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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Courrier musical
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0209

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COURRIER

MUSICAL.

toujours timide, indécis, s'évertue à marier tous les
styles, à faire excuser les rares audaces qu'il veut se per-
mettre par de nombreuses concessions au goût d'il y a
trente ou quarante ans. Et croyez bien que M. Maréchal
n'a nulle audace et que s'il s'efforce par endroits d'obser-
ver une déclamation assez juste, il tombe, l'instant d'après,
dans des phrases, des ariosos d'une vulgarité extrême, avec
des rinfor^andos à la voix et à l'orchestre, et des cadences
à faire hurler, tant elles ont déjà frappé notre oreille.
Accordons-lui cependant d'avoir noté quelques airs de
danse agréables, dont l'orchestration, très fine, se perd un
peu dans l'énorme salle de l'Opéra, et aussi d'avoir écrit
certaine scène assez vive lorsqu'Ulysse et les chefs grecs,
déguisés en marchands, débarquent à Scyros et déballent
leurs riches parures aux yeux des jeunes filles émerveillées :
c'est un ensemble, une scène de marché qui n'est pas plus
mauvaise que bien d'autres et M. Maréchal en peut être
fier.

Et le poème? Ah! ma foi, il est terriblement vieux,
terriblement médiocre et je ne comprends pas trop qu'un
musicien ait pu accepter de remettre en musique encore
une fois cette éternelle histoire d'Achille vivant, sous des
habits de femme, à la cour du roi Lycomède, ayant con-
quis le cœur de Déidamie ■—• à ce point qu'un fils leur est
né, répondant au nom de Néoptolème ■— et se laissant
aller à sa fougue naturelle, à son emportement guerrier
lorsqu'Ulysse offre à ses yeux, par ruse, au milieu de
parures de femmes, une épée, des flèches, des javelines.
Et figurez-vous que le nouvel arrangeur de Stace,
M. Edouard Noël, a imaginé de supprimer la péripétie
principale de cette fable, celle qui en faisait tout l'intérêt,
en ne nous présentant plus Achille sous des habits de
femme, en nous le montrant sous des vêtements de son
sexe, filant ouvertement le parfait amour et connu de tout
le monde à la cour de Scyros. Ulysse, alors, n'aurait qu'à
le demander au premier venu pour qu'on lui dise aussitôt :
« Achille, tenez, comment ne le devinez-vous pas, vous,
si malin, si rusé ? C'est ce jeune homme qui tient Déida-
mie amoureusement enlacée. » Déidamie, bien entendu,
se révolte à la pensée de voir partir son époux pour le
siège de Troie, dont il ne doit pas revenir; et Achille lui
promet d'abord de rester; mais, quand les dieux parlent,
ils se sentent transfigurés l'un et l'autre... A la bonne
heure, on n'est pas plus accommodant.

M1Ie Chrétien, je l'ai déjà dit, est assez médiocre et
comment ne le serait-elle pas dans un rôle où elle a sur-
tout à crier, où elle doit lancer à pleine voix sa violente
apostrophe aux faux marchands qu'elle veut chasser du
palais : Perfides, redoute^ mon trop juste courroux, et sa
furieuse imprécation contre les dieux des Grecs, où le
doux souvenir de ses amours naissantes avec Achille
n'amène sur ses lèvres qu'une pauvre mélodie, accompa-
gnée par le hautbois : Campagne de Scyros, ô chère soli-
tude...? Un triste rôle à tous égards. Et celui d'Achille est
aussi médiocre avec ces fades cantilènes : As-tu donc oublié
l'heure chère et suprême? ou : 0 ma Déidamie, épargne-
moi tes larmes! avec son hymne belliqueux : Glaive ven-
geur, je te chéris. C'est encore bien joli que M. Vaguet
ne s'y soit pas montré plus mauvais. Et quels efforts fait
M. Renaud pour animer cette pâle figure d'Ulysse, à qui
incombe une bien fâcheuse invocation à Pallas, en plus
d'un chant de guerre insupportable, et quelle dignité
déploie M. Dubulle en roi Lycomède, auquel le musicien
fait débiter un long récit assez banal, mais assez large à
tout prendre ! Pauvres acteurs qui ont étudié ces rôles
pendant de longs mois pour les chanter si peu de temps'...

Décidément, la Valkyrie est tout à fait du répertoire,
encore que cela fasse terriblement rager les compositeurs
qui voient retarder d'autant leur entrée à l'Opéra. Ce qui
le prouve irréfutablement, c'est que tous les artistes, à
présent, s'essayent dans cet ouvrage comme ils auraient
fait autrefois dans la Juive ou les Huguenots. A tous ceux
que j'ai déjà énumérés et appréciés dans un post-scriptum
spécial, annexé à mon dernier article, il me faudrait ajou-

ter et M. Alvarez, qui a repris le rôle de Siegmund, et
M. Fournets, qui a remplacé M. Delmas dans Wotan, et
Mlle Martini qui s'est essayée dans Sieglinde. Mais je ne
puis vraiment mentionner un à un tous les chanteurs qui
ont paru, paraissent ou paraîtront dans le drame de
Richard Wagner, et je dois m'arrêter après avoir dit que
M. Alvarez, un peu langoureux et précieux, que M. Four-
nets, déclamant bien, mais forçant légèrement la voix,
n'ont pas donné tout à fait ce que j'attendais d'eux dans
ces rôles. C'est une autre affaire avec M1Ie Martini, qui
avait créé le rôle de Sieglinde à Bruxelles et l'a joué et
chanté de façon très remarquable, avec infiniment plus de
tendresse et de passion qu'aucune des Sieglindes qui
l'avaient précédée. Il y a longtemps qu'elle était engagée,
et on l'a essayée, on lui a fait chanter deux fois ce rôle
une quinzaine de jours avant que son traité ne prît fin,
puis on l'a laissée retourner à Bordeaux... Que voilà un
théâtre intelligemment conduit et comme tout y marche
au mieux des intérêts de la musique et des compositeurs!

Ce n'est pas grand'chose, assurément, que les deux
petits ouvrages qui viennent de se jouer à l'Opéra-
Comique; mais il faut les noter quand même. M. Car-
valho, qui est tenu par son cahier des charges de représenter
deux ou trois partitions en un acte chaque année, se libère
ainsi de cette obligation peu gênante. Au lieu de les
glisser, comme il faisait d'ordinaire, à la veille de la clô-
ture, en juin, il les a joués peu de temps après la réouver-
ture et cela permet aux auteurs d'espérer qu'ils seront un
peu moins vite expédiés. Je m'en voudrais de les entrete-
nir dans cette espérance et me dépêche, au contraire, de
parler de leurs courtes productions de peur qu'il ne soit
déjà trop tard dans quelques jours. Heureux M. Lacome,
heureux M. Maréchal qui ont eu la chance inouïe de voir
leur Nuit de la Saint-Jean, leurs Atnourenx de Catherine
s'installer à.demeure sur l'affiche et se jouer un certain
nombre de fois par an. De plus illustres qu'eux, M. Am-
broise Thomas, par exemple, avec son Gille et Gillotin,
n'ont pas eu tant de bonheur, et je serais bien en peine
d'expliquer pourquoi.

Le Dîner de Pierrot, de M. Bertrand Millanvoye— et
peut-être aussi de M. Jules Truffier, sans qu'il ait signé —
se joua d'abord à l'Odéon, où c'étaient, si j'ai bon souve-
nir, M. Porel et Mlle Chartier qui représentaient Pierrot
et Golombine; il passa ensuite à la Comédie-Française où
M. Berr et M1Ie Ludwig le jouent d'habitude; enfin le
voici qui se transforme en opéra-comique ou plutôt en
comédie à ariettes que débitent M. Périer et Mmo Molé-
Truffier. Qui sait s'il n'arrivera pas quelque jour à l'Aca-
démie de musique, où Mlle Bréval et M. Saléza aimeraient
sans doute à le jouer? Toute plaisanterie à part, ce n'est
pas une mauvaise idée que d'avoir assaisonné cette bluette
rimée d'un peu de musique et celle de M. Ch. Hess est
bien ce qu'il faut : finement traitée, agréable à entendre
et nullement encombrante. Et le sujet de la pièce ? Oh !
mon Dieu; moins que rien. Pierrot, qui querelle et tour-
mente sa femme Colombine aussi longtemps qu'il attend
son dîner, redevient tendre, affectueux et pressant dès
qu'il a le ventre plein. Les vers sont joliment troussés et
la musique aimablement tournée de M. Hess n'alourdit
pas ce marivaudage : il m'a paru que la petite ouverture,
de style archaïque, était vraiment charmante, que les dis-
putes ou raccommodements du ménage étaient soulignés
de façon adroite et que le duetto final, où reparaît vague-
ment le classique : Mon ami Pierrot, avait assez de
charme. Un gentil début, finalement, pour M. Hess, qui
n'avait encore rien donné au théâtre qu'un opéra-comique,
à Rouen, en 1875, et qui compte à peine quarante-neuf
ans : il était grand temps qu'il s'essayât à Paris.

M. Antoine Banès, lui, est sensiblement plus jeune, et
cependant il a déjà fait jouer sur les théâtres d'opérettes
différentes pièces, dont l'une, Toto, eut un succès véritable
aux Menus-Plaisirs. Détaché du ministère des Beaux-Arts
à la bibliothèque de l'Opéra, sous M. Nuitter, préposé de
 
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