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Revue des beaux-arts de France — Nr. 1-6.1942/​1943

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Nr. 4 (Avril-Mai 1943)
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La vie dans les musées
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Vergnet-Ruiz, Jean: Au département des peintures: la donation Paul Jamot
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https://doi.org/10.11588/diglit.48495#0236

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LA VIE DANS LES MUSÉES

des Antiques du Louvre, passé à la Peinture
dont il finit conservateur, ne perdit jamais la
fraîcheur ni la sensibilité de sa jeunesse. Il
unissait le goût, et l’érudition la plus solide, à
une rare clarté d’esprit. Sa générosité était très
grande (il abandonna une partie de son hôtel
parisien pour recueillir une petite congrégation
de religieuses), sa charité morale plus grande
encore : même devant l’évidence il ne croyait
pas au mal. Très beau physiquement, il veillait
au style de toute sa personne avec un raffine-
ment d’élégance porté jusque dans le vêtement,
toujours sobre et très simple, mais du premier
faiseur. Il paraissait à ceux qui le connaissaient
peu un modèle d’homme du monde, devenu
les dernières années une sorte de vieux Lord
surnommé parfois par ses intimes (il le savait
sans déplaisir) Mister Djamott. Mais il était de
la souche la plus française. Lorrain et Champe-
nois, il se réclamait surtout de la Champagne;
son vieil ami Pol Neveux pensa peut-être un
peu à lui en écrivant Thierry Seneuse. « Prince
charmant de la bourgeoisie rémoise » (ce mot de Maurice Denis le peint si bien), il
éprouvait autant de satisfaction secrète à être directeur du musée de Reims que conservateur
au Louvre et membre de l’institut.
Comme il aimait pourtant le Louvre. Lorsqu’un de ses élèves préférés fut contraint
de quitter cette chère maison, il l’en dissuada de toutes ses forces. « Vous avez tort, lui disait-il ;
il vaut mieux tout subir, même l’injustice, et ne pas quitter notre vieux Louvre. » Quand il
mourut, personne ne s’étonna d’apprendre qu’il léguait ses peintures aux deux musées unis
dans sa générosité comme dans son esprit : le Louvre et Reims. Il aurait certainement applaudi
à la nouvelle organisation qui tisse des liens étroits entre les musées nationaux et ceux de
province. (Il aimait à mettre en dépôt dans quelques lieux élus les peintures invisibles
des réserves du Louvre.) Par un excès de détachement il ne fit aucune condition à son legs,
laissant même à quatre de ses élèves le soin de choisir ce qu’ils jugeraient capables d’enrichir
les légataires : dans son ardeur à mieux donner, ce grand savant craignait ses propres pré-
férences.
Cette collection, faite en dehors de tout snobisme, de tout esprit de système et surtout
de tout calcul, reflétait son caprice, son intelligence, sa sensualité visuelle exquise et rare.

(Photo Henri Manuel.)


M. Paul Jamot.

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