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La chronique des arts et de la curiosité — 1907

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Nr. 7 (16 Février)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19764#0062
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LA CHRONIQUE DES ARTS

parti pris d’expressive simplification, les jeux du
soleil, de l’atmosphère et des saisons sur le spec-
tacle incessamment renouvelé dont les éléments
immuables sont le Louvre, l’île delà Cité, le dôme
de l’Institut, les arbres des quais, la Seine et ses
ponts. Le sentiment de l’espace rendu par des
moyens d’une extrême concision, l’étonnante sûreté
de perspectives prises de haut et qui s’en vont à
l’infini, sont les qualités éminentes et rares de ces
paysages parisiens. Mais, par un temps gris ou
sous le soleil qui illumine les façades des maisons
et l’eau des bassins, le port du Havre, celui de
Fécamp et celui de Trouville ne sont pas, pour le
pinceau de M. Marque!, de moins favorables
motifs.

EXPOSITION ATJBREY BEARDSLEY
(Galerie Shirleys)

Une centaine de dessins, dont les plus nombreux,
les plus beaux et les plus riches, sont simplement
tracés à l’encre de Chine sur du papier blanc,
nous presse ,de nous livrer au sortilège énigma-
tique, irritant, mais irrésistible, d’un artiste an-
glais mort à vingt-six ans, à la fois illustre et
inconnu du grand public, Aubrey Beardsley. Sim-
ple illustrateur, et ne s’étant jamais proposé
d’autre objet que d’orner de ses compositions le
livre d’un ami ou d'un maître du passé, Salomé
d’Oscar Wilde, The Râpe of Llie Lock de Pope, il
s’est fait un art éclectique où les préciosités de
l’archaïsme sont vivifiées par les anachronismes
les plus savoureux. Ses premiers dessins trahis-
sent une influence de Burne-Jones, mêlée à celle
des Japonais; plus tard, c’est Mantegna qu’il in-
terroge, et Whistler un peu, et les dessinateurs
français du xvm6 siècle, et les peintres de vases
grecs. C’est aux Euphronios et aux Douris que cet
artiste d’un raffinement si moderne dut peut-être
le développement du plus exceptionnel des dons
que la nature eût mis en lui : je veux dire la faculté,
de porter à son maximum de beauté et d’expression
la ligne, le simple trait droit ou courbe, dont le
jet, toujours pur, toujours sûr, signifie tout l’es-
sentiel d’un visage, d’un corps, d’une draperie,
d’une arabesque. De tant de matériaux disparates,
il a créé un style décoratif qui s’est imposé à notre
temps, si bien qu’aucun de ses contemporains ne
mérite plus que lui d’être appelé original. L’ad-
miration passionnée qui a succédé en Angleterre
à de furieuses hostilités s’est étendue bien au delà
de son île natale, chez nous, en Allemagne et jus-
qu’en Russie, où M. Somoff a un assez grand
talent pour reconnaître ce qu’il doit à l’auteur des
dessins pour The Savoy et pour Lysistrata.

Paul Jamot.

L’Exposition de Tissus orientaux
et de Miniatures de la Perse et de l’Inde
au Musée des Arts décoratifs

En même temps que s’inaugurait, au pavillon
de Marsan, la collection Moreau, le Musée des
Arts décoratifs ouvrait dans ses galeries du rez-de-
chaussée une exposition temporaire de tissus orien-
taux et de miniatures de la Perse. Tous les ama-
teurs de Paris ont libéralement ouvert leurs

collections, et les séries aujourd'hui exposées for-
ment un ensemble comme assurément on n’en
avait pas encore réuni en France : près de 500
morceaux de velours ou de soie brochés ou tissés
d’or, près de 300 miniatures.

Sans doute les hautes époques du Moyen âge
manquent dans la série des tissus presque com-
plètement, mais c’est à peine si, en France, quel-
ques rares trésors d’églises possèdent de ces soies
orientales contemporaines des croisades, et, dans
les circonstances présentes, il ne pouvait être ques-
tion de les obtenir. Au contraire, à partir du
xve siècle environ, les séries sont d’une richesse
extraordinaire, et c’est une fête pour l’œil que ces
grands rinceaux d’or mélangés de tulipes ou
d’œillets stylisés, qui décorent ces velours des
couleurs les plus éclatantes.

En vérité, la fantaisie de l’artiste est bien moins
riche que celle des Japonais et si l’on songe à.la
prodigieuse ingéniosité d’observation décorative
que révélait l’exposition de tissus japonais admi-
rée l’été dernier dans les mêmes vitrines, il sem-
blera que les Orientaux se soient contentés de
varier indéfininiment quelques thèmes heureuse-
ment transmis par la tradition, sans rien y ajouter
d’eux-mêmes ; mais leurs variations sont, pour
l’ordinaire, d’un si beau style que la monotonie
ne se fait presque jamais sentir dans ces in-
nombrables entrelacements de rinceaux et de
fleurs stylisées. Cependant, si nous pouvons ad-
mirer ces ouvriers et dater à peu près leurs ou-
vrages, il est presque impossible de les localiser ;
en dehors des soies de la Perse, très caractéristi-
ques et d’origine connue, décorées souvent de per-
sonnages et d’animaux, nous ne savons rien du
lieu de fabrication de ces bi’ocarts et de ces velours.
Viennent-ils de Brousse, de Constantinople, d’Asie
Mineure? nul ne le sait précisément, et plusieurs
même n’y veulent voir que des tissus italiens faits
pour l’exportation en Orient, bien que la pureté de
style du décor ne sente guère l’imitation et que
l’exemple des cuivres incrustés d'argent, où les plus
habiles ouvriers vénitiens n'ont jamais atteint la
perfection de style de ceux de Mossoul ou du Caire,
soit pour mettre en garde contre l’attribution trop
absolue d’une origine orientale à ces beaux velours.
La comparaison même avec le décor des revêtements
de faïences qui ornent les mosquées ne serait pas
décisive, car l’on ignore de même les centres de
fabrication de ces faïences et si elles étaient trans-
portées ou fabriquées sur place. Espérons que lapré-
sente exposition nous fournira quelques lumières.

Pour les miniatures, elles non plus n’ont guère
été étudiées jusqu’ici, mais d’intéressants articles
de M. Blochet dans la Revue archéologique ont
commencé à débrouiller la question et, en tout cas,
l’on distingue aisément les peintures persanes de
leurs succédanées indoues. Il ne semble pas que,
dans les peintures persanes exposées, l’on remonte
plus haut que la lin du xv° ou le commencement
du xvie siècle; mais si la facilité des artistes, à
cette époque de luxe, est un peu excessive parfois,
quelle grâce dans ces personnages qui illustrent
les scènes de cour chères aux poètes et aux roman-
ciers ! quelle furieuse et amusante mêlée dans les
combats! Dessin précieux, couleur harmonieuse,
avec des trouvailles exquises, il n’en faut pas plus,
même si l'on no s’attarde pas aussi longtemps
qu’il conviendrait à la noblesse de certaines
figures, absorbées dans leur contemplation inté-
 
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