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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Courrier de l'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0358

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COURRIER

MUSÉE DU LOUVRE

département des OBJETS d'aRT du MOYEN age,
DE LA renaissance et des temps modernes.

Nous donnerons prochainement la liste complète des
dons et des acquisitions dont s'est enrichi dans ces der-
niers temps ce département. Qu'il nous soit permis en
attendant de mentionner dès aujourd'hui d'une façon
toute spéciale différents dons qui viennent d'enrichir d'une
manière tout à fait inattendue la nouvelle salle consacrée
à l'art japonais, ouverte le i5 novembre dernier.

M. Hugues Krafft vient d'offrir deux superbes
paravents peints, représentant une fête publique à
Nagoya, à la fin du xvic siècle; ces pièces qui mesurent
plusieurs mètres de long et sont dans un admirable état
de conservation, nous représentent, comme en une grande
miniature, des milliers de personnages. On peut juger par
là de l'intérêt historique et artistique d'une telle œuvre,
exécutée par Mitsousoumi, de Tosa, pour le ministre Ota
Nabounoga, qui fut le principal protecteur des jésuites.
Ce sont des monuments depuis longtemps célèbres au
Japon, où ils ont appartenu à plusieurs personnages con-
nus,etils donnent dès maintenant une importance sérieuse
à la modeste collection d'oeuvres japonaises que renferme
le Louvre. Ces paravents, vu leur taille, n'ont pu prendre
place dans la Salle japonaise. Ils sont exposés provisoire-
ment dans l'une des Salles de la Colonnade.

A ce don très précieux M. Krafft a joint un brûle-par-
fums en bronze, de la fin du xvie siècle, représentant
l'Olympe bouddhique, d'une très belle forme et d'une
belle patine, et enfin une pièce capitale dans son genre : un
foukousa ou pièce d'étoffe brodée d'or et de soie formant
un véritable tableau. Sur un fond de soie ponceau des
génies aux chevelures rousses flottantes sont en train de
jongler avec une immense coupe remplie des flots d'or du
Saké, la boisson nationale du Japon. C'est la réalisation
en peinture à l'aiguille d'une sorte de rêve ou d'hallucina-
tion, qui peut donner une haute idée de l'art du brodeur
dans l'Extrême-Orient. C'est moins un travail d'aiguille
qu'une véritable peinture admirablement composée et
supérieurement rendue. Qu'on nous permette d'adresser à
M. Krafft nos plus sincères félicitations pour son superbe
présent. De son côté, un autre amateur, M. Brenot, vient
d'offrir trois bronzes chinois anciens : une statuette de
Sennin (xvne siècle), un coffret rectangulaire formant
brûle-parfums et enfin un grand bronze archaïque, anté-
rieur à l'ère chrétienne, qui sera prisé non seulement des
artistes, mais encore des archéologues. C'est une sorte de
vase liturgique composé de deux hauts cylindres réunis
par une figure d'aigle, les ailes éployées, qui se dresse sur
une tête de monstre grimaçant; toute cette décoration
ainsi que l'anse, d'un profil excessivement ferme, rappelle
beaucoup certaines œuvres du xne siècle français et l'aigle
chinois, tout à fait conventionnel, héraldique, si l'on peut
employer cette expression, fait penser à ce vase en forme
d'aigle que l'abbé de Saint-Denis, Suger, fit exécuter au
xne siècle et qui se trouve maintenant dans la galerie
d'Apollon. Dans les deux monuments on retrouve abso-
lument la même manière de comprendre et de rendre la
nature, la même crânerie d'exécution. L'Extrême-Orient,
au Louvre, manquait de bronzes; grâce à M. Brenot, il
y est maintenant représenté par une œuvre de grand
style et de la plus insigne rareté.

Mentionnons enfin une charmante tasse en ancienne
porcelaine annamite trouvée près des temples Kmers dans
la province de Quang-nam et offerte par M. Léon Boul-
loche, résident de France en Annam. Cette porcelaine à
décor polychrome très caractéristique est à rapprocher
comme technique et comme coloration des œuvres de
céramique exécutées au Japon sous l'influence chinoise.

Emile Molinier.

DE L'ART

LE DON DE L' « EGYPT EXPLORATION FUND »
AU MUSÉE DU LOUVRE

Dans l'avant-dernier numéro de YArt*, M. E. Révillout
veut bien se souvenir que j'exprimais récemment une
opinion différente de la sienne sur un léger point de détail
concernant le chapiteau hathorique. Cette restriction,
consignée dans une note dont les termes bienveillants ne
pouvaient que me flatter, laisse pourtant supposer que je
me trouve d'accord avec l'auteur sur l'ensemble de la
question. Or, il faut bien que je le reconnaisse, cet accord
ne saurait exister. M. E. Révillout, dans son projet d'ins-
tallation des monuments de Bubastis, propose la solution
suivante : faire mouler le chapiteau lotiforme du Bristish
Muséum et l'exposer dans notre galerie, surmonté du
chapiteau hathorique que le Louvre doit à la générosité
de YEgypt Exploration Fund. Je ne crois pas que, en
dehors du savant M. Révillout, il existe un archéologue
pour souscrire à une pareille restitution.

On a lu la thèse de M. Révillout : la salle hypostyle
du temple de Bubaste, formant une aire de 60 pieds
anglais sur 35, est impropre à contenir 16 supports; il
faut donc en diminuer le nombre de moitié en superposant
des éléments que M. Naville place côte à côte. Il est fort
regrettable pour cette thèse, à l'appui de laquelle on fait
intervenir la Chaldée, l'Assyrie et la Perse, qu'elle repose
sur une grave erreur. La salle hypostyle du temple de
Bubaste ne mesure pas, comme l'a lu M. Révillout,
60 pieds anglais de long sur 35 de large, mais bien
60 yards sur 25 (twenty five)2. On sait que le yard est
exactement le triple du pied anglais. Dès lors la question
reste entière. Georges Bénédite.

UN BRONZE DE GIOVANNI BOLDU
AU MUSÉE DU LOUVRE

La série des bronzes de la Renaissance vient de s'en-
richir d'une très intéressante pièce, dont le prix est encore
considérablement accru par cette circonstance que l'on
peut, à coup sûr, en nommer l'auteur. C'est une tête d'en-
fant, les cheveux bouclés et Jaurès, plus petite que nature,
représenté comme un Borée, les joues gonflées pour souf-
fler. Or cette tête, qui constitue un de ces faux antiques
que les artistes de la Renaissance se sont plu à fabriquer,
est absolument conforme, comme type et comme exécu-
tion, à une médaille célèbre de la fin du xv° siècle —
de 1466, pour indiquer la date exacte, — signée du nom
du médailleur vénitien Giovanni Boldù et représentant le
jeune Caracalla. Le métal même, un bronze très clair, est
précisément celui dont Boldù a fait usage pour fondre ses
plus belles médailles. A quel emploi a servi cette tête ?
Il n'est peut-être pas impossible de le savoir. Filarete,
dans ses Commentaires, parle d'espèces de bouilloires en
. forme de têtes que l'on plaçait dans l'angle des che-
minées pour souffler le feu. L'eau, en s'échauffant, chas-
sait l'air et la vapeur contenue dans la tête, et l'on avait
ainsi une sorte de soufflet mécanique. Des documents
français du xve siècle, notamment des comptes du roi René,
mentionnent l'apport d'Italie en France d'instruments de ce
genre; on s'en servait encore au xvic siècle et'Palissy en
parle. M. Courajod, dans un travail qu'il a consacré à
Filarete [Galettearchéologique, 1887), attribue au célèbre
architecte' une tête de nègre en bronze ayant servi au
même usage, tête qui fait partie des Collections du Musée
Correr, à Venise. Mais ce bronze, tout intéressant qu'il
soit, est d'une facture grossière: le bronze du Louvre, au
contraire, est bien un objet d'art industriel, mais d'une
exécution aussi soignée que les plus belles médailles de
Boldù ; et c'est bien le nom du célèbre médailleur qu'il
faudra inscrire sous cette jolie tête.

Emile Molinier.

1, Voir l'Art, 10,° année, tome II, page ic5.
1. Naville, Bubastis, page 10, colonne 2.

Le Gérant : E. MORE AU.
 
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