ET DE LA CURIOSITE
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On voit quel intérêt offre ce petit livre et quels
services il pourra rendre, notamment, en bien des
cas, aux. critiques d'art en quête de jugements
esthétiques. Ils pourront même, sans prendre au
pied de la lettre la boutade de M. Degas citée par
M. Schmidt : « Je paierais bien quelque chose à
qui me dira pourquoi une œuvre est belle ! », y
trouver d’utiles leçons de prudence et matière à de
salutaires réflexions sur la fragilité des jugements
humains.
A. M.
NECROLOGIE
Le peintre Félix Barrias, dont la réputation
fut considérable sous le second Empire, est mort
le 25 janvier, à quatre-vingt-quatre ans, à Paris.
Né à Paris le 13 septembre 1822, il avait appris
de son père, décorateur sur porcelaine, les pre-
miers éléments du dessin. A l’École des Beaux-Arts,
il fut l’élève de Léon Gogniet, et les enseignements
qu’il y reçut lui permirent d’aborder le Salon dès
1840. Il s’était déjà fait remarquer comme portrai-
tiste quand il obtint en 1844 le prix de Borne sur
le sujet : Cincinnatus recevant les députés du
Sénat.
Le genre qu’il adopta fut celui auquel il devait
rester fidèle toute sa vie : l’anecdote dans les sujets
historiques. Il était doué à-merveille pour y plaire.
Des dons exceptionnels de couleur, l’habitude de
serrer la réalité d’assez près, tout en la traduisant
avec une certaine largeur, faisaient de lui, dans le
tableau de petite dimension, un artiste charmant,
également éloigné de la sécheresse et de la froideur
des classiques, des exagérations et des truculences
de palette romantiques.
Mais, tant qu’il fut à Borne, il dut se plier à
certaines exigences et fabriquer quand même du
classique. On vit de lui, tour à tour, une Sapho,.
un Gaulois et sa fille prisonniers à Rome (aujour-
d’hui au musée d’Autun), des Sirènes, Les Exilés
de Tibère (musée du Luxembourg). Les premières
de ces toiles passèrent inaperçues ; la dernière
obtint un succès des plus francs. Mais l’anecdote
reprit aussitôt le premier rôle dans les préoccupa-
tions de l’artiste, et les observations d’après na-
ture alternèrent désormais, dans son œuvre, avec
les décorations murales et avec les motifs emprun-
tés aux petits côtés de l’histoire: Dante Alighieri
(musée de Tarbes) ; Pèlerins se rendant ci Rome
pour le jubilé de 1300 (musée de Laval) ; Michel-
Ange à la chapelle Sixtine ; Titien peignant la
« Vénus du duc d'Urbino », etc. On cite, parmi
ses travaux de décoration, le plafond qu’il exécuta,
en 1863, pour le musé : d’Amiens, et qui lui valut
la commande d’un ensemble destiné à l’ornemen-
tation du dôme de l’édiflce : La Gloire couron-
nant les grands hommes de la Picardie ; puis la
décoration de la chapelle de Saint-Louis dans
l’église Saint-Eustache, une suite de quatre pan-
neaux pour l’Opéra, etc. Il illustra aussi avec
beaucoup d’élégance et de sentiment classique des
éditions d’IIorace et de Virgile, publiées par la
maison Didot.
Depuis une vingtaine d’années, Félix Barrias ne
vivait guère plus que de souvenirs. On a pourtant
vu de lui au Salon, il y a deux ans, une délicieuse
petite toile qui n’était guère, à vrai dire, qu’une
esquisse, mais une esquisse ravissante de couleur,
et que l’État a acquise.
Félix Barrias était le frère du statuaire Ernest
Barrias, de beaucoup son cadet, et que la mort a
enlevé il y a deux ans. Il avait obtenu une médaille
do troisième classe en 1847, une de première classe
en 1851, une médaille d’argent à l’Exposition Uni
verselle de 1855, une d’or à celle de 1889, avait été
nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1859
et promu officier en 1898.
Nous apprenons la mort de M. Albert-Théo -
phiie-Félix Thomas, architecte du gouvernement,
ancien grand prix de Borne, officier de la Légion
d’honneur, décédé à Paris, cette semaine. Il était
né à Marseille, le 11 août 1847, avait été élève de
Pacard et Vaudoyer et avait obtenu le prix de
Borne en 1370. Il obtint une médaille de première
classe en 1876 avec son relevé du Temple d'Apol-
lon à Didymes (fouilles exécutées pour les barons
G. et E. do Bothschild), une médaille d’argent à
l’Exposition Universelle de 1878 avec Le Temple
d'Athéné Poliade à Priène (Asie-Mineure) et un
Projet de reconstruction du Théâtre des Arts à.
Rouen (qui obtint le premier prix du concours ou-
vert à cet effet), un grand prix à l’Exposition de
1900. Il était l’auteur de la partie du Grand Palais
des Champs-Elysées située en bordure de l’avenue
d’Antin. Nommé chevalier de la Légion d’honneur
en 1885, il fut promu officier en 1900.
On annonce également la mort à Blonay (Suisse),
du peintre Julien Renevier, de Lausanne, âgé
de cinquante-neuf ans. Il peignait de préférence
des paysages à l’aquarelle, mais pratiquait aussi
le portrait.
Le peintre Ernst August Delfs vient de mourir
à Hambourg, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. Né
en Iiolstein, il avait, après des premières études
sérieuses, parcouru la Belgique et la France, et
avait travaillé notamment à Paris près de Troyon
et d’Horace Yernet, puis s’était fixé à Hambourg
en 1850. Il s’y adonna à la peinture des sites de
son pays natal et à la peinture d’animaux, puis,
après les guerres de 1860 et de 1870, également à
la peinture militaire.
Le professeur Wilhelm von Haertel, ancien
ministre, membre de la Chambre des seigneurs
autrichienne, de l’Académie des Sciences de
Vienne, des Académies des Sciences de Berlin et
de Munich et de l’Institut archéologique, vient de
mourir à l’âge de soixante-huit ans.
Ce fut un homme de science, philologue sur-
tout. Il collabora avec Mommsen au Thésaurus
linguæ latinæ, travail commun de toutes les Uni-
versités allemandes.
Né en Moravie, il fut professeur à l’Université
de Vienne. Il fut plus tard ministre de l’Instruc-
tion publique dans les cabinets Kœrber et Gautsch,
et, comme tel, témoigna son intérêt au groupe
artistique de la « Sécession » par des achats
d’œuvres d’art, et aussi en prenant parti pour le
président de la Sécession, Gustay Klimt, dans le
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On voit quel intérêt offre ce petit livre et quels
services il pourra rendre, notamment, en bien des
cas, aux. critiques d'art en quête de jugements
esthétiques. Ils pourront même, sans prendre au
pied de la lettre la boutade de M. Degas citée par
M. Schmidt : « Je paierais bien quelque chose à
qui me dira pourquoi une œuvre est belle ! », y
trouver d’utiles leçons de prudence et matière à de
salutaires réflexions sur la fragilité des jugements
humains.
A. M.
NECROLOGIE
Le peintre Félix Barrias, dont la réputation
fut considérable sous le second Empire, est mort
le 25 janvier, à quatre-vingt-quatre ans, à Paris.
Né à Paris le 13 septembre 1822, il avait appris
de son père, décorateur sur porcelaine, les pre-
miers éléments du dessin. A l’École des Beaux-Arts,
il fut l’élève de Léon Gogniet, et les enseignements
qu’il y reçut lui permirent d’aborder le Salon dès
1840. Il s’était déjà fait remarquer comme portrai-
tiste quand il obtint en 1844 le prix de Borne sur
le sujet : Cincinnatus recevant les députés du
Sénat.
Le genre qu’il adopta fut celui auquel il devait
rester fidèle toute sa vie : l’anecdote dans les sujets
historiques. Il était doué à-merveille pour y plaire.
Des dons exceptionnels de couleur, l’habitude de
serrer la réalité d’assez près, tout en la traduisant
avec une certaine largeur, faisaient de lui, dans le
tableau de petite dimension, un artiste charmant,
également éloigné de la sécheresse et de la froideur
des classiques, des exagérations et des truculences
de palette romantiques.
Mais, tant qu’il fut à Borne, il dut se plier à
certaines exigences et fabriquer quand même du
classique. On vit de lui, tour à tour, une Sapho,.
un Gaulois et sa fille prisonniers à Rome (aujour-
d’hui au musée d’Autun), des Sirènes, Les Exilés
de Tibère (musée du Luxembourg). Les premières
de ces toiles passèrent inaperçues ; la dernière
obtint un succès des plus francs. Mais l’anecdote
reprit aussitôt le premier rôle dans les préoccupa-
tions de l’artiste, et les observations d’après na-
ture alternèrent désormais, dans son œuvre, avec
les décorations murales et avec les motifs emprun-
tés aux petits côtés de l’histoire: Dante Alighieri
(musée de Tarbes) ; Pèlerins se rendant ci Rome
pour le jubilé de 1300 (musée de Laval) ; Michel-
Ange à la chapelle Sixtine ; Titien peignant la
« Vénus du duc d'Urbino », etc. On cite, parmi
ses travaux de décoration, le plafond qu’il exécuta,
en 1863, pour le musé : d’Amiens, et qui lui valut
la commande d’un ensemble destiné à l’ornemen-
tation du dôme de l’édiflce : La Gloire couron-
nant les grands hommes de la Picardie ; puis la
décoration de la chapelle de Saint-Louis dans
l’église Saint-Eustache, une suite de quatre pan-
neaux pour l’Opéra, etc. Il illustra aussi avec
beaucoup d’élégance et de sentiment classique des
éditions d’IIorace et de Virgile, publiées par la
maison Didot.
Depuis une vingtaine d’années, Félix Barrias ne
vivait guère plus que de souvenirs. On a pourtant
vu de lui au Salon, il y a deux ans, une délicieuse
petite toile qui n’était guère, à vrai dire, qu’une
esquisse, mais une esquisse ravissante de couleur,
et que l’État a acquise.
Félix Barrias était le frère du statuaire Ernest
Barrias, de beaucoup son cadet, et que la mort a
enlevé il y a deux ans. Il avait obtenu une médaille
do troisième classe en 1847, une de première classe
en 1851, une médaille d’argent à l’Exposition Uni
verselle de 1855, une d’or à celle de 1889, avait été
nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1859
et promu officier en 1898.
Nous apprenons la mort de M. Albert-Théo -
phiie-Félix Thomas, architecte du gouvernement,
ancien grand prix de Borne, officier de la Légion
d’honneur, décédé à Paris, cette semaine. Il était
né à Marseille, le 11 août 1847, avait été élève de
Pacard et Vaudoyer et avait obtenu le prix de
Borne en 1370. Il obtint une médaille de première
classe en 1876 avec son relevé du Temple d'Apol-
lon à Didymes (fouilles exécutées pour les barons
G. et E. do Bothschild), une médaille d’argent à
l’Exposition Universelle de 1878 avec Le Temple
d'Athéné Poliade à Priène (Asie-Mineure) et un
Projet de reconstruction du Théâtre des Arts à.
Rouen (qui obtint le premier prix du concours ou-
vert à cet effet), un grand prix à l’Exposition de
1900. Il était l’auteur de la partie du Grand Palais
des Champs-Elysées située en bordure de l’avenue
d’Antin. Nommé chevalier de la Légion d’honneur
en 1885, il fut promu officier en 1900.
On annonce également la mort à Blonay (Suisse),
du peintre Julien Renevier, de Lausanne, âgé
de cinquante-neuf ans. Il peignait de préférence
des paysages à l’aquarelle, mais pratiquait aussi
le portrait.
Le peintre Ernst August Delfs vient de mourir
à Hambourg, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. Né
en Iiolstein, il avait, après des premières études
sérieuses, parcouru la Belgique et la France, et
avait travaillé notamment à Paris près de Troyon
et d’Horace Yernet, puis s’était fixé à Hambourg
en 1850. Il s’y adonna à la peinture des sites de
son pays natal et à la peinture d’animaux, puis,
après les guerres de 1860 et de 1870, également à
la peinture militaire.
Le professeur Wilhelm von Haertel, ancien
ministre, membre de la Chambre des seigneurs
autrichienne, de l’Académie des Sciences de
Vienne, des Académies des Sciences de Berlin et
de Munich et de l’Institut archéologique, vient de
mourir à l’âge de soixante-huit ans.
Ce fut un homme de science, philologue sur-
tout. Il collabora avec Mommsen au Thésaurus
linguæ latinæ, travail commun de toutes les Uni-
versités allemandes.
Né en Moravie, il fut professeur à l’Université
de Vienne. Il fut plus tard ministre de l’Instruc-
tion publique dans les cabinets Kœrber et Gautsch,
et, comme tel, témoigna son intérêt au groupe
artistique de la « Sécession » par des achats
d’œuvres d’art, et aussi en prenant parti pour le
président de la Sécession, Gustay Klimt, dans le