ET DE LA CURIOSITE
51
2e EXPOSITION QUINQUENNALE
DES PRIX DU SALON i
ET DES BOURSIERS DE VOYAGE I
(Grand Palais)
En un temps où abondent les salons annuels et
où les expositions particulières se multiplient, le
seul fait de sa périodicité quinquennale confère à
la présente manifestation une portée supérieure. Il
faut remercier les artistes qui ont pris la peine de
rassembler des œuvres de dates différentes, car le
véritable intérêt d’une réunion dont le caractère
est à la fois actuel et rétrospectif est de nous per-
mettre de mesurer le chemin parcouru. Pour la
plupart de ceux qui ont, au début de leur carrière,
obtenu les utiles prix d’encouragement dont l’insti-
tution remonte à une trentaine d’années, ce chemin
les a conduits ou va les conduire à la réputation,
aux honneurs. Il a conduit M. Flameng à l’Institut,
et M. Cormon aussi: celui-ci est, je crois, le -doyen
des Prix du Salon. Gomme tel, il a donné l’exemple
d’une exposition très complète, dans laquelle le
petit portrait d’une vieille dame, coiffée d’un cha-
peau à brides, nous touche plus que bien des mor-
ceaux ambitieux. Il a conduit à la médaille d'hon-
neur M. Rochegrosse et M. Antonin Cariés. Pour
des motifs divers, il nous plaît d’être invités
à nous souvenir que M. Georges Bertrand et
M. Brouillet, M. Friant et M. Muenier, M. Dinet
et M. Armand Point, M. Paul Buffet et M. Eliot,
M. Bourgonnier et M. Gorguet, M. Guinier et
M. Georges Bergès, M. Henri Morisset etM. Eugène
Loup, M. Wéry et M. Zo, M. d'Estienne et
M. Guilloûnet, M. Corabœuf et M. Toupey ont bé-
néficié, les uns du prix du Salon, les autres d’une
bourse de voyage. Il est impossible de citer les 63
peintres, les 40 sculpteurs, la douzaine de graveurs
et d’architectes qui ont répondu à l’appel de l’As-
sociation. Parmi les plus jeunes boursiers, il en
est qui n’ont pas encore eu le temps de justifier la
faveur dont ils furent l’objet ; quelques-uns des
plus vieux portent des noms dont l’obscurité sur-
prend. Qu’importe, si, en trente ans, trois ou quatre
des artistes à qui nous devons les plaisirs les
plus puissants, les plus doux ou les plus raffinés
sont au nombre des lauréats? Les noms de M. Henri
Martin, de M. Ernest Laurent, de M. Charles Gottet
suffiraient, s’il en était besoin, à faire oublier des
choix moins heureux.
Quelques lumineux paysages, un vieux pont en-
soleillé, des vues de Toulouse et de Marseille et
un bon portrait rappellent l’œuvre d’un des trois
plus grands décorateurs de notre époque. Une
très jeune femme dresse sa svelte et flexible sta-
ture, vêtue de mousselines blanches, près de claires
boiseries coupées de glaces ; son visage se fleurit
d’un sourire qui relie le passé si court et si proche
à l’avenir plein de promesses. Cette délicieuse et
attachante image, qu’ennoblit l’accord si rare du
sentiment et de la peinture, représente, avec la
pensive effigie d’un sculpteur ami, l’art pénétrant
d’un homme qui est un peintre charmant de la
femme et de la fleur, et à qui, Carrière n’étant
plus, personne ne peut être comparé pour ce qu’il
met dans ses portraits d'atmosphère morale et de
sympathie divinatrice. Une nature morte magni-
fique d’intensité et dont la matière est du plus bel
émail, des nus peu connus, dignes de l’être, des
barques de pêche aux voiles rouges émergeant de
l’ombre pour recevoir les derniers feux du cou-
chant, quelques études ou variantes de tableaux jus-
tement admirés, Deuil, Office du soir, honorent le
talent divers, curieux, savoureux, amoureux de
technique, épris du caractère des êtres et des
choses, qui fit depuis longtemps aimer le peintre
de la mer bretonne et des vieilles villes espagnoles.
Ces trois excellents artistes OLt, d’ailleurs, ici de
brillants émules, puisque Mlle Dufau a réuni
plusieurs de ces grandes frises décoratives où elle
accorde si voluptueusement la nudité des jeunes
bommes et des jeunes femmes aux feuillages des
arbres et aux nuages des ciels.
La section de peinture compte encore parmi ses
meilleurs exposants M. Adler, M1'0 Delasalle, Mme
Chauchet-Guilleré, M. Grau. Les sculpteurs ont
M. Gustave Michel, M. Gardef, M. Derré, M. Ro-
ger Bloche, M. Yerlet, M. Fix-Masseau. Et les
moins bons envois ne sont pas ceux des plus
jeunes : les enfants de M. Max Blondat, les bas-
reliefs de M. Gaudissard, qui est aussi un peintre,
les simples figures rustiques de M. Jacquot, le
Saint Vincent de Paul de M. André Lenoir, et
la charmante statue d’un jeune homme en redin-
gote jouant du violon que M. David intitule légi-
timement : La Musique.
4e EXPOSITION DES PEINTRES
DU PARIS MODERNE
(Grand Palais)
Les différents aspects de la ville et des êtres
nous sont offerts en des descriptions exactes ou
émues. Ici, c’est le boulevard la nuit (M. Raf-
faëlli) ; là, les talus pelés des fortifications et les
larges panoramas que ferme, sous un ciel bas, la
herse des cheminées d’usines (M. Gaston Prunier).
Les uns suivent la Seine dans sa courbe lente
coupée par les arches de pierre ou de fer (M. Hou-
bron) ; d’autres peignent de leur fenêtre le spec-
tacle des rues, des cours et des toits (M.Barwolf,
M. Diriks, M. Yerme). Les arcades cle la rue de
Rivoli, la façade de Saint-Germain-l’Auxerrois ou
de Saint-Germain-des-Prés, trouvent en M. Béjot,
en M. Boggs, des porlraitistes fidèles. Les coins de
fabriques abandonnées ou les ruelles bordées de
planches inspirent M. Toupey, graveur et aqua-
relliste, tandis que M. Jouas est séduit par le
pittoresque imprévu des échafaudages que font
surgir les travaux du Métropolitain. M. Adler
observe les humbles avec un sentiment de fra-
ternité discrète, foule populaire ou vieux mé-
nage d’ouvriers ; et c'est un esprit analogue qui
anime les nerveuses statuettes de M. Roger Bloche.
MM. Piet et Minartz noctambulent à travers les
bars ou les bals do Montmartre. M. Lempereur
note avec franchise et largeur une fête foraine, le
pesage de Longcliamps ou un coin de jardin au
Moulin-Rouge. Un petit cimetière faubourien sous
la neige, peint par M. Giran Max, nous suggère,
sans déclamation, le terme où tant de rues et de
boulevards mèneront nos brèves agitations.
EXPOSITION ALBERT MARQUER
(Galerie Druet)
Dans l’exposition idéale qui réunirait les meil-
leurs et les plus originaux des peintres de Paris,
M. Marquet mériterait une place du premier rang.
Plus de la moitié des toiles qu’il expose aujourd'hui
évoquent, avec une singulière franchise de couleur,
une remarquable justesse d’établissement et un
51
2e EXPOSITION QUINQUENNALE
DES PRIX DU SALON i
ET DES BOURSIERS DE VOYAGE I
(Grand Palais)
En un temps où abondent les salons annuels et
où les expositions particulières se multiplient, le
seul fait de sa périodicité quinquennale confère à
la présente manifestation une portée supérieure. Il
faut remercier les artistes qui ont pris la peine de
rassembler des œuvres de dates différentes, car le
véritable intérêt d’une réunion dont le caractère
est à la fois actuel et rétrospectif est de nous per-
mettre de mesurer le chemin parcouru. Pour la
plupart de ceux qui ont, au début de leur carrière,
obtenu les utiles prix d’encouragement dont l’insti-
tution remonte à une trentaine d’années, ce chemin
les a conduits ou va les conduire à la réputation,
aux honneurs. Il a conduit M. Flameng à l’Institut,
et M. Cormon aussi: celui-ci est, je crois, le -doyen
des Prix du Salon. Gomme tel, il a donné l’exemple
d’une exposition très complète, dans laquelle le
petit portrait d’une vieille dame, coiffée d’un cha-
peau à brides, nous touche plus que bien des mor-
ceaux ambitieux. Il a conduit à la médaille d'hon-
neur M. Rochegrosse et M. Antonin Cariés. Pour
des motifs divers, il nous plaît d’être invités
à nous souvenir que M. Georges Bertrand et
M. Brouillet, M. Friant et M. Muenier, M. Dinet
et M. Armand Point, M. Paul Buffet et M. Eliot,
M. Bourgonnier et M. Gorguet, M. Guinier et
M. Georges Bergès, M. Henri Morisset etM. Eugène
Loup, M. Wéry et M. Zo, M. d'Estienne et
M. Guilloûnet, M. Corabœuf et M. Toupey ont bé-
néficié, les uns du prix du Salon, les autres d’une
bourse de voyage. Il est impossible de citer les 63
peintres, les 40 sculpteurs, la douzaine de graveurs
et d’architectes qui ont répondu à l’appel de l’As-
sociation. Parmi les plus jeunes boursiers, il en
est qui n’ont pas encore eu le temps de justifier la
faveur dont ils furent l’objet ; quelques-uns des
plus vieux portent des noms dont l’obscurité sur-
prend. Qu’importe, si, en trente ans, trois ou quatre
des artistes à qui nous devons les plaisirs les
plus puissants, les plus doux ou les plus raffinés
sont au nombre des lauréats? Les noms de M. Henri
Martin, de M. Ernest Laurent, de M. Charles Gottet
suffiraient, s’il en était besoin, à faire oublier des
choix moins heureux.
Quelques lumineux paysages, un vieux pont en-
soleillé, des vues de Toulouse et de Marseille et
un bon portrait rappellent l’œuvre d’un des trois
plus grands décorateurs de notre époque. Une
très jeune femme dresse sa svelte et flexible sta-
ture, vêtue de mousselines blanches, près de claires
boiseries coupées de glaces ; son visage se fleurit
d’un sourire qui relie le passé si court et si proche
à l’avenir plein de promesses. Cette délicieuse et
attachante image, qu’ennoblit l’accord si rare du
sentiment et de la peinture, représente, avec la
pensive effigie d’un sculpteur ami, l’art pénétrant
d’un homme qui est un peintre charmant de la
femme et de la fleur, et à qui, Carrière n’étant
plus, personne ne peut être comparé pour ce qu’il
met dans ses portraits d'atmosphère morale et de
sympathie divinatrice. Une nature morte magni-
fique d’intensité et dont la matière est du plus bel
émail, des nus peu connus, dignes de l’être, des
barques de pêche aux voiles rouges émergeant de
l’ombre pour recevoir les derniers feux du cou-
chant, quelques études ou variantes de tableaux jus-
tement admirés, Deuil, Office du soir, honorent le
talent divers, curieux, savoureux, amoureux de
technique, épris du caractère des êtres et des
choses, qui fit depuis longtemps aimer le peintre
de la mer bretonne et des vieilles villes espagnoles.
Ces trois excellents artistes OLt, d’ailleurs, ici de
brillants émules, puisque Mlle Dufau a réuni
plusieurs de ces grandes frises décoratives où elle
accorde si voluptueusement la nudité des jeunes
bommes et des jeunes femmes aux feuillages des
arbres et aux nuages des ciels.
La section de peinture compte encore parmi ses
meilleurs exposants M. Adler, M1'0 Delasalle, Mme
Chauchet-Guilleré, M. Grau. Les sculpteurs ont
M. Gustave Michel, M. Gardef, M. Derré, M. Ro-
ger Bloche, M. Yerlet, M. Fix-Masseau. Et les
moins bons envois ne sont pas ceux des plus
jeunes : les enfants de M. Max Blondat, les bas-
reliefs de M. Gaudissard, qui est aussi un peintre,
les simples figures rustiques de M. Jacquot, le
Saint Vincent de Paul de M. André Lenoir, et
la charmante statue d’un jeune homme en redin-
gote jouant du violon que M. David intitule légi-
timement : La Musique.
4e EXPOSITION DES PEINTRES
DU PARIS MODERNE
(Grand Palais)
Les différents aspects de la ville et des êtres
nous sont offerts en des descriptions exactes ou
émues. Ici, c’est le boulevard la nuit (M. Raf-
faëlli) ; là, les talus pelés des fortifications et les
larges panoramas que ferme, sous un ciel bas, la
herse des cheminées d’usines (M. Gaston Prunier).
Les uns suivent la Seine dans sa courbe lente
coupée par les arches de pierre ou de fer (M. Hou-
bron) ; d’autres peignent de leur fenêtre le spec-
tacle des rues, des cours et des toits (M.Barwolf,
M. Diriks, M. Yerme). Les arcades cle la rue de
Rivoli, la façade de Saint-Germain-l’Auxerrois ou
de Saint-Germain-des-Prés, trouvent en M. Béjot,
en M. Boggs, des porlraitistes fidèles. Les coins de
fabriques abandonnées ou les ruelles bordées de
planches inspirent M. Toupey, graveur et aqua-
relliste, tandis que M. Jouas est séduit par le
pittoresque imprévu des échafaudages que font
surgir les travaux du Métropolitain. M. Adler
observe les humbles avec un sentiment de fra-
ternité discrète, foule populaire ou vieux mé-
nage d’ouvriers ; et c'est un esprit analogue qui
anime les nerveuses statuettes de M. Roger Bloche.
MM. Piet et Minartz noctambulent à travers les
bars ou les bals do Montmartre. M. Lempereur
note avec franchise et largeur une fête foraine, le
pesage de Longcliamps ou un coin de jardin au
Moulin-Rouge. Un petit cimetière faubourien sous
la neige, peint par M. Giran Max, nous suggère,
sans déclamation, le terme où tant de rues et de
boulevards mèneront nos brèves agitations.
EXPOSITION ALBERT MARQUER
(Galerie Druet)
Dans l’exposition idéale qui réunirait les meil-
leurs et les plus originaux des peintres de Paris,
M. Marquet mériterait une place du premier rang.
Plus de la moitié des toiles qu’il expose aujourd'hui
évoquent, avec une singulière franchise de couleur,
une remarquable justesse d’établissement et un