Revue des beaux-arts de France — Nr. 1-6.1942/1943
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https://doi.org/10.11588/diglit.48495#0091
DOI Heft:
Nr. 2 (Décembre-Janvier)
DOI Artikel:La vie dans les musées
DOI Artikel:Bazin, Germain: Les échanges franco-espagnols
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LES ÉCHANGES FRANCO-ESPAGNOLS
vivante, libérée de la pesanteur
physique, qui lui laisse ce sursis
avant de l’entraîner dans sa
perte. Un souffle avant-coureur
de mort bouscule ces touches
rapides et crépitantes, ces che-
veux, cette barbe, les dispersent
ainsi que des flammèches au
vent. Le col blanc se recroque-
ville comme une feuille calcinée.
Plein d’ombre, presque mono-
chrome, malgré le raffinement
de la couleur qui pousse au vio-
let le rouge des lèvres et à l’oran-
gé le jaune de la peau, ce tableau
attire moins à l’abord; il com-
munique ensuite le vertige des
profondeurs de Rembrandt.
D’Antonio Covarrubias, la Casa del Greco, à Tolède, conserve un autre portrait,
de qualité sensiblement égale à celui qu’elle nous a cédé; elle détient aussi celui de son frère
Don Diego, professeur de droit, évêque de Ciudad Real et membre du Concile de Trente.
Comme celui-ci, Don Antonio, notable érudit qui faisait partie du cercle d’intellectuels où
se plaisait Gréco, figure déjà au bas du Grand Calvaire du Louvre, peint peu après 1590;
il est alors beaucoup plus jeune. On le retrouve encore parmi les pâles spectateurs de XRnter-
rement du Comte d’Orga^. Avec cette image de sa vieillesse, notre musée possédera enfin une
œuvre de la dernière manière du Gréco, celle où la flamme intérieure s’exprime par les
moyens les plus audacieux et les plus concis.
A l’opposé, la tapisserie de Goya relève de sa manière la plus légère, la plus « xvnie ».
C’est, en effet, une œuvre de jeunesse. Goya avait été, à ses débuts, le collaborateur de Mengs,
lorsqu’il décorait le Palais Royal de Madrid. A son retour d’Italie, Goya retrouva son maître,
qui, directeur de la Manufacture de Tapisseries de Santa-Barbara, lui demanda, en 1776,
une quarantaine de cartons, présentés aujourd’hui au Prado. Le troisième, la Rixe, commandé
le 12 août fut exécuté l’année suivante. Quelques rares exemplaires de cette série ne
sont guère sortis d’Espagne que pour orner des ambassades. Plus encore que par la prodi-
gieuse fraîcheur de la couleur, modulée en de curieux effets d’éclairage, on sera frappé par
la composition. Visiblement, Goya a retenu la leçon italienne. Aux . mises en page saisis-
santes de la tradition espagnole, auxquelles il reviendra plus tard, il a préféré une ordon-
nance savamment calculée pour faire converger vers le sujet, centré, toutes les lignes, comme
Le Sacre de Henri II.
Dessin français du xvie siècle de l’Histoire de la Reine Artbémise.
(Musée du Louvre.)
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vivante, libérée de la pesanteur
physique, qui lui laisse ce sursis
avant de l’entraîner dans sa
perte. Un souffle avant-coureur
de mort bouscule ces touches
rapides et crépitantes, ces che-
veux, cette barbe, les dispersent
ainsi que des flammèches au
vent. Le col blanc se recroque-
ville comme une feuille calcinée.
Plein d’ombre, presque mono-
chrome, malgré le raffinement
de la couleur qui pousse au vio-
let le rouge des lèvres et à l’oran-
gé le jaune de la peau, ce tableau
attire moins à l’abord; il com-
munique ensuite le vertige des
profondeurs de Rembrandt.
D’Antonio Covarrubias, la Casa del Greco, à Tolède, conserve un autre portrait,
de qualité sensiblement égale à celui qu’elle nous a cédé; elle détient aussi celui de son frère
Don Diego, professeur de droit, évêque de Ciudad Real et membre du Concile de Trente.
Comme celui-ci, Don Antonio, notable érudit qui faisait partie du cercle d’intellectuels où
se plaisait Gréco, figure déjà au bas du Grand Calvaire du Louvre, peint peu après 1590;
il est alors beaucoup plus jeune. On le retrouve encore parmi les pâles spectateurs de XRnter-
rement du Comte d’Orga^. Avec cette image de sa vieillesse, notre musée possédera enfin une
œuvre de la dernière manière du Gréco, celle où la flamme intérieure s’exprime par les
moyens les plus audacieux et les plus concis.
A l’opposé, la tapisserie de Goya relève de sa manière la plus légère, la plus « xvnie ».
C’est, en effet, une œuvre de jeunesse. Goya avait été, à ses débuts, le collaborateur de Mengs,
lorsqu’il décorait le Palais Royal de Madrid. A son retour d’Italie, Goya retrouva son maître,
qui, directeur de la Manufacture de Tapisseries de Santa-Barbara, lui demanda, en 1776,
une quarantaine de cartons, présentés aujourd’hui au Prado. Le troisième, la Rixe, commandé
le 12 août fut exécuté l’année suivante. Quelques rares exemplaires de cette série ne
sont guère sortis d’Espagne que pour orner des ambassades. Plus encore que par la prodi-
gieuse fraîcheur de la couleur, modulée en de curieux effets d’éclairage, on sera frappé par
la composition. Visiblement, Goya a retenu la leçon italienne. Aux . mises en page saisis-
santes de la tradition espagnole, auxquelles il reviendra plus tard, il a préféré une ordon-
nance savamment calculée pour faire converger vers le sujet, centré, toutes les lignes, comme
Le Sacre de Henri II.
Dessin français du xvie siècle de l’Histoire de la Reine Artbémise.
(Musée du Louvre.)
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