-Arts.
Si l’on examine la série des additions portées depuis deux ans à la liste des monu-
ments classés, on ne sera donc pas surpris d’y voir figurer un certain nombre de châteaux
de l’époque classique et rien ne saurait mieux convenir pour inaugurer cette rubrique que
de décrire quelques-uns d’entre eux.
De ceux que nous choisirons, le plus ancien est la vaste demeure dont le grand
Sully entreprit la construction à 'R.osny-sur-Seine, près de Mantes. Elle devait comporter,
comme beaucoup de châteaux de cette époque, des bâtiments entourant une cour carrée,
le corps de logis étant flanqué de deux ailes de même hauteur et le dernier côté étant occupé
par un portique. La mort d’Henri IV eut pour conséquence la retraite du ministre et l’in-
terruption des travaux. Seuls les soubassements et le bâtiment principal étaient achevés
et les ailes étaient en cours d’exécution. Deux siècles plus tard, la duchesse de Berry se mit
en tête de tout achever, mais, de nouveau, la fin d’un règne mit un terme à l’entreprise.
Jugés malencontreux par un nouvel acquéreur, les travaux de l’aventureuse princesse furent
démolis à l’exception d’une galerie basse.
Ce sont donc les dispositions en faveur au début du xvne siècle qui caractérisent
l’édifice : de vastes douves; un soubassement en quadrilatère cantonné de pavillons carrés
faisant saillie à chaque angle; des parements de brique; des chaînes de pierre marquant les
angles, encadrant les croisées ou simplement décoratives; des lucarnes aux tracés variés.
Sans doute, la galerie haute d’un étage qui fut édifiée par la duchesse de Berry devant la
façade vers la cour apporte-t-elle quelque trouble dans l’ordonnance, mais construite sim-
plement, elle n’affecte pas gravement l’aspect d’ensemble.
Bien qu’ayant subi des remaniements assez nombreux, l’intérieur a conservé un
beau décor de boiseries des xvne et xvine siècles et des plafonds à solives apparentes ornés
de peintures rehaussées d’or.
Modifié lui aussi à plusieurs reprises, le beau parc comporte toujours les grandes

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