Revue des beaux-arts de France — Nr. 1-6.1942/1943
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https://doi.org/10.11588/diglit.48495#0334
DOI Heft:
Nr. 5 (Juin-Juillet 1943)
DOI Artikel:L'art et le métier
DOI Artikel:Janneau, Guillaume: L'artisanat des métiers d'art
DOI Seite / Zitierlink:https://doi.org/10.11588/diglit.48495#0334
L’ART ET LE MÉTIER
Le sculpteur et ornemaniste
Laurent Roustan.
—• et cette épithète est choisie dans une intention de
courtoisie — que les artisans possèdent assez de cul-
ture pour s’expliquer les formes anciennes par les condi-
tions qui les ont suscitées, et assez de dessin pour être
en état de les rajeunir, ou de les continuer. Ils sont,
pour la plupart, d’habiles praticiens, mais rares sont ceux
qui ont pu acquérir la totale maîtrise de leur métier.
Trop souvent, ils continuent à avoir besoin d’inspira-
teurs- et de fournisseurs d’idées : c’est là le drame. Le
souci de netteté qui caractérise l’art décoratif contem-
porain ne tolérerait aucun écart : le plus minime alour-
dissement d’un galbe, d’un chantournement, d’une
scotie soulignant d’une ombre le mouvement d’un
relief altère et dénature la beauté d’une forme. Il est
donc évident qu’il n’y aura de véritable renaissance de
l’artisanat d’art que par le moyen d’un relèvement de la
culture artistique générale des praticiens, et c’est là, en
effet, l’un des objets principaux de l’action qu’exerce
déjà le service de l’Artisanat.
Il dispose à cet effet de moyens effectifs : tout d’abord d’encouragements et de coerci-
tions matériels, puis d’encouragements moraux, dont le plus actif sera l’octroi d’un label
de garantie, cautionnant les ouvrages qui utilisent au mieux du goût et du métier les matières
premières, label dont l’institution est à l’étude; enfin d’expositions organisées selon une
méthode constante; elles s’appliquent à provoquer une émulation parmi les praticiens, dans
le sens de l’élargissement des vues, et nullement, comme trop de techniciens le croient encore
et comme une partie du public, mal informée, l’imagine, en faveur d’une virtuosité manuelle
qu’au contraire les responsables condamnent formellement. Sans doute, ils n’auront pas la
maladresse de rebuter brutalement les bonnes volontés dont une meilleure information
rectifiera les essais. Aussi bien ne faut-il pas s’attendre à constater d’un jour à l’autre un épa-
nouissement subit non plus qu’une soudaine révolution dans la production artisanale.
Il n’y a pas de révélation dans ce domaine : c’est par une série d’épreuves qu’on épure son
style et qu’on éclaircit même sa pensée. Mais aux trois degrés de la sélection qui s’opère, à
l’étape locale, régionale, enfin nationale, c’est dans le sens d’une perfection technique
rigoureuse, au service d’une idée juste et d’une conception rationnelle, que s’exerce l’influence
des pouvoirs publics. Une homogénéité qui déjà s’affirme sera donc l’effet de cette action coor-
donnée, tenace, clairvoyante. Ce n’est pas à dire qu’il suffira d’améliorer par une éducation
plus fine et mieux guidée le goût des artisans pour avoir atteint le but. Il reste à explorer le
domaine illimité des procédés techniques eux-mêmes, dont les uns sont conformes à certaines
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Le sculpteur et ornemaniste
Laurent Roustan.
—• et cette épithète est choisie dans une intention de
courtoisie — que les artisans possèdent assez de cul-
ture pour s’expliquer les formes anciennes par les condi-
tions qui les ont suscitées, et assez de dessin pour être
en état de les rajeunir, ou de les continuer. Ils sont,
pour la plupart, d’habiles praticiens, mais rares sont ceux
qui ont pu acquérir la totale maîtrise de leur métier.
Trop souvent, ils continuent à avoir besoin d’inspira-
teurs- et de fournisseurs d’idées : c’est là le drame. Le
souci de netteté qui caractérise l’art décoratif contem-
porain ne tolérerait aucun écart : le plus minime alour-
dissement d’un galbe, d’un chantournement, d’une
scotie soulignant d’une ombre le mouvement d’un
relief altère et dénature la beauté d’une forme. Il est
donc évident qu’il n’y aura de véritable renaissance de
l’artisanat d’art que par le moyen d’un relèvement de la
culture artistique générale des praticiens, et c’est là, en
effet, l’un des objets principaux de l’action qu’exerce
déjà le service de l’Artisanat.
Il dispose à cet effet de moyens effectifs : tout d’abord d’encouragements et de coerci-
tions matériels, puis d’encouragements moraux, dont le plus actif sera l’octroi d’un label
de garantie, cautionnant les ouvrages qui utilisent au mieux du goût et du métier les matières
premières, label dont l’institution est à l’étude; enfin d’expositions organisées selon une
méthode constante; elles s’appliquent à provoquer une émulation parmi les praticiens, dans
le sens de l’élargissement des vues, et nullement, comme trop de techniciens le croient encore
et comme une partie du public, mal informée, l’imagine, en faveur d’une virtuosité manuelle
qu’au contraire les responsables condamnent formellement. Sans doute, ils n’auront pas la
maladresse de rebuter brutalement les bonnes volontés dont une meilleure information
rectifiera les essais. Aussi bien ne faut-il pas s’attendre à constater d’un jour à l’autre un épa-
nouissement subit non plus qu’une soudaine révolution dans la production artisanale.
Il n’y a pas de révélation dans ce domaine : c’est par une série d’épreuves qu’on épure son
style et qu’on éclaircit même sa pensée. Mais aux trois degrés de la sélection qui s’opère, à
l’étape locale, régionale, enfin nationale, c’est dans le sens d’une perfection technique
rigoureuse, au service d’une idée juste et d’une conception rationnelle, que s’exerce l’influence
des pouvoirs publics. Une homogénéité qui déjà s’affirme sera donc l’effet de cette action coor-
donnée, tenace, clairvoyante. Ce n’est pas à dire qu’il suffira d’améliorer par une éducation
plus fine et mieux guidée le goût des artisans pour avoir atteint le but. Il reste à explorer le
domaine illimité des procédés techniques eux-mêmes, dont les uns sont conformes à certaines
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