LA VIE DANS LES MUSÉES
« LA VUE DE TIVOLI » AU LOUVRE
La vue de Tivoli est un des tableaux les plus populaires de Corot. Il n’est guère d’expo-
sitions de chefs-d’œuvre de l’art français où il n’ait figuré, depuis l’Exposition Univer-
selle de 1900 jusqu’à celle de 1937. Londres l’admira en 1932; il reparut à l’Expo-
sition Corot à Zurich en 1934; à Paris il fut l’un des ornements de l’exposition « Poussin à
Corot » en 1925 et de l’exposition Corot à l’Orangerie en 1936. Ceci donne d’ailleurs une
idée de la libéralité de la famille Rouart, chez qui les organisateurs d’expositions ont toujours
trouvé beaucoup d’empressement à faire partager par le public la jouissance des incompa-
rables chefs-d’œuvre qu’elle possédait, malgré le sacrifice que représente pour un amateur
la privation d’un de ses tableaux préférés.
Après avoir appartenu à Robaut, l’historiographe de Corot, le Tivoli fut acquis par
Henri Rouart qui dans le dernier quart du xixe siècle rassembla avec bien d’autres chefs-
d’œuvre du siècle, la plus admirable collection de Corot qu’un amateur ait constituée; il
n’y avait pas moins de 45 tableaux du Maître qui furent en partie dispersés lors de la vente
Henri Rouart en 1912. Mais les plus beaux restèrent dans la famille. Berthe Morisot copia
le Tivoli vers 1863, lorsqu’elle était élève de Corot. Pendant longtemps sa charmante copie
fut exposée non loin du modèle, qu’elle rejoignit dans la collection d’Ernest Rouart, le fils
d’Henri qui avait épousé la fille de Berthe Morisot. La famille Rouart représente bien ce
milieu d’amateurs artistes qui a joué un rôle discret mais fécond en servant d’intermédiaires
entre la société et l’art vivant et dont Étienne Moreau-Nélaton est une autre illustration.
Contemporain des impressionnistes, ami de Degas, Henri Rouart, dont le Musée du Louvre
possède de beaux paysages, fut d’ailleurs un remarquable artiste, et ses figures — qui sont
moins connues — autant que ses paysages ont des qualités de sincérité et de charme discret
qu’on ne trouve pas toujours chez des impressionnistes mineurs, jouissant d’une plus grande
réputation auprès du public, tel Lebourg. Peintre lui-même, Ernest Rouart réunissait donc
en lui deux traditions artistiques; quanta son frère Louis, on sait quel rôle important a été le
sien dans l’art contemporain, puisqu’il lui appartient d’avoir le premier amené l’art catho-
lique a en emprunter les voies, tant par ses éditions de livres que de sculptures. C’est en
mémoire d’Ernest Rouart que Mme Rouart et ses fils Henri, Louis et Alexis ont voulu offrir
au Musée du Louvre le tableau le plus célèbre de sa collection. Nous sommes heureux d’ac-
cueillir en lui non seulement une des œuvres les plus belles de Corot, mais un souvenir d’un
nom qui fut associé si étroitement aux grands Maîtres de notre peinture française du
xixe siècle. Bien d’autres chefs-d’œuvre de notre Musée sont dus déjà à la libéralité de cette
famille. A la grande vente Henri Rouart en 1912, la Femme en bleu de Corot et Crispin et
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« LA VUE DE TIVOLI » AU LOUVRE
La vue de Tivoli est un des tableaux les plus populaires de Corot. Il n’est guère d’expo-
sitions de chefs-d’œuvre de l’art français où il n’ait figuré, depuis l’Exposition Univer-
selle de 1900 jusqu’à celle de 1937. Londres l’admira en 1932; il reparut à l’Expo-
sition Corot à Zurich en 1934; à Paris il fut l’un des ornements de l’exposition « Poussin à
Corot » en 1925 et de l’exposition Corot à l’Orangerie en 1936. Ceci donne d’ailleurs une
idée de la libéralité de la famille Rouart, chez qui les organisateurs d’expositions ont toujours
trouvé beaucoup d’empressement à faire partager par le public la jouissance des incompa-
rables chefs-d’œuvre qu’elle possédait, malgré le sacrifice que représente pour un amateur
la privation d’un de ses tableaux préférés.
Après avoir appartenu à Robaut, l’historiographe de Corot, le Tivoli fut acquis par
Henri Rouart qui dans le dernier quart du xixe siècle rassembla avec bien d’autres chefs-
d’œuvre du siècle, la plus admirable collection de Corot qu’un amateur ait constituée; il
n’y avait pas moins de 45 tableaux du Maître qui furent en partie dispersés lors de la vente
Henri Rouart en 1912. Mais les plus beaux restèrent dans la famille. Berthe Morisot copia
le Tivoli vers 1863, lorsqu’elle était élève de Corot. Pendant longtemps sa charmante copie
fut exposée non loin du modèle, qu’elle rejoignit dans la collection d’Ernest Rouart, le fils
d’Henri qui avait épousé la fille de Berthe Morisot. La famille Rouart représente bien ce
milieu d’amateurs artistes qui a joué un rôle discret mais fécond en servant d’intermédiaires
entre la société et l’art vivant et dont Étienne Moreau-Nélaton est une autre illustration.
Contemporain des impressionnistes, ami de Degas, Henri Rouart, dont le Musée du Louvre
possède de beaux paysages, fut d’ailleurs un remarquable artiste, et ses figures — qui sont
moins connues — autant que ses paysages ont des qualités de sincérité et de charme discret
qu’on ne trouve pas toujours chez des impressionnistes mineurs, jouissant d’une plus grande
réputation auprès du public, tel Lebourg. Peintre lui-même, Ernest Rouart réunissait donc
en lui deux traditions artistiques; quanta son frère Louis, on sait quel rôle important a été le
sien dans l’art contemporain, puisqu’il lui appartient d’avoir le premier amené l’art catho-
lique a en emprunter les voies, tant par ses éditions de livres que de sculptures. C’est en
mémoire d’Ernest Rouart que Mme Rouart et ses fils Henri, Louis et Alexis ont voulu offrir
au Musée du Louvre le tableau le plus célèbre de sa collection. Nous sommes heureux d’ac-
cueillir en lui non seulement une des œuvres les plus belles de Corot, mais un souvenir d’un
nom qui fut associé si étroitement aux grands Maîtres de notre peinture française du
xixe siècle. Bien d’autres chefs-d’œuvre de notre Musée sont dus déjà à la libéralité de cette
famille. A la grande vente Henri Rouart en 1912, la Femme en bleu de Corot et Crispin et
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