ET DE LA CURIOSITE
45
M. Glostre, les statuettes féminines de M. Moreau-
Yauthier, les chevaux de M. Froment-Meurice,
contribuent, non moins que le haut-relief de
M. Octobre, à l'importance de la participation as-
sumée ici par les sculpteurs. Parmi les peintres,
M. Déchenaud mérite une sympathie particulière
pour sa consciencieuse étude d’une figure nue : il
y a encore, dans cette grande toile, trop de tona-
lités sourdes et tristes ; mais la poitrine de la
jeune femme étendue est un beau morceau. Les
envois do M. Fernand Maillaud font honneur à un
artiste délicat, sincèrement amoureux des intimités
provinciales et des paysages de son Berry. Sans
rien perdre des qualités de discrète émotion qui
l’ont fait depuis longtemps aimer, il semble avoir
conquis à ses œuvres les plus récentes l’agrément
nouveau de colorations vives et franches. Avec
une nuance d’observation plus humoristique,
M. Albert Léchât exprime le calme stagnant de la
petite ville, l’aspect morose et rétréci de ses habi-
tants ; plus séduit par les nobles souvenirs du
passé que protège l’actuel silence, M. Mayeur,
avec le même talent précis et respectueux qui lui
sert pour ses portraits à la mine de plomb, nous
donne une précieuse série d’eaux-fortes : Les
Beffrois du Nord de la France. Les tulipes ou les
hortensias de M. Lecreux montrent un sobre goût
de décoration, qui se retrouve dans les éventails
que Mme Lecreux orna de raisins ou de pêches.
M. Guinier et M. Lauth, M. Riclel et M. Gornillicr,
M. Georges Bergès et M. Henri Jourdain, M. Ro-
ger et M. Triquet, M. Feuillàtre et M. Michel
Cazin, soutiennent leur réputation acquise de
peintres de figures, de paysagistes, de portraitistes,
d’émailleurs ou de céramistes.
2e EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE
DE LA PEINTURE A L’EAU
(Galerie des Artistes modernes)
Voici une sélection qui ne cherche pas l’inédit
et qui ne prétend pas au révolutionnaire, mais qui
a le mérite rare de ne nous offrir guère que clés
ouvrages excellents. On trouve ici tout autre chose
que les habiletés banales dont certains spécialistes
de l’aquarelle nous ont lassés. Quand il s’agit
d’exécutants aussi prestigieux que M. John Sar-
gent, M. Frank Brangwyn, M. Lucien Simon, il
est bien évident que la virtuosité ne fait défaut ni
aux Bohémiens arabes sous la lente non plus qu’à
la Santa Maria délia Salute du premier de ces
peintres, ni à la magnifique turquerie du deuxième
ni à la Danse bretonne du troisième. Mais c’est
une virtuosité qui leur appartient en propre, qui
n’est pas une recette transmise : elle est le lan-
gage fatal, involontaire, de leur tempérament.
Ges trois artistes de premier plan sont les
hérauts de ce jeune et déjà glorieux cénacle. Les
souvenirs rapportés d’Algérie ou de Venise par
M. Sargent ont, comme tout ce que produit cet
artiste chez qui le don l’emporte tant sur la pen-
sée, une grâce d'en haut, une vertu de réalisation
sans effort, qui arrivent à l’imprévu à force de ne
pas avoir été cherchées : et cela repose de mainte
intention subtile que la main n’a pas su faire
passer du cerveau dans la matière. MM. Brangwyn
et Lucien Simon méritent, comme M. Sargent, le
titre de beaux peintres ; mais l’intervention de la
volonté, l’interprétation sont, chez eux, plus appa-
rentes. Les grandes aquarelles de M. Simon, large-
ment lavées et d’une matière aussi riche que la pein-
ture à l’huile, sont une manifestation considérable,
et non la moins originale ni la moins complète,
de son talent. La Cale de Vile Tudy, Danse le soir
en Bretagne, Eretonnes et religieuse en prière,
œuvres d’une construction solide et d’un équilibre
parfait, témoignent en faveur d’une belle maturité
d’artiste. G’est dans ses aquarelles que M. Walter
Gay nous donne, semble-t-il, la quintessence de
ses fines qualités. Le précieux et minuscule inté-
rieur intitulé Un coin, la cour d’un château de
briques et de pieires avec ses caisses d’orangers,
sont de petites choses d’une exquise distinction.
La Société a fait une large place à des artistes
belges. Feu Henri Stacquet, M. Henry Cassiers,
gouachistes plutôt qu’aquarellistes, rendent, avec
de très savoureuses curiosités de métier, la figure
de la terre natale. Cependant, M. Khnopff, assagi
depuis les temps lointains de la Rose-Croix, des-
sine d’un trait sûr et précis l’intérieur d’une
église à Bruges; avec plus d’émotion, M. Delau-
nois évoque le recueillement d’une vaste nef blan-
che, an fond de laquelle se chuchote une messe.
Chez les nôtres, M. Luigini, avec ses gouaches
aux larges effets vivement colorés, n’est nulle-
ment inférieur à M. Cassiers. Des recherches de
facture, des intentions décoratives ou des epualités
d'humour recommandent les figures à la détrempe
de M. Auburtin, les Paons de M. Bracquemond et
les fruits de Mme Crespcl, le Versailles d'aujour-
d’hui dont M. La Touche nous offre une vision
crépusculaire et voluptueusement mélancolique, et
le Versailles d’autrefois tel que le voit, précis et
fardé, M. Bcnois, ami et compatriote de M. So-
rnoff, les coulisses, les boudoirs et les bars dont
la vie factice et mièvre est traduite par M. George
Botlini, dans de petites aquarelles qui semblent des
transpositions très modernes de miniatures per-
sanes.
EXPOSITION CRAUK
Les principales œuvres du sculpteur Crauk,
mort l’année dernière, figurent en ce moment à
l’École des Beaux-Arts, soit par elles-mêmes, —
tels ces agréables marbres : La Source, Le Baiser,
Le Matin, — soit, pour celles qu’il était impossible
de déplacer, par leurs maquettes : Coligny, Tombeau
du cardinal Lavigerie. L’auteur de ces statues et
de ces monuments accroît très honorablement la
liste des artistes nés clans cette petite ville de Va-
lenciennes, dont la gloire pouvait se contenter de
deux noms : Watteau, Carpeaux! G’est un homme
de transition, qui semble avoir hésité entre les for-
mules de l’École et les exemples passionnés de son
illustre compatriote. Ayant pris pour sujette baiser
maternel, il croit encore, par une foi excessive
dans la dignité classique du nu, qu’il est indispen-
sable que 1a. jeune mère soit nue comme l’enfant
qu’elle serre dans ses bras. Le même artiste, ce-
pendant, osait symboliser le Malin par la figure
d’une jeune femme debout qui s’est enveloppée
d’un très moderne peignoir en sortant de son lit.
Gomme chez beaucoup de Français du second rang,
ce qui nous paraît aujourd’hui le meilleur et le plus
intéressant dans son œuvre, ce sont les porti’aits :
Samson, Got, Corbon, Le Général de Galiffet, et
deux jolis bustes de fillettes, M1U Suzanne About
et MUe de Malakoff.
EXPOSITION MAUFRA
(Galerie Durand-Ruel)
Il faut louer M. Maxime Maufra d’avoir voulu
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M. Glostre, les statuettes féminines de M. Moreau-
Yauthier, les chevaux de M. Froment-Meurice,
contribuent, non moins que le haut-relief de
M. Octobre, à l'importance de la participation as-
sumée ici par les sculpteurs. Parmi les peintres,
M. Déchenaud mérite une sympathie particulière
pour sa consciencieuse étude d’une figure nue : il
y a encore, dans cette grande toile, trop de tona-
lités sourdes et tristes ; mais la poitrine de la
jeune femme étendue est un beau morceau. Les
envois do M. Fernand Maillaud font honneur à un
artiste délicat, sincèrement amoureux des intimités
provinciales et des paysages de son Berry. Sans
rien perdre des qualités de discrète émotion qui
l’ont fait depuis longtemps aimer, il semble avoir
conquis à ses œuvres les plus récentes l’agrément
nouveau de colorations vives et franches. Avec
une nuance d’observation plus humoristique,
M. Albert Léchât exprime le calme stagnant de la
petite ville, l’aspect morose et rétréci de ses habi-
tants ; plus séduit par les nobles souvenirs du
passé que protège l’actuel silence, M. Mayeur,
avec le même talent précis et respectueux qui lui
sert pour ses portraits à la mine de plomb, nous
donne une précieuse série d’eaux-fortes : Les
Beffrois du Nord de la France. Les tulipes ou les
hortensias de M. Lecreux montrent un sobre goût
de décoration, qui se retrouve dans les éventails
que Mme Lecreux orna de raisins ou de pêches.
M. Guinier et M. Lauth, M. Riclel et M. Gornillicr,
M. Georges Bergès et M. Henri Jourdain, M. Ro-
ger et M. Triquet, M. Feuillàtre et M. Michel
Cazin, soutiennent leur réputation acquise de
peintres de figures, de paysagistes, de portraitistes,
d’émailleurs ou de céramistes.
2e EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE
DE LA PEINTURE A L’EAU
(Galerie des Artistes modernes)
Voici une sélection qui ne cherche pas l’inédit
et qui ne prétend pas au révolutionnaire, mais qui
a le mérite rare de ne nous offrir guère que clés
ouvrages excellents. On trouve ici tout autre chose
que les habiletés banales dont certains spécialistes
de l’aquarelle nous ont lassés. Quand il s’agit
d’exécutants aussi prestigieux que M. John Sar-
gent, M. Frank Brangwyn, M. Lucien Simon, il
est bien évident que la virtuosité ne fait défaut ni
aux Bohémiens arabes sous la lente non plus qu’à
la Santa Maria délia Salute du premier de ces
peintres, ni à la magnifique turquerie du deuxième
ni à la Danse bretonne du troisième. Mais c’est
une virtuosité qui leur appartient en propre, qui
n’est pas une recette transmise : elle est le lan-
gage fatal, involontaire, de leur tempérament.
Ges trois artistes de premier plan sont les
hérauts de ce jeune et déjà glorieux cénacle. Les
souvenirs rapportés d’Algérie ou de Venise par
M. Sargent ont, comme tout ce que produit cet
artiste chez qui le don l’emporte tant sur la pen-
sée, une grâce d'en haut, une vertu de réalisation
sans effort, qui arrivent à l’imprévu à force de ne
pas avoir été cherchées : et cela repose de mainte
intention subtile que la main n’a pas su faire
passer du cerveau dans la matière. MM. Brangwyn
et Lucien Simon méritent, comme M. Sargent, le
titre de beaux peintres ; mais l’intervention de la
volonté, l’interprétation sont, chez eux, plus appa-
rentes. Les grandes aquarelles de M. Simon, large-
ment lavées et d’une matière aussi riche que la pein-
ture à l’huile, sont une manifestation considérable,
et non la moins originale ni la moins complète,
de son talent. La Cale de Vile Tudy, Danse le soir
en Bretagne, Eretonnes et religieuse en prière,
œuvres d’une construction solide et d’un équilibre
parfait, témoignent en faveur d’une belle maturité
d’artiste. G’est dans ses aquarelles que M. Walter
Gay nous donne, semble-t-il, la quintessence de
ses fines qualités. Le précieux et minuscule inté-
rieur intitulé Un coin, la cour d’un château de
briques et de pieires avec ses caisses d’orangers,
sont de petites choses d’une exquise distinction.
La Société a fait une large place à des artistes
belges. Feu Henri Stacquet, M. Henry Cassiers,
gouachistes plutôt qu’aquarellistes, rendent, avec
de très savoureuses curiosités de métier, la figure
de la terre natale. Cependant, M. Khnopff, assagi
depuis les temps lointains de la Rose-Croix, des-
sine d’un trait sûr et précis l’intérieur d’une
église à Bruges; avec plus d’émotion, M. Delau-
nois évoque le recueillement d’une vaste nef blan-
che, an fond de laquelle se chuchote une messe.
Chez les nôtres, M. Luigini, avec ses gouaches
aux larges effets vivement colorés, n’est nulle-
ment inférieur à M. Cassiers. Des recherches de
facture, des intentions décoratives ou des epualités
d'humour recommandent les figures à la détrempe
de M. Auburtin, les Paons de M. Bracquemond et
les fruits de Mme Crespcl, le Versailles d'aujour-
d’hui dont M. La Touche nous offre une vision
crépusculaire et voluptueusement mélancolique, et
le Versailles d’autrefois tel que le voit, précis et
fardé, M. Bcnois, ami et compatriote de M. So-
rnoff, les coulisses, les boudoirs et les bars dont
la vie factice et mièvre est traduite par M. George
Botlini, dans de petites aquarelles qui semblent des
transpositions très modernes de miniatures per-
sanes.
EXPOSITION CRAUK
Les principales œuvres du sculpteur Crauk,
mort l’année dernière, figurent en ce moment à
l’École des Beaux-Arts, soit par elles-mêmes, —
tels ces agréables marbres : La Source, Le Baiser,
Le Matin, — soit, pour celles qu’il était impossible
de déplacer, par leurs maquettes : Coligny, Tombeau
du cardinal Lavigerie. L’auteur de ces statues et
de ces monuments accroît très honorablement la
liste des artistes nés clans cette petite ville de Va-
lenciennes, dont la gloire pouvait se contenter de
deux noms : Watteau, Carpeaux! G’est un homme
de transition, qui semble avoir hésité entre les for-
mules de l’École et les exemples passionnés de son
illustre compatriote. Ayant pris pour sujette baiser
maternel, il croit encore, par une foi excessive
dans la dignité classique du nu, qu’il est indispen-
sable que 1a. jeune mère soit nue comme l’enfant
qu’elle serre dans ses bras. Le même artiste, ce-
pendant, osait symboliser le Malin par la figure
d’une jeune femme debout qui s’est enveloppée
d’un très moderne peignoir en sortant de son lit.
Gomme chez beaucoup de Français du second rang,
ce qui nous paraît aujourd’hui le meilleur et le plus
intéressant dans son œuvre, ce sont les porti’aits :
Samson, Got, Corbon, Le Général de Galiffet, et
deux jolis bustes de fillettes, M1U Suzanne About
et MUe de Malakoff.
EXPOSITION MAUFRA
(Galerie Durand-Ruel)
Il faut louer M. Maxime Maufra d’avoir voulu