Frise composée et gravée par Jean Bouton.
LES MUSÉES D’ALLEMAGNE'
I
LE MUSÉE DE COLOGNE
(fin)
'est sur une telle impression qu’il faudrait prendre congé
de l’école de Cologne. Après être remonté jusqu’à ses
humbles origines, nous avons pu la suivre dans son
lent développement. Nous avons vu ses peintres, partis
d’une barbarie absolue, se créer peu à peu et d’eux-
mêmes des moyens d’expression et constituer un art
dont maître Wilhelm, le premier, arrivait à fixer le
sens, mais qui n’atteignait son entière émancipation
qu’avec Stéphan Lothner. Avec ce mélange de timidité
et d’audace qui chez lui est si charmant, ce grand artiste
prenait possession de la nature, et pour nous dire les
beautés, la grâce, la poésie qu’il y avait découvertes, il se
dépouillait des étrangetés et des étroitesses de style de ses
devanciers. En se pressant sur les bords de la source où il a
puisé, en essayant cl’en grossir la veine par des dérivations
étrangères, ceux qui vont venir après lui altéreront sa fraî-
cheur et troubleront sa limpidité. Jusque-là les maîtres modestes dont nous avons
parlé, non seulement s’étaient suffi à eux-mêmes, mais, sans y prétendre, ils exer-
çaient au dehors une influence légitime. L’art des Flandres leur a du beaucoup et,
bien qu’il soit difficile d’y démêler la part de cette action, elle n'en est pas moins réelle. Bientôt,
au contraire, l’éclat que l’école de Bruges projette dès son apparition va effacer celui de l’école
de Cologne et à partir de ce moment celle-ci cessera d’avoir une vie propre. Les emprunts
qu’elle commence à faire aux élèves ou aux imitateurs des Van Eyck, à Rogier van der Weyden
ou à Dirk Bouts, par exemple, ne sont que trop évidents. Avec cet effacement graduel de son
originalité, ses peintres, comme au début, vont redevenir anonymes; on sera réduit à les désigner
par les titres de leurs meilleures productions : le maître de la Passion de Lyversberg, le maître
de l’Autel de la Croix, celui de la Mort de la Vierge, etc., et à grouper autour de leurs tableaux
les plus célèbres leurs autres œuvres et celles de leurs disciples.
Ainsi qu’il arrive d’ailleurs à qui vit d’imitation, ce ne sont pas les grands côtés de l’art des
Flandres, mais bien plutôt ses bizarreries que les peintres de Cologne s’appliqueront à copier.
Lettre composée et dessinée pour l’Art
par J. Habert-Dys.
i. Voir l'Art, 8e année, tome IV, pages 141 et 172.
LES MUSÉES D’ALLEMAGNE'
I
LE MUSÉE DE COLOGNE
(fin)
'est sur une telle impression qu’il faudrait prendre congé
de l’école de Cologne. Après être remonté jusqu’à ses
humbles origines, nous avons pu la suivre dans son
lent développement. Nous avons vu ses peintres, partis
d’une barbarie absolue, se créer peu à peu et d’eux-
mêmes des moyens d’expression et constituer un art
dont maître Wilhelm, le premier, arrivait à fixer le
sens, mais qui n’atteignait son entière émancipation
qu’avec Stéphan Lothner. Avec ce mélange de timidité
et d’audace qui chez lui est si charmant, ce grand artiste
prenait possession de la nature, et pour nous dire les
beautés, la grâce, la poésie qu’il y avait découvertes, il se
dépouillait des étrangetés et des étroitesses de style de ses
devanciers. En se pressant sur les bords de la source où il a
puisé, en essayant cl’en grossir la veine par des dérivations
étrangères, ceux qui vont venir après lui altéreront sa fraî-
cheur et troubleront sa limpidité. Jusque-là les maîtres modestes dont nous avons
parlé, non seulement s’étaient suffi à eux-mêmes, mais, sans y prétendre, ils exer-
çaient au dehors une influence légitime. L’art des Flandres leur a du beaucoup et,
bien qu’il soit difficile d’y démêler la part de cette action, elle n'en est pas moins réelle. Bientôt,
au contraire, l’éclat que l’école de Bruges projette dès son apparition va effacer celui de l’école
de Cologne et à partir de ce moment celle-ci cessera d’avoir une vie propre. Les emprunts
qu’elle commence à faire aux élèves ou aux imitateurs des Van Eyck, à Rogier van der Weyden
ou à Dirk Bouts, par exemple, ne sont que trop évidents. Avec cet effacement graduel de son
originalité, ses peintres, comme au début, vont redevenir anonymes; on sera réduit à les désigner
par les titres de leurs meilleures productions : le maître de la Passion de Lyversberg, le maître
de l’Autel de la Croix, celui de la Mort de la Vierge, etc., et à grouper autour de leurs tableaux
les plus célèbres leurs autres œuvres et celles de leurs disciples.
Ainsi qu’il arrive d’ailleurs à qui vit d’imitation, ce ne sont pas les grands côtés de l’art des
Flandres, mais bien plutôt ses bizarreries que les peintres de Cologne s’appliqueront à copier.
Lettre composée et dessinée pour l’Art
par J. Habert-Dys.
i. Voir l'Art, 8e année, tome IV, pages 141 et 172.