ET DE LA CURIOSITE 155
fournir un exemple de la façon assez com-
pliquée dont se combinaient les tableaux de
maîtres divers entre les mains des copistes
du Cabinet du Roi, grande fabrique, comme
chacun le sait, des portraits officiels. Un por-
trait de* vastes dimensions exposé au grand
Trianon (dans le Salon des malachites), re-
produit celui de Natoire, moins les Amours.
Un autre, à Versailles (3792), le donne dans
le même costume, la môme attitude et le
même décor, mais avec les traits amaigris et
maladifs d'une vieillesse prématurée ; c'est,
je crois, celui dont Frédou reçut la commando
en 1778 et qui, suivant les états déjà cités,
provient de Natoire pour la disposition et de
Roslin pour la tête. Les traits sont, en effet,
les mêmes que ceux des portraits exécutés
en 1765, par Roslin, au moment où la ma-
ladie avait déjà sensiblement déformé les
traits du modèle. La liste des portraits faits
par le peintre suédois, pour le compte des
Bâtiments du Roi mentionne en effet « un
grand portrait de feu le Dauphin en habit
de dragon » (payé 2.000 livres), un buste au
pastel et un buste (à l'huile évidemment),
« fini d'après nature » et payé, comme le
précédent, 1.000 livres (1). Le buste au pas-
tel est certainement celui qui vient d'entrer
au musée de Versailles, provenant du Lou-
vre où il n'était pas exposé ; quant au grand
portrait, sous l'uniforme de colonel-général
des dragons, le casque en tête, une copie de
la tête se trouve déjà dans les collections de
Versailles (3794), et j'ai reconnu tout récem-
ment l'œuvre originale parmi les tableaux
qui décorent les appartements privés de la
Préfecture de Seine-et-Oise. Grâce à l'obli-
geance de M. le préfet Gentil, j"ai pu faire
rentrer au Musée cette pièce historique, at-
tribuée à tort à Belle, qui intéressera tout au
moins les amateurs d'uniformes et de curio-
sités militaires.
Ces portraits de Roslin sont contempo-
rains d'un buste anonyme en marbre, expo-
sé dans la salle des Gardes de la Reine,
sous le n° 221. Le grand portrait qu'a fait
Nivelon en 1764 (3794) est antérieur à
l'aggravation de la maladie du Dauphin,
dont le visage est un peu moins amaigri. La
peinture est sèche et d'un pauvre arrange-
ment, mais rend assez exactement la phy-
sionomie franche et honnête du père de
Louis XVI, qu'un portrait posthume, com-
mandé par sa veuve, Marie-.Iosèphe de Saxe,
honorera de l'auréole des saints.
PlEERE DE NOLIIAC.
(l)Arch. Nat., CH 1934 A. Le document com-
plet sera publié par M. Engerand, quand il arri-
vera aux dossiers de Roslin. Je crois donc inutile
de le donner ici.
L'Exposition du Congrès de Vienne
Ce sont bien souvent les périodes où an peuple
a le plus souffert qui lui demeurent les plus
chères de son histoire. Le touchant amour que
l'Autriche porta à l'empereur François Ier était
fait surtout de son ressentiment contre Napo-
léon I", du besoin de se protéger contre l'en-
vahisseur et de la somme de souffrances endurées
en commun avec le monarque. Puis le Congrès
de Vienne et les années qui suivirent furent, pour
la monarchie en général et Vienne en particulier,
une ère de prospérité, où les plaies faites par les
guerres précédentes se cicatrisèrent peu à peu et
où les populations furent rendues à leur douce
petite vie traditionnelle, dénuée de grandes pen-
sées comme de grands soucis. Quand on parle, en
Cisleithâniu, de la vieille Autriche et du vieux
Vienne, dans lelangage courant, il s'agit toujours
de cette dernière partie du règne de François Isr,
qui va du Congrès de Vienne à la mort de ce
souverain en 1835 Ce fut réellement une époque
débonnaire, pleine de charme, de bonhomie et
d'intimité, dont il n'est pas impossible de re-
trouver encore aujourd'hui un reflet dans cer-
taines petites villes de province autrichienne. Les
Viennois no pensent jamais à ce temps sans émo-
tion ; tout ce qui, dans la littérature, l'art, la mu-
sique et le théâtre s'en inspire est assuré de
succès, qu'il s'ngisse du ballet Wiener Walzer,
de l'opéra der livanç/elimann ou d'une exposi-
tion de l'imporlance de celle dite du Congre.'.
C'est au printemps de 1894 que te Musée autri-
chien d'art et d'industrie prit l'initiative de cette
solennité et en confia le soin à un Comité où \ei
plus grands noms de l'Autriche aristocratique
s'allient à ceux des spécialistes do celte période
les plus compétents. On réunit ainsi tout ce qui
pouvait contribuer à donner une idée générale
de la culture et de l'art, un pou ] artont, mais spé-
cialement à Vienne, pendant le premier quart de
notre siècle. C'est dire que la majeure partie de
cette exposition ressort du domaine de l'histo-
rien et de l'antiquaire; cependant, un cerlain
nombre d'œuvres d'art exhumées sont d'une im-
portance telle et d'un intérêt si près de l'inédit
qu'elles mériteraient, à elles seules, la faveur dont
jouit auprès du public, aussi bien étranger que
provincial et viennois, cette très spéciale exposi-
tion, qui nous rend la fidèle image à la fois
de la vie privée, des demeures, des salons, des
modes de nos aïeules et des passions, des
guerres, de la politique, qui les émurent et dont
nos arrières grand-pères furent les acteurs ou les
témoins.
L'empereur François I." (1768-1835) est la figure
centrale autour de laquelle se groupe naturelle-
ment la composition de ces salles pleines de por-
traits, de gravures, d'autographes et de bibelots
grands et petits, depuis les. carrosses de gala de la
Cour jusqu'à des porte-plumes, des cachets, des
jeux de cartes. Parmi les nombreux portraits
impériaux, extraits des édifices officiais ou des
archives privées, il en faut citer deux : l'un
de 1834, du Viennois Frédéric Amerling, en man-
teau et en uniforme du régiment do la garde
prussienne, dédié à l'empereur d'Autriche, très
sévère sur un beau fond do paysage danubien
fournir un exemple de la façon assez com-
pliquée dont se combinaient les tableaux de
maîtres divers entre les mains des copistes
du Cabinet du Roi, grande fabrique, comme
chacun le sait, des portraits officiels. Un por-
trait de* vastes dimensions exposé au grand
Trianon (dans le Salon des malachites), re-
produit celui de Natoire, moins les Amours.
Un autre, à Versailles (3792), le donne dans
le même costume, la môme attitude et le
même décor, mais avec les traits amaigris et
maladifs d'une vieillesse prématurée ; c'est,
je crois, celui dont Frédou reçut la commando
en 1778 et qui, suivant les états déjà cités,
provient de Natoire pour la disposition et de
Roslin pour la tête. Les traits sont, en effet,
les mêmes que ceux des portraits exécutés
en 1765, par Roslin, au moment où la ma-
ladie avait déjà sensiblement déformé les
traits du modèle. La liste des portraits faits
par le peintre suédois, pour le compte des
Bâtiments du Roi mentionne en effet « un
grand portrait de feu le Dauphin en habit
de dragon » (payé 2.000 livres), un buste au
pastel et un buste (à l'huile évidemment),
« fini d'après nature » et payé, comme le
précédent, 1.000 livres (1). Le buste au pas-
tel est certainement celui qui vient d'entrer
au musée de Versailles, provenant du Lou-
vre où il n'était pas exposé ; quant au grand
portrait, sous l'uniforme de colonel-général
des dragons, le casque en tête, une copie de
la tête se trouve déjà dans les collections de
Versailles (3794), et j'ai reconnu tout récem-
ment l'œuvre originale parmi les tableaux
qui décorent les appartements privés de la
Préfecture de Seine-et-Oise. Grâce à l'obli-
geance de M. le préfet Gentil, j"ai pu faire
rentrer au Musée cette pièce historique, at-
tribuée à tort à Belle, qui intéressera tout au
moins les amateurs d'uniformes et de curio-
sités militaires.
Ces portraits de Roslin sont contempo-
rains d'un buste anonyme en marbre, expo-
sé dans la salle des Gardes de la Reine,
sous le n° 221. Le grand portrait qu'a fait
Nivelon en 1764 (3794) est antérieur à
l'aggravation de la maladie du Dauphin,
dont le visage est un peu moins amaigri. La
peinture est sèche et d'un pauvre arrange-
ment, mais rend assez exactement la phy-
sionomie franche et honnête du père de
Louis XVI, qu'un portrait posthume, com-
mandé par sa veuve, Marie-.Iosèphe de Saxe,
honorera de l'auréole des saints.
PlEERE DE NOLIIAC.
(l)Arch. Nat., CH 1934 A. Le document com-
plet sera publié par M. Engerand, quand il arri-
vera aux dossiers de Roslin. Je crois donc inutile
de le donner ici.
L'Exposition du Congrès de Vienne
Ce sont bien souvent les périodes où an peuple
a le plus souffert qui lui demeurent les plus
chères de son histoire. Le touchant amour que
l'Autriche porta à l'empereur François Ier était
fait surtout de son ressentiment contre Napo-
léon I", du besoin de se protéger contre l'en-
vahisseur et de la somme de souffrances endurées
en commun avec le monarque. Puis le Congrès
de Vienne et les années qui suivirent furent, pour
la monarchie en général et Vienne en particulier,
une ère de prospérité, où les plaies faites par les
guerres précédentes se cicatrisèrent peu à peu et
où les populations furent rendues à leur douce
petite vie traditionnelle, dénuée de grandes pen-
sées comme de grands soucis. Quand on parle, en
Cisleithâniu, de la vieille Autriche et du vieux
Vienne, dans lelangage courant, il s'agit toujours
de cette dernière partie du règne de François Isr,
qui va du Congrès de Vienne à la mort de ce
souverain en 1835 Ce fut réellement une époque
débonnaire, pleine de charme, de bonhomie et
d'intimité, dont il n'est pas impossible de re-
trouver encore aujourd'hui un reflet dans cer-
taines petites villes de province autrichienne. Les
Viennois no pensent jamais à ce temps sans émo-
tion ; tout ce qui, dans la littérature, l'art, la mu-
sique et le théâtre s'en inspire est assuré de
succès, qu'il s'ngisse du ballet Wiener Walzer,
de l'opéra der livanç/elimann ou d'une exposi-
tion de l'imporlance de celle dite du Congre.'.
C'est au printemps de 1894 que te Musée autri-
chien d'art et d'industrie prit l'initiative de cette
solennité et en confia le soin à un Comité où \ei
plus grands noms de l'Autriche aristocratique
s'allient à ceux des spécialistes do celte période
les plus compétents. On réunit ainsi tout ce qui
pouvait contribuer à donner une idée générale
de la culture et de l'art, un pou ] artont, mais spé-
cialement à Vienne, pendant le premier quart de
notre siècle. C'est dire que la majeure partie de
cette exposition ressort du domaine de l'histo-
rien et de l'antiquaire; cependant, un cerlain
nombre d'œuvres d'art exhumées sont d'une im-
portance telle et d'un intérêt si près de l'inédit
qu'elles mériteraient, à elles seules, la faveur dont
jouit auprès du public, aussi bien étranger que
provincial et viennois, cette très spéciale exposi-
tion, qui nous rend la fidèle image à la fois
de la vie privée, des demeures, des salons, des
modes de nos aïeules et des passions, des
guerres, de la politique, qui les émurent et dont
nos arrières grand-pères furent les acteurs ou les
témoins.
L'empereur François I." (1768-1835) est la figure
centrale autour de laquelle se groupe naturelle-
ment la composition de ces salles pleines de por-
traits, de gravures, d'autographes et de bibelots
grands et petits, depuis les. carrosses de gala de la
Cour jusqu'à des porte-plumes, des cachets, des
jeux de cartes. Parmi les nombreux portraits
impériaux, extraits des édifices officiais ou des
archives privées, il en faut citer deux : l'un
de 1834, du Viennois Frédéric Amerling, en man-
teau et en uniforme du régiment do la garde
prussienne, dédié à l'empereur d'Autriche, très
sévère sur un beau fond do paysage danubien