Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

DOI article:
Paris, Pierre: L' architecture religieuse en Égypte, [1]
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0094

DWork-Logo
Overview
loading ...
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
66 L'ART.

« Les premiers grands rois de Thèbes, a dit M. Maspéro dans un petit livre charmant où
revit l'Egypte avec une force de résurrection, les Aménemhâït et les Ousirtasen y construisirent,
en l'honneur d'Amon, un édifice assez mesquin de calcaire blanc et de gres, avec des portes en
granit ; des piliers à seize pans en décoraient l'intérieur. Amon n'était en ce temps-là qu'un
pauvre dieu de province, moins estimé et moins populaire que ses voisins Monthou d'Hermonthis
ou Mînou de Coptos ; un petit temple suffisait à sa petite personne et de petits domaines pour-
voyaient à ses petits sacrifices. 11 grandit en autorité pendant les longs siècles qui suivirent ;
quand les Pharaons de la XVIIIe dynastie eurent chassé les Hyksos et régnèrent sans rivaux sur
le monde, Amon conquit du même coup la suzeraineté sur les dieux des autres cités, égyptiennes
ou étrangères, et sa maison d'autrefois devint trop étroite pour le contenir. Tant de souvenirs
antiques s'y rattachaient qu'on se garda de la démolir, mais on l'entoura d'une ceinture de
temples nouveaux qui en firent le monument le plus vaste que l'on connaisse. Thoutmosou Ier
éleva, en avant de la façade primitive, deux chambres précédées d'une cour et flanquées de cha-
pelles isolées, puis, échelonnées l'une derrière l'autre, trois de ces portes monumentales accompa-
gnées de tours qu'on appelle des pylônes. Thoutmosou III construisit d'immenses salles vers
l'Ouest. Amenhotpou III ajouta aux pylônes de Thoutmosou Ier un quatrième pylône d'une hauteur
et d'une largeur prodigieuses. Enfin, Ramsès 1er et Séti 1er ont employé leur règne à bâtir la

salle à colonnes qui s'appuie au pylône d'Amenhotpou III..... Séti est mort au moment où la

décoration des murs était à peine ébauchée, et Ramsès II ne réussira à l'achever que s'il règne
assez longtemps pour mourir centenaire1. » Ajoutons que « les Pharaons des dynasties suivantes
se disputèrent quelques places vides le long des colonnes pour y graver leurs noms et participer
à la gloire des trois fondateurs, mais ils n'allèrent pas plus loin. Pourtant le monument, arrêté
à ce point, demeurait incomplet; il lui manquait un dernier pylône et une cour à portiques. Près
de trois siècles s'écoulèrent avant qu'on songeât à reprendre les travaux. Enfin, les Bubastides se
décidèrent à commencer les portiques, mais faiblement, comme il convenait à leurs faibles res-
sources. Un moment, l'Éthiopien Taharqou imagina qu'il était de taille à rivaliser avec les
Pharaons thébains et devisa une salle hypostyle plus large que l'ancienne, mais ses mesures
étaient mal prises. Les colonnes de la travée centrale, les seules qu'il eut le temps d'ériger,
étaient trop éloignées pour qu'on pût y établir la couverture ; elles ne portèrent jamais rien et ne
subsistèrent que pour marquer son impuissance. Enfin, les Ptolémées, se conformant à la tradi-
tion des rois indigènes, se mirent à l'ouvrage ; mais les révoltes de Thèbes interrompirent leurs
projets, le tremblement de terre cle l'an 27 détruisit une partie du temple, et le pylône resta à
jamais inachevé. L'histoire de Karnak est celle de tous les grands temples égyptiens '2. » Le
temple égyptien n'est donc pas la conception ni l'œuvre d'un seul artiste ; c'est le produit d'idées
et de constructions successives ; c'est une agglomération de fragments divers, juxtaposés les uns
aux autres par une série de générations. Dans les monuments de Thèbes ou de Médinét-Habou,
ne cherchons pas l'unité mûrement réfléchie d'un seul plan, l'effort d'un seul architecte puissant
pour donner un corps à l'idéal cle ses rêves. Il faut compter non pas avec un, mais avec dix,
avec vingt architectes, avec des familles, des écoles entières de sculpteurs et de peintres. Et de
plus, ces décorateurs, ces architectes ne sont que des instruments dociles aux mains des Pharaons.
Si le modeste sanctuaire primitif s'élargit, s'étend et s'élève et s'accroît à l'infini de pylônes, de
vestibules, de colonnades et d'obélisques, que chamarrent les bas-reliefs et les peintures, ce n est
pas qu'une longue suite d'années soit nécessaire à l'exécution d'un projet gigantesque : c'est que
les rois qui, tour à tour, s'assirent sur le trône de leurs ancêtres veulent s'attacher comme eux,
par un présent magnifique, la faveur des dieux, et surtout laisser comme eux un souvenir pompeux
de leur gloire. L'enceinte monumentale, la cour péristyle, le pylône, que chacun fera construire
à la suite de ses prédécesseurs, il songe sans doute que c'est un hommage à son père divin ;
mais, surtout, c'est le monument qui le rendra lui-même plus illustre et le témoignera plus puis-
sant que tous ceux du passé comme de l'avenir. Et voilà pourquoi, de génération en génération,

1. G. Maspéro, Lectures historiques (Classe de sixième), Histoire ancienne, pages 59 et 60.

2. G. Maspéro, l'Archéologie égyptienne, pages 76 et 77.
 
Annotationen