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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 4)

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Molinier, Émile: Les majoliques italiennes en Italie, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19294#0102

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8o

L'ART.

Le musée Brera ne possède qu’une pièce signée sortie de
l’atelier de Fontana (n°4n); c’est une assiette représentant
Lyncée changé par Cérès en loup-cervier et qui porte au revers
l’indication du sujet et de l’atelier : in botega de M° Guido
Durantino in Urbino.

Mais c’est encore à cet atelier que nous attribuerons une
grande vasque trilobée (n° 401), de 5o cent, de diamètre ou
environ, à l’intérieur de laquelle est représenté le triomphe
d’Amphitrite ; l’extérieur est décoré de trois mascarons en relief
alternant avec des paysages. Le dessin des figures est assez
bon, mais on y sent la décadence comme dans toutes les
pièces sorties de l’atelier de Fontana ; abandonnant les belles
traditions des potiers de la fin du xve siècle et de la première
partie du xvie, les artistes d’Urbino veulent faire de véritables
tableaux ; ils se perdent dans les détails et craignent d’employer
ces tons violents dont les peintres de Faenza ont su tirer de si
beaux effets ; en un mot, ils méconnaissent le caractère pure-
ment décoratif des majoliques.

Aux Fontana appartient aussi un plat représentant Alexan-
dre et Diogène (n° 408) et un bassin où l’on voit Horatius
Codés ; sous ce personnage se lit le mot Gripho[n] en carac-
tères cursifs, mot dont nous ne pouvons deviner le sens
(n° 421). — Mentionnons encore un disque peint sur ses deux
faces, sans doute un couvercle d’écuelle, sorti probablement
de l’atelier des Fontana, mais dont les peintures rappellent un
peu le style de Paris Bordone. Sur la face est représenté un
concert champêtre ; hommes et femmes portent les costumes
du xvic siècle. Au revers se voit un Amour debout, sur fond
jaune. Les chairs sont modelées en bistre avec rehauts blancs
et dans les costumes domine un bleu intense, peu commun
dans les majoliques de cette époque.

Pour en finir avec les majoliques du musée Brera, mention-
nons deux grands plats de Venise, du xvne siècle, représentant
l’un quatre guerriers en costume antique, l’autre un combat, le
tout dessiné et modelé en bleu sur fond blanc ; et enfin une
assiette au centre de laquelle est dessiné un génie portant un
globe crucifère, motif que l’on peut voir sur une assiette du
musée du Louvre (n° G. 481) ; sur les bords sont des chimères
et des dragons ; enfin en haut se voit un bûcher qu’entoure la
devise d’Alphonse II d’Este, duc de Ferrare :

ARDET ÆTERNVM.

A s’en tenir là, le plat n’a rien de bien curieux; plusieurs
musées, le Louvre entre autres, possèdent des pièces sur les-
quelles cette devise est inscrite. Mais le revers est beaucoup
plus intéressant. La pièce ayant été brisée, on l’a doublée d’une

toile très grossière collée en plein et sur cette toile est fixée un
petit cartouche en papier sur lequel est imprimé ce qui suit :

FANX EX FIGLINA CASTRI DURANTIS
EX DELINEATIONE RAPH-URBIN.

anno MDXXXVIII.

L’inspection du papier et des caractères de cette légende
permet de l’attribuer au xvn° siècle. Le premier mot est in-
compréhensible, mais le sens du reste n’offre aucune difficulté.
Ajoutons que l’assiette nous semble sortir de Castel Durante ;
mais, si l’on rapproche la date de 1538 de la devise « ARDET
ÆTERNVM », laquelle a été portée par Alphonse II d’Este
vraisemblablement depuis 1579 seulement, date de son ma-
riage avec Marguerite de Gonzague, on acquiert bientôt la
certitude qu’on se trouve en face d’une supercherie qui ne peut
s’expliquer que d’une manière : un des possesseurs de cette
pièce, au xvne siècle, pour lui donner plus de prix aura ima-
giné de lui appliquer cette signature postiche ; mais s’il a bien
pensé à mettre « Casteldurante » au lieu de Urbanta, nom que
cette localité porta à partir de 1623 ou environ, il n’a pas
pensé à faire cadrer la date avec la devise, témoin irrécusable
de sa supercherie. Ajoutons que nous avons pu constater que
la toile ne cache aucune inscription. Nous nous trouvons donc
là en face de l’œuvre d’un faussaire déjà fort ancienne ; nous
en avons du resté trouvé un exemple encore plus effronté au
musée de Pesaro : un plat d’Urbino, du xvne siècle, n’est-il
pas signé en toutes lettres (n° 468) :

VRBINAS

DIE UNDECIMA IANU[A]RI
1459

Les fausses majoliques ne sont pas une invention moderne.
Quoi qu’il en soit, comme nous l’avons dit, le plat du musée
Brera offre tous les caractères des produits de Castel Durante,
ce qui semble prouver que les ducs de Ferrare n’ont pas em-
ployé exclusivement des artistes d’Urbino. Remarquons toutefois
qu’il est souvent bien difficile de distinguer entre eux les produits
de ces deux fabriques et que nombre d’artistes durantins ont
émigré à Urbino, les Fontana, par exemple, et que cette cir-
constance ne permet pas d’être bien rigoureux dans le classe-
ment de ces produits.

Emile Molinier.

(La suite prochainement.

Le Directeur-Gérant .-EUGÈNE VÉRON.
 
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