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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Moureau, Adrien: La société vénitienne au XVIIIé siècle, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0285

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Les prisons et le quai des Esclavons, a Venise
Eau-forte originale d'Antonio Canal, dit Canaletto.

LA SOCIÉTÉ VÉNITIENNE AU XVIIIe SIECLE1

(fin)

Les relations commerciales amenaient sur la Piazza
des Juifs, des Grecs, des Mahométans et plus tard des
réformés. La plupart des nations européennes avaient à
Venise leur consul et leur entrepôt particulier; les Israélites
sortis de la Giudecca, ainsi que les Grecs, étaient canton-
nés au nord de la cité dans leurs quartiers respectifs. Tou-
tefois, si les Vénitiens dans leur accueil fait aux individus,
pratiquaient sagement la liberté de conscience, ils repous-
saient les doctrines, et ni Luther ni Calvin ne comptèrent
un seul des enfants de Saint-Marc parmi leurs nouveaux
adeptes.

Malheureusement, certaines théories épicuriennes
récemment mises en lumière par les brillants commen-
taires de Crémonini, trouvèrent parmi eux plus de crédit.
Ce célèbre interprète de la philosophie antique n'avait
pas craint d'enseigner à l'université de Padoue que l'âme
est transmissible comme la vie corporelle, et par consé-
quent ne constitue pas un être d'essence impérissable.
Beaucoup de nobles, ayant accepté ce système, en appli-
quaient les conséquences; aussi un véritable paganisme
s'était introduit non seulement dans les esprits, mais aussi
dans les mœurs. Cette absence totale de scrupule apparaît
déjà deux siècles auparavant dans la scandaleuse influence
dont jouit l'Arétin. Ne laissa-t-on pas ce venimeux pam-
phlétaire se poser comme l'arbitre des destinées ? Recevant
des souverains des pensions et des chaînes d'or, il vit en
grand seigneur parmi les présents dont on le comble, et
se plaint de voir son escalier usé par les pieds des visiteurs
qui pour l'entendre et l'admirer lui rompent la tête.

i. Voir l'Art, iq° année, tome II, page 221.

Tome LV.

Toutefois, ces patriciens si fort au-dessus des préjugés
gardent jalousement celui de leur noblesse la plus ancienne
de l'Europe; quelques familles subsistaient encore dont
les ascendants avaient au vu0 siècle élu le premier doge.
L'un de ses successeurs, Gradenigo, accomplissant au
profit de l'aristocratie une véritable révolution, abolit en
1297 l'usage de renouveler annuellement le Grand Conseil,
déclara inamovibles tous ceux qui en faisaient partie depuis
quatre ans, et concéda aux descendants mâles le droit de sié-
ger du vivant même de leur père. Ce fut l'origine du fameux
livre d'or1, où figurèrent d'abord les noms de dix-huit
familles. Le défaut d'inscription entraînait déchéance;
d'autre part, les plébéiens ou les étrangers y pouvaient
être admis après avoir bien mérité de l'Etat. Lors de la
guerre deChioggia, trente familles du menu peuple furent
ainsi anoblies; en 1773 on rouvrit le registre pour remé-
dier à l'appauvrissement de toute une caste, en y introdui-
sant les roturiers les plus fortunés.

Cette oligarchie était assez malmenée par le gouverne-
ment, qui se montrait moins vexatoire pour la popu-
lace. Le doge lui-même était l'objet d'une étroite surveil-
lance ; au besoin, l'exemple de ses prédécesseurs dont beau-
coup périrent de mort violente, les tragiques histoires des
Foscariet des Marino Faliero, mieux encore que la forme
du corno ducal assez semblable au bonnet phrygien, lui
rappelaient qu'il était simplement le premier sujet de la
République. L'Etat intervenait dans les affaires privées

1. Le livre d'or fut détruit en 1797 dans les guerres de la Répu-
blique, mais il en existe des copies. Plusieurs autres villes d'Italie
eurent aussi à l'imitation de Venise leur registre de nobiesse.

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