Revue des beaux-arts de France — Nr. 1-6.1942/1943
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https://doi.org/10.11588/diglit.48495#0311
DOI issue:
Nr. 5 (Juin-Juillet 1943)
DOI article:La vie dans les musées
DOI article:Bazin, Germain: Au département des peintures: la donation Carlos de Beistegui, I
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LA VIE DANS LES MUSÉES
LES RÉCENTES ACQUISITIONS
DU MUSÉE DU LOUVRE
I. - AU DÉPARTEMENT DES PEINTURES
LA DONATION CARLOS DE BEISTEGUI
'x ans une société équilibrée /’action privée vient se coordonner heureusement avec celle de l’Ftat
I 1 dans la gestion du domaine public. Le Louvre est un bel exemple de cette harmonie. Qu’aurait
-* S été le xvme siècle dans notre Musée sans La Caçe, notre glorieuse peinture du xixc siècle
s’il n’y avait eu Thomy-Thierry, Chaucbard, Camondo, Moreau-Nélaton, Caillebotte et Personna^ ?
Plus que tout autre département du Louvre, celui des peintures doit ainsi à quelques donateurs d’être
la première Pinacothèque du monde. Mais nul amateur peut-être n’a montré des dispositions aussi
empressées à servir les intérêts de notre grand Musée que M. Carlos de Beistegui. N’a-t-il pas maintes
fois consolé les conservateurs du Louvre de leurs défaites en achetant les œuvres que ceux-ci étaient
impuissants à acquérir afin qu’elles puissent faire retour au Musée un jour ? Avant la guerre de 1914,
sur les instances de Paul Leprieur, il ravit ainsi à l’étranger la délicieuse petite madone de la collection
Aynard attribuée à jean Malouel, ainsi que le petit dauphin Charles Orland du Maître de Moulins.
Plus récemment, en 1938, répondant aux désirs exprimés par René Huyghe, il gardait, pour notre
patrimoine national, l’admirable portrait de Bonaparte par David, proposé au Louvre par un marchand
parisien, pour une somme qui rendait prohibitive son acquisition par notre Musée. Ainsi, en réunissant
cet incomparable ensemble de chefs-d’œuvre, on peut dire que M. Carlos de Beistegui a pensé au
Musée autant qu’à lui-même. Depuis longtemps, il avait pris ses dispositions pour qu’après sa mort,
sa collection entre au Louvre. Il vient, dans un geste libéral, d’y renoncer définitivement, pour en assurer
dès maintenant la jouissance aux Français. Rien ne peut nous être plus sensible, en ce moment douloureux
de notre histoire, que cette preuve d’amitié venant d’un noble étranger, qui se souvient de ses origines
françaises. M. Carlos de Beistegui est né au Mexique, mais d’une famille basque qui avait gardé pour la
France cet attachement auquel ne renoncent jamais les Basques exilés. Il vint d’ailleurs tout jeune en
France, en date où ses parents s’y fixèrent. Il fit ses études à Paris et ce fut peut-être Léon
Bonnat, son ami, qui éveilla en lui l’instinct de collectionneur. Résidant en France et en Fspagne, il
réunit deux collections, l’une de médailles, l’autre de tableaux, qu’il destinait toutes deux à la France.
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LES RÉCENTES ACQUISITIONS
DU MUSÉE DU LOUVRE
I. - AU DÉPARTEMENT DES PEINTURES
LA DONATION CARLOS DE BEISTEGUI
'x ans une société équilibrée /’action privée vient se coordonner heureusement avec celle de l’Ftat
I 1 dans la gestion du domaine public. Le Louvre est un bel exemple de cette harmonie. Qu’aurait
-* S été le xvme siècle dans notre Musée sans La Caçe, notre glorieuse peinture du xixc siècle
s’il n’y avait eu Thomy-Thierry, Chaucbard, Camondo, Moreau-Nélaton, Caillebotte et Personna^ ?
Plus que tout autre département du Louvre, celui des peintures doit ainsi à quelques donateurs d’être
la première Pinacothèque du monde. Mais nul amateur peut-être n’a montré des dispositions aussi
empressées à servir les intérêts de notre grand Musée que M. Carlos de Beistegui. N’a-t-il pas maintes
fois consolé les conservateurs du Louvre de leurs défaites en achetant les œuvres que ceux-ci étaient
impuissants à acquérir afin qu’elles puissent faire retour au Musée un jour ? Avant la guerre de 1914,
sur les instances de Paul Leprieur, il ravit ainsi à l’étranger la délicieuse petite madone de la collection
Aynard attribuée à jean Malouel, ainsi que le petit dauphin Charles Orland du Maître de Moulins.
Plus récemment, en 1938, répondant aux désirs exprimés par René Huyghe, il gardait, pour notre
patrimoine national, l’admirable portrait de Bonaparte par David, proposé au Louvre par un marchand
parisien, pour une somme qui rendait prohibitive son acquisition par notre Musée. Ainsi, en réunissant
cet incomparable ensemble de chefs-d’œuvre, on peut dire que M. Carlos de Beistegui a pensé au
Musée autant qu’à lui-même. Depuis longtemps, il avait pris ses dispositions pour qu’après sa mort,
sa collection entre au Louvre. Il vient, dans un geste libéral, d’y renoncer définitivement, pour en assurer
dès maintenant la jouissance aux Français. Rien ne peut nous être plus sensible, en ce moment douloureux
de notre histoire, que cette preuve d’amitié venant d’un noble étranger, qui se souvient de ses origines
françaises. M. Carlos de Beistegui est né au Mexique, mais d’une famille basque qui avait gardé pour la
France cet attachement auquel ne renoncent jamais les Basques exilés. Il vint d’ailleurs tout jeune en
France, en date où ses parents s’y fixèrent. Il fit ses études à Paris et ce fut peut-être Léon
Bonnat, son ami, qui éveilla en lui l’instinct de collectionneur. Résidant en France et en Fspagne, il
réunit deux collections, l’une de médailles, l’autre de tableaux, qu’il destinait toutes deux à la France.
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