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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 4)

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Art Musical: Le "Polyeucte" de Gounod à l'Opera
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Chronique française
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https://doi.org/10.11588/diglit.16911#0089

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CHRONIQUE FRANÇAISE.

7i

assistons alors à la scène du brisement des idoles, vaste finale
d'un grand effet qui n'est pas sans quelque analogie avec un des
beaux épisodes de la Reine de Saba, la scène du refus des pré-
sents.

Nous voici arrivé au quatrième acte, celui de la prison, qui
s'ouvre sur une phrase d'orchestre, sombre introduction aux
stances de Polyeucte. Si les stances n'ont pas tout le développe-
ment de celles de Corneille, elles en ont l'élévation, le détache-
ment et la sérénité. Mais Pauline vient tenter un nouvel effort
pour sauver son mari. Comme au premier acte, c'est par une
caresse qu'elle commence l'attaque. Polyeucte, sur le point de
succomber, se réfugie dans la lecture de l'Évangile. Rien de
plus poétique et de plus saisissant que cette lecture, mélopée
récitante commentée par l'orchestre, qui peint les principaux
épisodes de la vie de Jésus : la naissance, la crèche, les bergers
qu'on voit passer au son de la musette, l'adoration des mages,
puis le drame de la Passion, la montée au Calvaire, la mise en
croix, le voile du temple qui se déchire et les cieux mêmes qui
pleurent. Cela fait une sorte de triptyque musical d'un gothique
moderne, d'un primitif contemporain, quelque chose comme un
Van Eyck raconté par Ernest Renan, car la naïveté de senti-
ment des anciens maîtres y est rehaussée d'un accent plus actuel,
celui de l'artiste qui a revécu dans un milieu nouveau la foi des
âges écoulés. C'est une adorable création que cet épisode, qui
appartient en propre à l'opéra. La phrase de Polyeucte : « Sei-
gneur, de vos bontés il faut que je l'obtienne », est éloquente et
chaude. Des modulations d'une hardiesse heureuse soulignent le
célèbre dialogue :

— C'est peu de me quitter, tu veux donc me séduire!

— C'est peu d'aller au ciel, je veux vous y conduire.

Enfin, ce duo tout entier est un morceau de maître qui
marque dans l'œuvre même de M. Gounod par la nouveauté de
la situation et du style. Après le duo amoureux du troisième
acte de Faust et le duo passionné du quatrième acte de Roméo,
le duo héroïque du quatrième acte de Polyeucte fait vibrer une
corde à laquelle le compositeur n'avait pas encore touché. Le
trio avec Sévère, et le cri final : « — Où le conduisez-vous ?—

A la mort! — A la gloire! » complètent puissamment l'effet de cette
belle scène et de cet acte, qui est à lui seul un chef-d'œuvre de
musique dramatique.

M1Ie Krauss, qui d'ailleurs joue en grande tragédienne le
rôle de Pauline, s'y est révélée la digne interprète de Corneille
et de Gounod. M. Salomon n'est pas à la hauteur du personnage
de Polyeucte, qui eût exigé un Nourrit ou un Duprez. Une
voix puissante ne suffit pas à un tel rôle, il y fallait en outre ce
que les anciens appelaient le pectus, c'est-à-dire à la fois de la
poitrine et du cœur. M. Salomon a de la poitrine. On ne saurait
lui refuser de bonnes intentions, qui se sont manifestées avec
succès lors de la revanche du baptême, dès la seconde soirée.
Mais le rôle de Polyeucte n'a rien d'infernal.

Nous n'avons pas encore entendu M. Sellier, qui a doublé
le rôle à partir de la quatrième représentation.

Le cinquième acte, celui des Arènes qu'encadre un décor
habilement construit par M. Lavastre jeune, est très-court.
Polyeucte, conduit au supplice, entonne son Credo, scandé par
les vociférations de la populace. Pauline accourt, et se jette dans
ses bras pour mourir avec lui. Elle chante son Credo à elle, un
Credo plus conjugal que mystique, mais d'une tendresse infinie.
Le chant sacré de Polyeucte est repris à l'unisson par les deux
martyrs, et la toile tombe au moment où les belluaires vont
ouvrir la cage aux lions.

Nous avons essayé d'analyser la partition ; mais pour l'ap-
précier dans son ensemble, et surtout pour la comparer aux
autres ouvrages du maître, nous croyons qu'il faut laisser à l'in-
terprétation le temps de s'asseoir, à l'opinion le temps de se
former, et à l'œuvre elle-même le temps de se montrer, car il
n'est guère possible d'en saisir, de prime abord, toutes les
beautés. Nous saurons plus tard si Polyeucte, qui ne fut pas le
chef-d'œuvre de Corneille, doit être considéré comme le chef-
d'œuvre de M. Gounod. Pour le moment, on peut dire que c'est
un acte de foi entrepris avec courage, accompli avec un profond
sentiment de la dignité de l'art, une .œuvre, enfin, qui ne peut
qu'ajouter à la renommée de l'auteur et à la gloire de l'école
musicale française dont il est aujourd'hui le plus illustre repré-
sentant.

Chari.es Vimenal.

CHRONIQUE FRANÇAISE

Le Musée des Arts décoratifs. — Le catalogue de l'expo-
position des tableaux anciens et modernes, organisée par le
Musée des Arts décoratifs au pavillon de Flore, vient de paraître.
Il comprend 522 numéros. Mais chaque jour des œuvres
nouvelles enrichissent cette magnifique exhibition "de chefs-
d'œuvre dont le succès est des plus vifs, malgré les mille attraits
qui sollicitent actuellement de tous côtés les étrangers dans la
capitale. C'est ainsi que nous avons remarqué, dans notre
dernière visite au nouveau musée, un superbe tableau de Michel
Van Loo représentant Carie Van Loo et sa famille. Cette toile,
d'une hauteur de 2 mètres 50, est d'un intérêt exceptionnel que
l'Art a déjà fait ressortir '. Elle appartient à l'École nationale
des arts décoratifs. On vient de placer également, dans la grande
vitrine qui est au milieu de la seconde salle du pavillon de
Flore, la précieuse collection d'armes de MmG la duchesse de
Luynes, comprenant des épées du xvn° siècle, des lames de
Damas ciselées, avec montures en or, poignées en jaspe et orne-
ments de rubis, des massues indiennes, des kriss malais, des
poignards, etc. Plusieurs de ces armes ont été exécutées par le
duc de Luynes ou sur ses dessins.

On voit que le Musée des Arts décoratifs, en attendant qu'il
ait organisé les différentes collections techniques devant servir à
l'enseignement spécial qui est son but, rend au public un
inestimable service par l'exposition des chefs-d'œuvre de nos
grandes collections privées. Il est à désirer qu'on ne s'arrête pas
là, et qu'une exposition si utile soit indéfiniment renouvelée.
Les belles œuvres ne manquent pas dans notre pays; elles ont
besoin d'être plus connues, voilà tout. Les amateurs généreux
qui consentiront à prêter leurs richesses pour l'éducation de tous
ne manqueront pas non plus. Eux-mêmes sauront aller au-
devant de toute démarche ayant un but aussi patriotique.

La galerie du glacier a l'Opéra. — La décoration de
cette galerie, qui, faute d'argent, avait dû être ajournée lors de
l'ouverture de notre Académie nationale de musique, a été
achevée récemment, et le ministre des beaux-arts, accompagné
de M. Halanzier, vient d'examiner les travaux. Les peintures
qui décorent les murailles sont dues à M. Clairin, — qui, à lui
seul, a exécuté la moitié de la besogne, et s'en est acquitté
avec un plein succès, — à MM. Thirion, Escalier, Duez, à
M110 Louise Abbema et MmC Lucile Doux.

1. Voir dans l'Art, I™ année, tome I", page 289, l'article de M. P. Rioux-Maillou, et page 290, le dessin de Lalauze, gravé par Smeeton et Tilly d'après ce
tableau de Louis-Michel \ anloo (Salon de 1757), dont le musée de Versailles possède un second exemplaire également authentique.
 
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