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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Paris, Pierre: L' architecture religieuse en Égypte, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0096

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68

L'ART.

les parties nouvelles du temple qui viennent s'ajouter aux parties anciennes, on s'ingénie à les
concevoir de plus en plus vastes et plus riches ; pourquoi sur les murailles, de jour en jour plus
pressés, plus complets, plus détaillés, s'étalent les tableaux des exploits pharaoniques, se grave,
en colonnes serrées d'hiéroglyphes, toute l'histoire amplifiée et verbeuse du roi qui veut se rendre
immortel.

Maintenant apparaît le défaut capital de cette architecture religieuse : le monument n'a pas
d'unité; comme les yeux ne peuvent d'un seul regard en embrasser l'ensemble trop vaste, l'esprit
est incapable d'en comprendre à la fois la complication trop grande ; ni les yeux ni l'esprit ne
sont satisfaits. On éprouve en présence de cet assemblage confus la sensation d'énormité, non
pas l'impression de grandeur. Car la grandeur n'est pas dans l'ampleur des dimensions, dans la
fuite à l'infini des lignes, dans la multiplicité des divisions, dans la richesse d'une ornementation
envahissante; elle réside dans l'unité simple et forte du plan, l'harmonie calculée des mesures,
et clans on ne sait quoi, fait d'instinct, de génie, de passion et de science. Découpant sur le ciel
bleu la splendeur de ses marbres dorés et tout éventré pourtant par les bombes vénitiennes, tout
mutilé du viol de Lord Elgin, le Parthénon, qui n'a que la grandeur d'une modeste église,
apparaît au bord de l'Acropole, sublime piédestal, comme une ruine immense, et plus on s'éloigne
du rocher d'Athèna, plus on s'enfonce à travers le bois des oliviers antiques vers les gorges du
Parnès ou de l'Hymette, plus le temple semble grandir dans le soleil et s'étendre, et domine la.
vaste plaine.

Mais du moins chaque partie de l'édifice égyptien, prise à part et considérée comme un tout
complet, nous donne-t-elle ce sentiment du parfait que l'ensemble ne suffit pas à nous donner ?
Trouverons-nous, dans la contemplation attentive d'un pylône ou d'un portique, la jouissance
émue et la joie d'admirer sans réserves qu'on sent à la vue des purs chefs-d'œuvre ? Nous voici
parmi les amoncellements du temple funéraire de Médinét-Habou ; nous avons pénétré dans la
cour célèbre où, debout contre la masse trapue des piliers, lourds et raides et les bras croisés
sur la poitrine par un geste hiératique, se dressent les colosses des Pharaons en figures d'Osiris.
Nous avons, par la pensée, dégagé les pieds hors des gravats et des sables qui les enlisent,
réparé les blessures qu'ont faites les siècles et les hommes, restauré les membres éraflés, les corps
mi-emportés, les visages horriblement mutilés et rongés, les attributs tombés; les statues rénovées
se détachent comme en leur première intégrité sur la façade toute rajeunie ; c'est un ensemble
qu'un seul regard embrasse sans effort. Cependant nous sommes plus étonné que ravi d'admi-
ration, et l'analyse du monument explique notre sensation incomplète. Les lourds piliers carrés
et trapus sont trop robustes pour l'épaisseur médiocre de l'architrave qu'ils portent : c'est
Hercule s'arc-boutant et courbant sa forte échine pour soulever le poids auquel suffirait l'effort
d'un modeste mortel. Et pourquoi les statues ont-elles ici cette structure colossale ? Passe encore
si de leur tête, de leur nuque, ou de leurs bras élevés elles faisaient elles-mêmes l'office de
colonnes ; ainsi les Cariatides de l'Acropole, qui, sur leurs corbeilles de marbre, ingénieux chapi-
teaux, soutiennent l'architrave ionique du Pandroseion, se dressent sur leur socle plus hautes,
plus larges et plus fortes que les femmes délicates d'Athènes, que les vierges exquises portant
leurs cistes sur la frise de Phidias. Mais le rôle des colosses n'est ici que d'orner les larges
montants des portes, et ces portes, ils en accentuent fâcheusement l'étroitesse et la profondeur
obscure. Car il n'est pas dans la nature que la statue, même royale, même divine, dresse son
front à la hauteur de l'édifice, sous peine de faire paraître l'édifice petit et mesquin;, ni la force
et la puissance ne s'expriment non plus par des proportions démesurées : l'Hercule Farnèse, par
l'exagération de ses formes, nous apparaît plus étrange que robuste; les saillies de ses biceps
sont des boursouflures, non des muscles nourris de chair vigoureuse ; les colosses de Thèbes
sont pour nous non des êtres divins, non des rois aux proportions surhumaines, mais des
monstres de granit.

Que si nous pénétrons maintenant dans la pénombre des salles hypostyles, la sensation
d'énormité devient un vrai frisson d'écrasement. <x La salle hypostyle, la merveille de Karnak,
dit M. Georges Perrot, la plus grande salle que les Egyptiens aient construite, a 102 mètres-
 
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