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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 4)

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Champfleury: Types et manière des dessinateurs de vignettes romantiques, [3]
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3o

L’ART.

Ce dessin lithographié, tout noir de la poudre du combat, parut en effet dans la Silhouette.

De l’atelier des frères Devéria, rue Notre-Dame-des-Champs, partait le mot d’ordre; on y
formait des bandes, on y enrôlait des soldats pour la nouvelle école ; aussi la plupart des écrivains
et des artistes qui avaient donné des gages passaient-ils par le crayon passionné de Devéria.

Qui veut avoir une idée des femmes de l'époque ne peut se dispenser de feuilleter l’œuvre
des deux frères ; ils ont montré la femme dans toutes ses élégances, ses modes, ses travestisse-
ments, et ils eussent laissé un renom plus durable si une incessante production n’avait trop arrondi
leurs crayons par la suite.

Louis Boulanger, lui, fut le second du grand poète, une sorte dAlter ego — alter Hugo,
disait le sculpteur Préault. Le peintre était l’ami des premiers jours, le familier de la place
Royale, le correspondant du maître, son confident; c'est à lui que sont adressées les Lettres sur
le Rhin, ces magistrales descriptions qu’on regrette de ne pas voir illustrées par le maître lui-
même.

Singulière destinée que celle de Louis Boulanger broyé entre deux meules, Eugène Delacroix

et Victor Hugo; il en admire la puissance,
il essaie de mettre ces engins en mouvement
pour son propre compte, la force lui manque.

Tous venaient pourtant à l’ami du grand
poète, tous lui frayaient le chemin. Un tableau
de Louis Boulanger, c’était par avance un
événement dans les ateliers. Lorsque le peintre
eut l’honneur d'être refusé au Salon de 1831
pour son Bailly marchant à la mort, Pétrus
Borel le réconfortait à sa manière.

Laisse-moi, Boulanger, dans ta douleur profonde
Descendre tout entier par ses noirs soupiraux;

Laisse immiscer ma rage à ta plainte qui gronde ;

Laisse pilorier tes iniques bourreaux^.

Pour reconnaître la haute intervention des
poètes, les peintres voulaient montrer qu’ils
en étaient dignes et qu’eux aussi savaient parler la langue des dieux.

Une femme de ce groupe artistique, Mme Marie Ménessier-Nodier, avait entrepris de
publier une Anthologie dans le genre des Annales romantiques ; ce petit livre, la Perce-Neige,
n’aurait rien de particulièrement curieux si, outre son eau-forte à la manière de Célestin Nanteuil,
il ne renfermait deux morceaux poétiques d’Eugène Devéria et de Louis Boulanger qui, je crois,
n’ont donné qu’une fois cette note ; mais on savait dans certains salons qu’Eugène Devéria et
Louis Boulanger étaient d’autant plus aptes à comprendre le lyrisme des maîtres qu’eux-mêmes
eussent pu faire œuvre de poètes si l'art du peintre ne l’avait emporté. Aussi bien à cette époque
les peintres exprimaient volontiers leurs idées sur l’art, leurs projets de réforme, à l’aide de la
plume : Eugène Delacroix, Paul Huet, Ziegler, Laviron et bien d’autres.

Le morceau de Devéria, inséré dans la Perce-Neige ~, a pour titre : Mémoire des morts.

Voilà six ans entiers que ma sœur Octavie
Repose parmi nos aïeux;

Voilà six ans entiers que sa lèvre pâlie

N’a fait entendre un son doux comme une harmonie,

Six ans que dorment ses beaux yeux.

Cette poésie me paraît inspirée par les poésies de M,ne Desbordes-Valmore. La pièce de Louis

1. Rhapsodies. i832.

2. La Perce-Neige, choix de morceaux de poésie moderne, recueillis et publiés par M"10 Marie Ménessier-Nodier. Paris, Heideloff, 1836.
Petit in-12.

Vignette d’Achille Devéria,
pour Pauvre Fille! de Victor Lefloch (1834).

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