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Revue des beaux-arts de France — Nr. 1-6.1942/​1943

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Nr. 3 (Février-Mars 1943)
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Portrait d'artistes
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Denis, Maurice: Jacques-Émile Blanche
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https://doi.org/10.11588/diglit.48495#0155

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JACQUES-ÉMILE BLANCHE

l’art contemporain depuis Manet, je suis frappé de ses préférences pour les tendances réa-
listes, soit impressionnistes, soit post-impressionnistes. Il a fait peu de cas du mouvement
symboliste, de Redon, de Gauguin. C’est, dans ses Propos, une époque sacrifiée. Marcel
Proust a remarqué qu’il avait été injuste pour Vuillard et pour moi. Nos recherches déco-
ratives, notre inquiétude du style, notre idéalisme, le laissèrent indifférent. « Moi qui ne
suis guère mystique », avouait-il, — et encore : « Tout mon respect est à ceux qui ont maîtrisé
le métier. »

Il est vrai qu’il savait peindre comme il savait écrire. Sa virtuosité dans
ce double domaine, l’élégance de sa plume et de son pinceau dataient de ses années

de jeunesse, et il n’avait cessé de se
perfectionner dans ce sens.
Or, à cette époque, les connais-
seurs avaient encore une préférence
marquée pour l’œuvre d’art bien exécutée.
Les talents habiles obtenaient la faveur
du public. Paris adoptait un peintre,
Carolus Duran, Sargent ou Gervex,
comme on cote aujourd’hui, pour des rai-
sons opposées, les peintres d’avant-garde.
Il y avait toutes les raisons du
monde pour que Blanche portraitiste fût
adopté par l’élite. Il n’en fut rien. On
le traita en amateur riche, en dilettante,
sans reconnaître qu’il avait autant de
talent, de métier que Gervex, avec des
dons de psychologue très supérieurs.


Course de chevaux au saut de haies.
(Collection particulière.)

Il en a souffert. Il s’en plaignait amèrement. Mais le vrai drame de sa vie
aura été son propre doute. Il doutait de lui-même comme son héros Aymeris, le peintre
raté qui, dans le roman, finit par se suicider. Je ne dis pas qu’il ait jamais eu de découra-
gements aussi poussés, j’admets qu’il n’avait pas le sentiment de sa véritable force. Il semble
qu’il n’ait pas accepté de n’être pas un génie créateur mais un peintre de grand talent.
Cependant il est resté lui-même obstinément, il n’a subi aucune influence en dehors
de celles qui l’ont marqué à ses débuts : les jeunes écoles qui intéressaient sa curiosité ne lui
ont rien appris. Tout en doutant de lui-même, laborieux, fier, insatisfait, il laisse une œuvre

qui compte, et qui restera.
Pourquoi donc de la part des critiques tant de réticences ? L’intransigeance de ses
attitudes, l’aigreur de son caractère n’empêchaient pas qu’on lui reconnût ses dons plastiques
au moins autant que ses dons littéraires. Ignorance ou parti pris ? Comment n’avoir pas vu

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