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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 4)

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Bouchot, Henri: Un portrait inconnu d'Henri IV à la Bibliothèque nationale
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https://doi.org/10.11588/diglit.19294#0309

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UN PORTRAIT INCONNU D’HENRI IV

A LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE

n 1872, M. Lechevallier-Chevignard, dans un article plein de critique et
de renseignements intéressants sur les portraits d’Henri IV, relevait plu-
sieurs erreurs relatives à l’iconologie de ce roi, et dans une énumération
rapide faisait connaître les rares portraits du Béarnais jeune, venus jusqu’à
nous1. En procédant chronologiquement, il étudiait d’abord le portrait
autrefois donné à la ville de Genève par Jeanne d’Albret, et que le
graveur Nicolas Schenker publia en 1822. M. Chevignard estime que
l’authenticité du portrait ne peut être douteuse; il insiste avec raison
sur le costume du jeune prince, trouvant dans sa mise sévère, son
pourpoint boutonné jusqu’au menton et sa petite fraise encadrant le cou,
une date précise, que seuls les amateurs éclairés savent reconnaître par
la comparaison des modes, des goûts, des fantaisies d’une époque avec ce
qui a précédé et ce qui a suivi. Je ne préconiserai point outre mesure
ce moyen de critique historique et artistique, parce qu’il est arrivé quel-
quefois aux peintres de copier d’anciens portraits et de les mettre à la
mode de leur temps. Ce procédé, employé surtout par Daniel Dumons-
Lettre de g. Miteiii. tier, ne laisse pas que d’égarer les chercheurs et de les tromper fréquem-
ment. Mais il ne semble pas que les artistes du xvie siècle l’aient employé
souvent, et l’habit peut jusqu’à un certain point servir à dater approximativement une pièce,
quand tous les autres éléments font défaut. Or, pour le cas spécial qui occupait M. Chevignard,
la date connue de l’âge d’Henri IV, quinze ans, et la date approximative du costume, i565,
concordaient parfaitement ; il n’y avait donc plus à douter.

Mais où M. Chevignard s’est montré encore plus éclairé et plus habile critique, c’est lorsque,
parlant d’un portrait publié dans le célèbre recueil de M. Niel2, il n’y voit « qu’itne image
infidèle, peut-être même une erreur historique ». Avec l’autorité que lui donne la pratique de
l’art, M. Chevignard ne retrouve pas dans cette figure de mignon bellâtre et musqué, à la peau
transparente et merveilleusement fine, les méplats et l’ossature du roi de Navarre, le nez
particulier à sa mère et à lui, et cette bouche « sans sourire » que les peintres du xvne siècle,
et Rubens en tête, transformeront uniformément. Il y avait aussi une preuve tout aussi convain-
cante contre le portrait publié par Niel, et sur laquelle M. Chevignard n’a point insisté par
courtoisie; c’était le costume. Il vient donner un démenti formel à l’attribution.

Ce jeune homme est à peine à la trentaine, à grand’peine, pourrions-nous dire. Cela ferait
pour Henri IV, au plus 1583. Or le petit col rabattu que porte le personnage était de mode à
l’extrême fin du siècle, en i5g5 environ : en 1583 Henri IV eût porté la fraise, l’énorme fraise,
qui faisait dire d’Henri III à la jeunesse mal élevée du temps, « qu’à la fraise on reconnaissait le
veau ». Il est donc impossible de faire concorder les deux dates, sans supposer un rajeunissement
de costume par le dessinateur; ce serait la seule ressource de M. Niel.

J’avoue avoir eu quelques doutes sérieux : la physionomie du personnage séduit au premier
abord, et si les dimensions ne concordent point avec les premiers portraits gravés d’Henri IV,
l’aspect général rend si bien la figure riante et grimaçante, si popularisée depuis Rubens, qu’on se

1. Galette des Beaux-Arts, deuxième série, tome VI, page 367.

2. Portraits de personnages illustres du xvic siècle, tome Ier.
 
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