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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 4)

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Molinier, Émile: Les majoliques italiennes en Italie, [8]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19294#0284

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LES

MAJOLIQUES ITALIENNES EN ITALIE1

( suite)

PÉROUSE. (Fin.)

Les auteurs qui ont décrit ou catalogué des majoliques ne
sont point d'accord au sujet des produits de Deruta. Le fait
est que l’histoire de cette fabrique est à peine connue; on ne
possède jusqu’ici que peu de documents mentionnant d’an-
ciennes fabriques de majoliques établies à Deruta2. Aussi ne
lui attribue-t-on généralement que quelques pièces à reflets
jaune chamois et des pièces polychromes à reflets ou sans
reflets du milieu du xvie siècle, le tout sans se dissimuler
l’arbitraire de ce classement. M. Darcel est un de ceux qui
ont le plus souffert de cette incertitude et, à ce point de vue,
son excellent catalogue laisse un peu à désirer. M. Robinson
était, avant lui, arrivé bien plus près de la vérité en attribuant
à la fabrique de Deruta des pièces telles que les nos G 5o et
G 5 i de la collection du Louvre. L’analogie entre le décor de
ces vases et les bordures du pavage de San Pietro n’est pas
douteuse: même ton, même dessin se détachant très nettement
sur le fond d’émail, et aussi même fabrication, assez grossière
en somme. Il semble du reste que M. Darcel ait eu quelques
scrupules sur l’attribution de ces pièces à l’atelier de Faenza,
car, dans la notice qu’il a placée en tête du Recueil de faïences
italiennes par Delange3 4, il a adopté l’opinion de M. Robinson.
Cependant il n’est pas encore allé assez loin, à notre avis. La
comparaison de ces vases avec certains plats que possède le
musée du Louvre va nous permettre de nous expliquer.

Prenons par exemple les grands plats nos G 45 et G 568,
classés l’un à Faenza, l’autre à Deruta : si les sujets représentés
sur l’ombilic sont différents, ils sont du moins exprimés par
les mêmes tons; quant aux bords ornés de quartiers d’imbri-
cations et de rinceaux ils sont absolument semblables, ce qui
aurait dû contribuer à les faire classer dans la même fabrique.
Comparons maintenant ces rinceaux avec ceux qui ornent les
vases cités plus haut et le doute ne sera plus permis ; ces diffé-
rentes pièces, vases et plats, sont sorties de la même fabrique,
de celle d’où sont sortis les pavages de San Pietro, de celle
de Deruta.

Si nous rapprochons maintenant ces plats bordés de quar-
tiers d’imbrications et de rinceaux d’autres pièces, telles que
G 48, G 109, G 110, bordées d’imbrications et de fleurons ou
de fleurons seulement, nous serons aussi forcé de rattacher ces
derniers à la même fabrique. Si nous comparons d’autre part
ces pièces avec les grands plats à reflets chamois, nous y trou-
verons les mêmes dessins traités en camaïeu, les mêmes
formes, les mêmes dispositions ; la comparaison des vases à
reflets ou sans reflets nous fournirait les mêmes conclusions,
plus certaines encore, puisqu’ici nous pourrions tirer des
arguments du galbe même des pièces.

Nous savons parfaitement que notre argumentation ne
tend à rien moins qu’à dépouiller complètement Pesaro au
profit de Deruta. A vrai dire, nous conserverions volontiers
cette gloire à Pesaro, seulement nous voudrions que la patrie
d’adoption de Passeri nous présentât d’autres preuves que le
livre de Passeri lui-même. Passeri est le premier qui ait tenté
de voir un peu clair dans l’histoire de la céramique italienne;
nous ne lui contesterons pas ce mérite, mais quant à accepter

ses opinions, il n’y faut pas penser; il s’est fait un devoir de
trouver partout la main des potiers de Pesaro ; il en a fait une
véritable question d’amour-propre, mais nous ne voyons pas
pourquoi nous prendrions aujourd’hui parti dans ces querelles
de clochers. Quant à chercher, comme l’a fait M. Jacquemart ’1,
à établir les caractères techniques des deux écoles de Pesaro
et de Deruta, cela nous semble absolument chimérique : établir
un classement sur de légères différences d’irisation, différences
qui varient et avec la cuisson et avec l’intensité du jour auquel
on expose la pièce pour l’étudier, c’est là une théorie qui ne
peut être admise. Ne cherchons donc pas à confirmer par
l’étude des monuments les assertions très hasardées de Passeri
et surtout servons-nous moins de son livre qu’on ne l’a fait
jusqu’ici. Considérons-le comme le premier jalon d’une série
d’études qui est encore bien loin d’être terminée, mais n’allons
pas lui demander des éclaircissements qu’il ne pourrait nous
donner, ni surtout le considérer comme un document authen-
tique; d’autant qu’au témoignage de Passeri pourrait être
opposé celui de Leandro Alberti qui, dans sa Descrittione di
tutta Italia (éd. de Venise, 1553, folio 85 verso), s’exprime en
ces termes au sujet des fabriques de Deruta, tandis qu’il garde
un silence absolu au sujet de celles de Pesaro : « Sono molti
nomati i vasi di terra cotta quivi fatti, per esser talmente
lavorati che paiono dorati. Et anche tanto sottilmente sono
condotti che insino ad hora non si ritrova alcun’ artefice nell’
Italia che se li possa agguagliare, benche assai sovente hab-
biano isperimentato et tentato di far simili. Sono dimandati
questi vasi di Majorica per che primieramente fu ritrovata
quest’ arte nell isola di Majorica et quivi portata. » Labarte
(Histoire des Arts industriels, deuxième édition, tome III,
page 296) a déjà cité ce texte, mais sans voir, croyons-nous,
tout le parti qu’on pouvait en tirer.

Il est encore d’autres pièces que nous voulons rendre à
Deruta, ce sont les majoliques telles que les nus G 467, 468
et 469 qui, à côté des reflets jaunes, présentent des teintes
rouge rubis; on les donne à Gubbio généralement, mais l’étude
du style (quelques-unes sont fort anciennes) et des ornements
des bordures doivent les faire restituer à Deruta. D’ailleurs les
pièces signées par Maestro Giorgio n’ont aucun rapport avec
celles-ci; aussi a-t-on été obligé d’en faire les productions d’un
potier de Gubbio antérieur à Giorgio et qui aurait vendu à
celui-ci le secret de la fabrication du rouge métallique.

De tout ce que nous venons de dire il résulte que l’on doit,
suivant nous, restituer à Deruta : i° tous les produits qui se
rapprocheront des nos G 5o et 5i, 45 et 568, et en général
tous les grands plats à reflets que l’on attribue d’ordinaire à
Pesaro ainsi que quelques-uns de ceux que l’on donne à
Gubbio; — 20 regarder comme du plein xvic siècle et non de
la fin du xve ou du commencement du xvi° les plats n°s 45 et
568, par la raison que le pavage de San Pietro qui offre les
mêmes caractères d’archaïsme ne date que de 1563.

A ceux qui s’étonneraient de la large part que nous
faisons à la fabrique de Deruta nous répondrons ceci : Qu’y
a-t-il d’étonnant à ce que, dans la patrie du Pérugin, il y ait
eu un semblable développement artistique ? La chose serait bien
autrement extraordinaire à Pesaro qui n’a jamais eu, que nous

1. Voir l’Art, 8e année, tome III, page 100, et tome IV, pages 58, 79, 99, t38, 157, 180 et 219.

2. Ces documents ont été publiés dans le Giornale di erudi\ione arlistica di Perugia, et M. Casati en a donné l'analyse dans une brochure intitulée :
Notice sur les faïences de Diruta, Paris, 1874, in-8*.

3. Page 12.

4. Notice sur les majoliques de l’ancienne collection Campana, pages 11 et 12.
 
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