Revue des beaux-arts de France — Nr. 1-6.1942/1943
Zitieren dieser Seite
Bitte zitieren Sie diese Seite, indem Sie folgende Adresse (URL)/folgende DOI benutzen:
https://doi.org/10.11588/diglit.48495#0307
DOI Heft:
Nr. 5 (Juin-Juillet 1943)
DOI Artikel:Portrait
DOI Artikel:Vaudoyer, Jean Louis: Louis Metman
DOI Seite / Zitierlink:https://doi.org/10.11588/diglit.48495#0307
LOUIS METMAN
d’Emile Peyre et, en quelques
mois, transporter tout ce que
contenait, avenue Malakoff,
l’hôtel qu’encombrait ce fabu-
leux rassemblement de « mo-
dèles» et d’« exemples », qui
semblait tombé du ciel pour
justifier la naissance, l’exis-
tence même de notre musée...
Sous la direction de
Louis Metman, le travail était
un plaisir, un amusement, une
récréation. Il orientait ses col-
laborateurs sans jamais sembler
les commander, les contraindre.
Il était moins, somme toute, P. Mathey. — Jules Maciet.
un Conservateur, dans l’accep-
tation professionnelle du terme, qu’un maître de maison, heureux de vous recevoir, de vous
accueillir; toujours prêt aussi à accueillir, à provoquer conseils, avis, initiatives; ne se met-
tant jamais en avant, ennemi de toute attitude, de tout didactisme; mais imposant en
quelque sorte indirectement, et sans en avoir l’air, sa personnalité, son sens de la mesure, son
goût infaillible, la sûreté d’un jugement qui alliait la culture à l’instinct.
Quel privilège pour un jeune homme : faire ses classes, entrer dans la vie, accomplir
près d’un tel chef ses années d’apprentissage ! Autour de Louis Metman, dans ce musée des
Arts Décoratifs auquel il donna cinquante-cinq années de son existence, s’était formé un
véritable petit cénacle d’affinités, d’amitiés et d’affections. Seule la mort, puis les guerres ont
pu dénouer tant de liens à la fois si doucement et si strictement serrés. Il me semble que
j’entends Metman me le demander, avec ce ton de voix qui imposait moins la volonté par-
les mots que par les sous-entendus à peine indiqués de l’intonation : « Mon cher Jean-Louis,
pourquoi parler de moi, ne me mettez pas en avant, parlez plutôt des autres... » Ces « autres »,
ces chers disparus, nommons-les, évoquons-les près de celui qui nous quitte, et à la mémoire
desquels il était demeuré si pieusement fidèle... Voici d’abord Raymond Kœchlin et sa
haute silhouette aiguisée et fragile, le regard moqueusement tendre de ses yeux clairs, ses
subtiles taquineries, sa manière enchevêtrée de raconter des histoires dans lesquelles il
s’embrouillait comme chat en pelote; mais surtout voici son sens si fier de la droiture, du
dévouement, de l’honneur. Voici Maciet-le-généreux, embusqué, en quelque sorte tapi
comme dans un terrier, au fond de sa bibliothèque bien-aimée, ouverte au ras du sol sur les
jardins, tout bouillonnant et presque bredouillant d’enthousiasmes, de paradoxes, de passions.
259
d’Emile Peyre et, en quelques
mois, transporter tout ce que
contenait, avenue Malakoff,
l’hôtel qu’encombrait ce fabu-
leux rassemblement de « mo-
dèles» et d’« exemples », qui
semblait tombé du ciel pour
justifier la naissance, l’exis-
tence même de notre musée...
Sous la direction de
Louis Metman, le travail était
un plaisir, un amusement, une
récréation. Il orientait ses col-
laborateurs sans jamais sembler
les commander, les contraindre.
Il était moins, somme toute, P. Mathey. — Jules Maciet.
un Conservateur, dans l’accep-
tation professionnelle du terme, qu’un maître de maison, heureux de vous recevoir, de vous
accueillir; toujours prêt aussi à accueillir, à provoquer conseils, avis, initiatives; ne se met-
tant jamais en avant, ennemi de toute attitude, de tout didactisme; mais imposant en
quelque sorte indirectement, et sans en avoir l’air, sa personnalité, son sens de la mesure, son
goût infaillible, la sûreté d’un jugement qui alliait la culture à l’instinct.
Quel privilège pour un jeune homme : faire ses classes, entrer dans la vie, accomplir
près d’un tel chef ses années d’apprentissage ! Autour de Louis Metman, dans ce musée des
Arts Décoratifs auquel il donna cinquante-cinq années de son existence, s’était formé un
véritable petit cénacle d’affinités, d’amitiés et d’affections. Seule la mort, puis les guerres ont
pu dénouer tant de liens à la fois si doucement et si strictement serrés. Il me semble que
j’entends Metman me le demander, avec ce ton de voix qui imposait moins la volonté par-
les mots que par les sous-entendus à peine indiqués de l’intonation : « Mon cher Jean-Louis,
pourquoi parler de moi, ne me mettez pas en avant, parlez plutôt des autres... » Ces « autres »,
ces chers disparus, nommons-les, évoquons-les près de celui qui nous quitte, et à la mémoire
desquels il était demeuré si pieusement fidèle... Voici d’abord Raymond Kœchlin et sa
haute silhouette aiguisée et fragile, le regard moqueusement tendre de ses yeux clairs, ses
subtiles taquineries, sa manière enchevêtrée de raconter des histoires dans lesquelles il
s’embrouillait comme chat en pelote; mais surtout voici son sens si fier de la droiture, du
dévouement, de l’honneur. Voici Maciet-le-généreux, embusqué, en quelque sorte tapi
comme dans un terrier, au fond de sa bibliothèque bien-aimée, ouverte au ras du sol sur les
jardins, tout bouillonnant et presque bredouillant d’enthousiasmes, de paradoxes, de passions.
259