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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Moureau, Adrien: La Société vénitienne au XVIIIe siècle, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0277

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L'Entrée du Grand Canal, a Venise.
Réduction de la gravure d'Antonio Visentini, d'après le tableau d'Antonio Canal, dit Canaletto.

LA SOCIÉTÉ VÉNITIENNE AU XVIIIe SIÈCLE1

Pour lesdélicats amateurs que passionne le xvme siècle,
Venise à pareille époque exerce un double prestige, car
l'on ne saurait rêver pour une société voluptueuse, insou-
ciante du lendemain, toujours prête à se divertir, un décor
plus merveilleux.

Séduit à la fois par le fond du tableau et la vive
allure des personnages, Théophile Gautier songea long-
temps à décrire cette cité des doges, à faire revivre, en un
récit caractérisé par les mœurs locales, cette population
frivole avec son exubérance originelle et son ardeur au
plaisir. Quel ensemble, en effet, plus digne de tenter le
poète ou le peintre ? quels thèmes pour l'écrivain dont là
plume vaut le pinceau du coloriste et leciselet de l'orfèvre?
Si ce roman souvent caressé par l'imagination d'un maître
n'a point été réalisé, au moins en trouvons-nous le cadre
dans les peintures de Canaletto, au moins en possédons-
nous les éléments disséminés dans les mémoires contem-
porains.

Nous pourrions consulter avec un égal intérêt, tantôt
les témoins les mieux informés, tels que Goldoni, Gozzi,
Casanova; tantôt des voyageurs sachant voir et conter,
comme le président de Brosses et le cardinal de Bernis.
Toutefois, ne devrions-nous pas interroger de préférence
nos deux compatriotes? Issus de notre race, ne sont-ils
pas plus à même de partager nos étonnements, de deviner
nos curiosités, de ressentir nos admirations ?

Sous une forme légère et parfois moqueuse, la corres-
pondance du premier offre un vivant portrait de l'Italie au

i. Notre excellent collaborateur M. Adrien Moureau, attaché au
Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale, termine en ce
moment pour la collection des Artistes célèbres, éditée par la
Librairie de l'Art, une monographie d'Antonio Canal. Il la fait pré-
céder d'une très remarquable étude sur la Société vénitienne au
XVIII" siècle. Nous sommes heureux de pouvoir offrir à nos lec-
teurs la primeur de ces pages d'un extrême intérêt.

(Note de la Rédaction.)

Tome LV.

milieu du xvme siècle. Parti au printemps de 1739, en
compagnie de plusieurs jeunes gentilshommes, de Brosses
employa en homme d'esprit, pour son plaisir et son
instruction, ces dix mois de voyage. Alors âgé de trente
ans, conseiller depuis l'âge de vingt et un, encore assez
jeune pour ressentir les impressions de la façon la plus
vive, il joignait à une sérieuse culture une grande finesse
et une extrême rectitude de jugement, ainsi qu'en témoi-
gnent les aperçus profonds maintes fois énoncés dans sa
correspondance.

Avant de devenir président à mortier, il songea, tant
Venise l'avait séduit, à solliciter les fonctions d'ambassa-
deur auprès de la Sérénissime République. Ce poste d'obser-
vation au milieu de l'Europe méridionale était cependant
assez délicat à remplir; l'abbé de Bernis l'obtint quinze
ans plus tard et sut, durant sa courte mission, faire appré-
cier ses aptitudes non moins que son caractère par un
gouvernement assez difficile à contenter, car il est bon
juge de la valeur d'autrui. Longtemps après son départ,
son souvenir subsistait encore; aussi le pape Benoit XIV,
ayant eu des démêlés avec Venise, ne choisit pas d'autre
médiateur. Immédiatement agréé par la partie adverse, le
futur cardinal trancha le différend à la satisfaction des
deux puissances et le succès de son intervention contribua
sans doute à lui valoir la pourpre. Les dépêches adressées
par de Bernis au cours de son ambassade sont substan-
tielles, remplies de remarques très fines, rédigées en
excellent français; elles plurent à Louis XV et le roi,
jugeant son représentant apte à de plus importants ser-
vices, le rappela en 1757.

Avant d'aborder la personne d'Antonio Canal ou
l'examen de ses œuvres, il n'est peut-être point sans inté-
rêt d'esquisser la physionomie intérieure de sa ville
natale. Alors surtout art, littérature, divertissements, mar-
chaient de compagnie ; de plus, est-il possible de connaître

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