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LA CHRONIQUE DES ARTS
faits « pour le Parliament H. ». Il est difficile,
après avoir lu tous les documents et examiné les
arguments de M. R. Dell, de ne pas conclure avec
lui que la part la plus importante et la- plus gé-
niale de la collaboration des deux architectes re-
vient à celui qui ne joua aucun rôle officiel : à
Pugin. (Reproduction de quatre dessins d’architec-
ture de Pugin et — pour la comparaison — de
l'École du Roi Édouard, de Birmingham, dont l’ex-
térieur est de sir Ch. Barry).
— Dans son article: Un « Émail d'Aragon ».
M. A. van de Put étudie un beau bouclier émaillé,
de la collection de sir J. G. Robinson, aux armes
de Blanche d’Anjou, femme de Jacques II, roi
d’Aragon, et donne les motifs pour lesquels on doit
penser que l’aquamanite de la collection Garraud,
au Bargello cle Florence, représente non pas un
prince de Souabe, mais un prince anglais, Ed-
mond, fils de Henri III, qui reçut du pape, en 1254,
le royaume de Sicile (2 pl.).
— M. A. M. Hind, dans Les Portraits du père
de Rembrandt, reproduit plusieurs eaux-fortes
connues et emprunte aux dessins de l’Université
d'Oxford, publiés par M. Golvin, un portait
d’homme en buste qui lui parait être celui du père
de l’artiste (2 pl.).
— Note de M. Lionel Cust sur Les plus an-
ciens graveurs d'Angleterre, ouvrage publié par
M. Sidney Golvin.
(Avril). — L’ « Éditorial » traite Du But et de
la direction des Musées. Faut-il , comme on
semble vouloir le faire en Amérique, notamment
à Boston, exposer les chefs-d'œuvre pour le grand
public et le reste à part pour les travailleurs ?
L’auteur pense que ce système est bon pour l’Amé-
rique, relativement pauvre en chefs-d’œuvre, mais
qu’en Europe « c’est par leur richesse en chefs-
d’œuvre de premier ordre que les grands musées
prennent leur rang ; et l’obtention de séries com-
plètes, quoique désirable, est moins importante ».
Conclusion : il faut un directeur assez compétent
et assez énergique pour juger les œuvres et saisir
les occasions.
— Etude de M. Claude Phillips sur Les Deux
Sœurs, un des portraits du meilleur temps de
G.-T. Watts.
— La Fresque de Watts à Lincoln s Inn., par
M. Warwich H. Draper. L’auteur étudie la fres-
que de la Cour de Justice de Lincoln’s Inn.,l’« École
des Législateurs ». Il donne une reproduction de
cette fresque, .inspirée de VÉcole d'Athènes et,
sans contredit, le chef-d’œuvre de J'artiste.
— M. H. Yates Thompson présente au lecteur
deux reproductions de feuillets de l’admirable
ouvrage en deux immenses volumes (12 c. x 28 c.),
un « Aristote » en latin, publié par Andrea dei
Torresani, dit Andrea d’Asola, en 1483. Les feuil-
lets de tête des deux volumes, admirables de finesse,
sont de la main d’un remarquable miniaturiste,
d’ailleurs inconnu. L’ouvrage appartient au sa-
vant et généreux M. Yates Thompson, qui a raison
de l’appeler (avec un ?) « le plus magnifique livre
qui soit » (2 pl.).
— Les Miniaturistes anglais illustrés par leurs
ouvrages des collections publiques et privées, par
sir R. Holmes. 3e article : Isaac Oliver. L’auteur
donne, d’après les documents d’archives recueillis
par M. Lionel Gust, des détails sur ce miniaturiste,
postérieur en date et supérieur en art à Nicolas
Hilliard. 9 portraits reproduits en deux plan-
ches donnent une juste idée de la valeur de ce re-
marquable artiste.
— M. J. Starkie Gardner termine son intéres-
sanie étude sur L'Argenterie du château de Belvoir,
à la suite de laquelle il reproduit, en trois plan-
ches, 12 pièces d’un goût très riche et très fin.
— Miroirs du xvm° siècle. M. R. S. Glouston
accompagne de remarques qu’on pourrait appeler
philosophiques, justes en tout cas, des reproduc-
tions de miroirs de diverses périodes de ce siècle.
— Notes sur l’Exposition internationale d’art à
Berlin, etc.
BIBLIOGRAPHIE
Künstlerworte, gesammelt von K.-E. Schmidt.
Leipzig, E.-A. Seemann. In-16, 304 p. avec
1 frontispice.
Ge petit livre, Paroles d'artistes, est né d’une
idée originale. « Les artistes, » dit M. K.-E. Schmidt
dans sa préface, «ne cessent de se plaindre des cri-
tiques et des écrivains d’art. Pour leur rendre
justice, il faudrait donc montrer les artistes eux-
mêmes devenus critiques. » Et voici, par suite,
les jugements portés sur l’art — l’art en général,
ou le sien propre, ou celui du voisin, — par des
peintres et des sculpteurs, sinon de tous les temps,
— la tâche eût été immense, et l’auteur s’est
borné au dix-neuvième siècle, — du moins de
toutes les écoles, depuis David, Carstens et Wil-
kie jusqu’à Whistler, Klinger et Rodin. Les
Français, à cause du séjour de l’auteur parmi
nous, sont particulièrement bien représentés,
mais non toutefois sans une lacune importante :
on s’étonne de ne rien trouver d’un artiste tel que
Carrière, qui a manifesté, en tant de pages belles
et profondes, sa conception particulière de l’art.
Il y aura là, pour une seconde édition, maintes
pensées substantielles à glaner. Mais, telle quelle,
la récolte présente, fruit de lectures nombreuses
et intelligentes, est déjà abondante et pleine d’en-
seignements utiles ou intéressants.
M. K.-E. Schmidt les a répartis méthodique-
ment en vingt-neuf chapitres : la critique, le beau,
l’essence de l’art, l’art et la nature, l’art et la
science, l’art et l’Etat, l’art et le peuple, le réa-
lisme et l’idéalisme, la peinture, la sculpture, les
jugements sur divers artistes, etc.
Ge dernier chapitre n’est pas, comme on pense
bien, le moins piquant : on aimera à connaître l’o-
pinion de Constable sur David, de Rossetti (qui
n’a guère montré, dans ses jugements, de sens cri-
tique et de divination) sur Ingres, Fantin-Latour
et Manet; de Millet sur Watteau; de Corot sur
Delacroix et sur lui-même; de Delacroix sur Durer,
de Bonvin sur Rubens, sur Vermeer et sur Rem-
brandt, « son idole, sa foi, son Dieu », de Meisso-
nieret de Rodin sur Rembrandt encore, le seul
artiste peut-être qui ait recueilli une admiration
unanime des esprits les plus divers ; de Manet sur
Gustave Moreau; de Benjamin Constant sur Car-
rière ; etc. Les « paroles » choisies sont curieuses
et typiques ; l’auteur aurait pu en trouver du
même genre dans les opinions si contradictoires
émises sur Cézanne et Gauguin et dont aucune,
malheureusement, n’est reproduite.
LA CHRONIQUE DES ARTS
faits « pour le Parliament H. ». Il est difficile,
après avoir lu tous les documents et examiné les
arguments de M. R. Dell, de ne pas conclure avec
lui que la part la plus importante et la- plus gé-
niale de la collaboration des deux architectes re-
vient à celui qui ne joua aucun rôle officiel : à
Pugin. (Reproduction de quatre dessins d’architec-
ture de Pugin et — pour la comparaison — de
l'École du Roi Édouard, de Birmingham, dont l’ex-
térieur est de sir Ch. Barry).
— Dans son article: Un « Émail d'Aragon ».
M. A. van de Put étudie un beau bouclier émaillé,
de la collection de sir J. G. Robinson, aux armes
de Blanche d’Anjou, femme de Jacques II, roi
d’Aragon, et donne les motifs pour lesquels on doit
penser que l’aquamanite de la collection Garraud,
au Bargello cle Florence, représente non pas un
prince de Souabe, mais un prince anglais, Ed-
mond, fils de Henri III, qui reçut du pape, en 1254,
le royaume de Sicile (2 pl.).
— M. A. M. Hind, dans Les Portraits du père
de Rembrandt, reproduit plusieurs eaux-fortes
connues et emprunte aux dessins de l’Université
d'Oxford, publiés par M. Golvin, un portait
d’homme en buste qui lui parait être celui du père
de l’artiste (2 pl.).
— Note de M. Lionel Cust sur Les plus an-
ciens graveurs d'Angleterre, ouvrage publié par
M. Sidney Golvin.
(Avril). — L’ « Éditorial » traite Du But et de
la direction des Musées. Faut-il , comme on
semble vouloir le faire en Amérique, notamment
à Boston, exposer les chefs-d'œuvre pour le grand
public et le reste à part pour les travailleurs ?
L’auteur pense que ce système est bon pour l’Amé-
rique, relativement pauvre en chefs-d’œuvre, mais
qu’en Europe « c’est par leur richesse en chefs-
d’œuvre de premier ordre que les grands musées
prennent leur rang ; et l’obtention de séries com-
plètes, quoique désirable, est moins importante ».
Conclusion : il faut un directeur assez compétent
et assez énergique pour juger les œuvres et saisir
les occasions.
— Etude de M. Claude Phillips sur Les Deux
Sœurs, un des portraits du meilleur temps de
G.-T. Watts.
— La Fresque de Watts à Lincoln s Inn., par
M. Warwich H. Draper. L’auteur étudie la fres-
que de la Cour de Justice de Lincoln’s Inn.,l’« École
des Législateurs ». Il donne une reproduction de
cette fresque, .inspirée de VÉcole d'Athènes et,
sans contredit, le chef-d’œuvre de J'artiste.
— M. H. Yates Thompson présente au lecteur
deux reproductions de feuillets de l’admirable
ouvrage en deux immenses volumes (12 c. x 28 c.),
un « Aristote » en latin, publié par Andrea dei
Torresani, dit Andrea d’Asola, en 1483. Les feuil-
lets de tête des deux volumes, admirables de finesse,
sont de la main d’un remarquable miniaturiste,
d’ailleurs inconnu. L’ouvrage appartient au sa-
vant et généreux M. Yates Thompson, qui a raison
de l’appeler (avec un ?) « le plus magnifique livre
qui soit » (2 pl.).
— Les Miniaturistes anglais illustrés par leurs
ouvrages des collections publiques et privées, par
sir R. Holmes. 3e article : Isaac Oliver. L’auteur
donne, d’après les documents d’archives recueillis
par M. Lionel Gust, des détails sur ce miniaturiste,
postérieur en date et supérieur en art à Nicolas
Hilliard. 9 portraits reproduits en deux plan-
ches donnent une juste idée de la valeur de ce re-
marquable artiste.
— M. J. Starkie Gardner termine son intéres-
sanie étude sur L'Argenterie du château de Belvoir,
à la suite de laquelle il reproduit, en trois plan-
ches, 12 pièces d’un goût très riche et très fin.
— Miroirs du xvm° siècle. M. R. S. Glouston
accompagne de remarques qu’on pourrait appeler
philosophiques, justes en tout cas, des reproduc-
tions de miroirs de diverses périodes de ce siècle.
— Notes sur l’Exposition internationale d’art à
Berlin, etc.
BIBLIOGRAPHIE
Künstlerworte, gesammelt von K.-E. Schmidt.
Leipzig, E.-A. Seemann. In-16, 304 p. avec
1 frontispice.
Ge petit livre, Paroles d'artistes, est né d’une
idée originale. « Les artistes, » dit M. K.-E. Schmidt
dans sa préface, «ne cessent de se plaindre des cri-
tiques et des écrivains d’art. Pour leur rendre
justice, il faudrait donc montrer les artistes eux-
mêmes devenus critiques. » Et voici, par suite,
les jugements portés sur l’art — l’art en général,
ou le sien propre, ou celui du voisin, — par des
peintres et des sculpteurs, sinon de tous les temps,
— la tâche eût été immense, et l’auteur s’est
borné au dix-neuvième siècle, — du moins de
toutes les écoles, depuis David, Carstens et Wil-
kie jusqu’à Whistler, Klinger et Rodin. Les
Français, à cause du séjour de l’auteur parmi
nous, sont particulièrement bien représentés,
mais non toutefois sans une lacune importante :
on s’étonne de ne rien trouver d’un artiste tel que
Carrière, qui a manifesté, en tant de pages belles
et profondes, sa conception particulière de l’art.
Il y aura là, pour une seconde édition, maintes
pensées substantielles à glaner. Mais, telle quelle,
la récolte présente, fruit de lectures nombreuses
et intelligentes, est déjà abondante et pleine d’en-
seignements utiles ou intéressants.
M. K.-E. Schmidt les a répartis méthodique-
ment en vingt-neuf chapitres : la critique, le beau,
l’essence de l’art, l’art et la nature, l’art et la
science, l’art et l’Etat, l’art et le peuple, le réa-
lisme et l’idéalisme, la peinture, la sculpture, les
jugements sur divers artistes, etc.
Ge dernier chapitre n’est pas, comme on pense
bien, le moins piquant : on aimera à connaître l’o-
pinion de Constable sur David, de Rossetti (qui
n’a guère montré, dans ses jugements, de sens cri-
tique et de divination) sur Ingres, Fantin-Latour
et Manet; de Millet sur Watteau; de Corot sur
Delacroix et sur lui-même; de Delacroix sur Durer,
de Bonvin sur Rubens, sur Vermeer et sur Rem-
brandt, « son idole, sa foi, son Dieu », de Meisso-
nieret de Rodin sur Rembrandt encore, le seul
artiste peut-être qui ait recueilli une admiration
unanime des esprits les plus divers ; de Manet sur
Gustave Moreau; de Benjamin Constant sur Car-
rière ; etc. Les « paroles » choisies sont curieuses
et typiques ; l’auteur aurait pu en trouver du
même genre dans les opinions si contradictoires
émises sur Cézanne et Gauguin et dont aucune,
malheureusement, n’est reproduite.