ET DE LA CURIOSITE
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qu’il vient de faire, clans une propriété particulière
bâtie sur l’emplacement d’une ancienne station
romaine, d’une inscription dédiée à la ville de Car-
thage divinisée.
C'est le premier monument de ce genre qui ait
été signalé.
Josse Vyt, le Donateur
de 1’ « Adoration de l’Agneau Mystique »
Il peut être intéressant do connaître quelques
détails biographiques sur le mécène qui chargea
Hubert van Eyck de peindre le célèbre triptyque
de l’église Saint-Bavon de Gancl et qui pria Jean
van Eyck d’achever le chef-d’œuvre de son frère.
Josse Vyt, sire de Pamele, était issu d’une famille
de financiers originaires du pays de Waas, au
nord-est de Gancl.
Son oncle Jean Vyt, châtelain de Beveren-lez-
Saint-Nicolas et receveur du pays de Waas, mourut
prématurément le 3 décembre 1355. Lecomte Louis
de Male nomma comme son successeur clans ces
fonctions son frère Clais ou Nicolas Vyt (1).
Celui-ci rendit de grands services à son souverain
durant la révolte des Gantois contre leur prince
et fut armé chevalier en 1382, vers l’époque de la
bataille de Roosebeke; de 1385 à 1390, il figure
parmi les fonctionnaires comtaux comme haut-
bailli du pays de Waas (2).
Nicolas Vyt avait épousé une patricienne gan-
toise, Amelberge van der Elst (3) ; vers 1390, il
vint se fixer à Gancl, habita depuis 1410 dans la
rue du Haut-Escaut (actuellement rue du Gouver-
nement, sur l’emplacement de l’hôtel, de M. le no-
taire de Naeyer) (4), et se fit recevoir dans la
corporation de la « Poortery » ou patriciat gantois.
Nicolas Vyt mourut à Gancl vers 1413.
II laissait deux fils : Jean, qui lui succéda comme
receveur des Domaines de BeverenWaas et quivivait
encore en 1433 (5), et Josse, dont nous voulons en-
tretenir le lecteur.
Josse épousa à Gand la riche héritière Élisabeth
Borluut, de l’illustre famille patricienne de ce nom,
et vint habiter aux environs de l’église Saint Jean
(aujourd’hui Saint-Bavon). La corporation clés Poor-
ters le désigna comme candidat à l’échevinat en août
(1) Comte Th. de Limburg-Stirum, Cartulaire de
Louis de Male, t. II, p. 141, 432, acte du 16 dé-
cembre 1355.
(2) Napoléon de Pauw, Baljuwsrekeningen
achter de vertaling van Froissart's Cronycke door
Gerryt Potter van der Loo, t. II, p. 604; — L. P.
Gachard, Inventaire de la Chambre des Comptes,
t. II, p. 137.
(3) Ph. Kervyn de Volkaersbeke, Histoire généa-
logique et héraldique de quelques familles de
Flandre (Gand, 1874, in-plano), p. 9 et planche 6.
(4) F. van den Bemden, Registres manuscrits à
la Bibliothèque de l'Université de Gand, t. VI, f. 20.
Sur l’emplacement de cette habitation, voyez le
livre sous presse de M. À. ILeins, La plus an-
cienne vue de Gand sur le volet du retable de
V Adoration de l'Agneau Mystique (Gand, N. Iieins,
1907). La maison avait une sortie dans la rue de
la Croix; cf. Fr. de Potter, Gent, t. V, p. 123, n. 1.
(5) L. P. Gachard, Inventaire de la Chambre des
-Comptes, t. II, p. 137.
1395, et, la veille de l’Assomption, les commissaires
cki prince lui assignèrent la septième place au banc
des échevins inférieurs, dits des Parcbons (1). En
1398, Josse prit en location, de l’abbé de Notre-
Dame des Dunes, le refuge de cette grande abbaye,
voisine de Nieuport, situé en face du cimetière de
Saint-Jean, et cela pour dix ans, au prix de onze
livres quinze escalins parisis l’an (2).
Vyt, qui occupait parmi les patriciens une situa-
tion enviée, représenta de nouveau les Poorters
au banc des Parchons en 1415 (31. Quatre ans après,
nous le trouvons en possession d’un grand hôtel,
également situé devant la crypte de l’église Saint-
Jean, et qui valait deux cents livres cle gros
en monnaie flamande (4). Il le céda à Siger Baert ;
celui-ci le revendit le 18 janvier 1424 à l’abbé
d’Eenhame-lez-Audenarde, qui en fit le refuge de
son abbaye (5).
Josse Vyt se fixa définitivement dans l’hôtel de
la rue du Gouvernement où était décédé son père,
à côté de la maison De Aextre (la Pie), qui lui
appartenait également (6). En 1425, il fut nommé
quatrième échevin de la « Keure » ou banc supé-
rieur (7), et acheta vers la même époque la sei-
gneurie de Pamele sur les frontières du Brabant.
Il fut réélu dans l’oftice susdit en 1430 (8), et le
6 mai 1432 il fit exposer, dans la dixième chapelle
méridionale de l’église Saint-Bavon, l’œuvre sur les
volets de laquelle l’ainé des van Eyck avait
immortalisé et ses traits et ceux de son épouse.
Est-ce par reconnaissance pour le don de cette
œuvre incomparable qu’en août 1433 les patri-
ciens le placèrent en tête de leur liste de candidats
à l’échevinat? En tout cas, Vyt fut. nommé
voorscepene ou bourgmestre de la ville pour
l’année 1433-34 (9).
Durant son administration éclatèrent à Gand
des troubles violents (10). La veille de l’Ascen-
(1) Memorieboek der slad Ghent (éd. P.-G. van
der Meersch), t. I, p. 128. Sur l’application de la
représentation proportionnelle aux trois membres
de la ville et sur le pas ou préséance des échevins
de chaque membre dans les deux bancs, voyez
V. Fris, La Réforme constitutionnelle de Gand en
1366, dans les Bulletins de la Société d'Histoire
de Gand, t. XII (1904).
(2) Jaerregistevs (aux Archives de la Ville de Gand)
de 1397-1398, f° 26 ; reproduit en partie dans
Fr. De Potter, Gent, geschiedhundige beschryving,
t. V, p. 66, note 2.
(3) Memorieboek der stad Ghent, t. 1, p. 161.
(4) Sur la valeur de la livre de gros à cette
époque, voyez une note de V. Fris, Dagboek van
Gent van 1447 tôt 1470, t. I, p. 47, note 7 ; deux
cents livres de gros valaient quinze cents francs
d’or, et d’après Natalis de Wailly, Mémoires de
l'Académie des Inscriptions, t. XXI (2° p.), 1857,
p. 257, le franc d’or valait, en 1424, 10 fr. 537.
(5) Jaerregisters de 1423-1424, f°43 v°, reproduit
en partie dans Fr. de Potter, Gent, t. V, p. 50,
n. 1 et 2.
(6) F. van den Bemden, Registres manuscrits
(Bibliothèque de l’Université de Gand), t. VI, f. 19.
(7) Memorieboek der stad Ghent, t. I, p. 180.
(8) Ibid., p. 188.
(9) Ibid., p. 196.
(10) Voyez l’article de Y. Fris, De Opstandte
Gent in 1432-1435, dans les Bulletins de la Société
d'Histoire de Gancl, t. VIII (1900).
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qu’il vient de faire, clans une propriété particulière
bâtie sur l’emplacement d’une ancienne station
romaine, d’une inscription dédiée à la ville de Car-
thage divinisée.
C'est le premier monument de ce genre qui ait
été signalé.
Josse Vyt, le Donateur
de 1’ « Adoration de l’Agneau Mystique »
Il peut être intéressant do connaître quelques
détails biographiques sur le mécène qui chargea
Hubert van Eyck de peindre le célèbre triptyque
de l’église Saint-Bavon de Gancl et qui pria Jean
van Eyck d’achever le chef-d’œuvre de son frère.
Josse Vyt, sire de Pamele, était issu d’une famille
de financiers originaires du pays de Waas, au
nord-est de Gancl.
Son oncle Jean Vyt, châtelain de Beveren-lez-
Saint-Nicolas et receveur du pays de Waas, mourut
prématurément le 3 décembre 1355. Lecomte Louis
de Male nomma comme son successeur clans ces
fonctions son frère Clais ou Nicolas Vyt (1).
Celui-ci rendit de grands services à son souverain
durant la révolte des Gantois contre leur prince
et fut armé chevalier en 1382, vers l’époque de la
bataille de Roosebeke; de 1385 à 1390, il figure
parmi les fonctionnaires comtaux comme haut-
bailli du pays de Waas (2).
Nicolas Vyt avait épousé une patricienne gan-
toise, Amelberge van der Elst (3) ; vers 1390, il
vint se fixer à Gancl, habita depuis 1410 dans la
rue du Haut-Escaut (actuellement rue du Gouver-
nement, sur l’emplacement de l’hôtel, de M. le no-
taire de Naeyer) (4), et se fit recevoir dans la
corporation de la « Poortery » ou patriciat gantois.
Nicolas Vyt mourut à Gancl vers 1413.
II laissait deux fils : Jean, qui lui succéda comme
receveur des Domaines de BeverenWaas et quivivait
encore en 1433 (5), et Josse, dont nous voulons en-
tretenir le lecteur.
Josse épousa à Gand la riche héritière Élisabeth
Borluut, de l’illustre famille patricienne de ce nom,
et vint habiter aux environs de l’église Saint Jean
(aujourd’hui Saint-Bavon). La corporation clés Poor-
ters le désigna comme candidat à l’échevinat en août
(1) Comte Th. de Limburg-Stirum, Cartulaire de
Louis de Male, t. II, p. 141, 432, acte du 16 dé-
cembre 1355.
(2) Napoléon de Pauw, Baljuwsrekeningen
achter de vertaling van Froissart's Cronycke door
Gerryt Potter van der Loo, t. II, p. 604; — L. P.
Gachard, Inventaire de la Chambre des Comptes,
t. II, p. 137.
(3) Ph. Kervyn de Volkaersbeke, Histoire généa-
logique et héraldique de quelques familles de
Flandre (Gand, 1874, in-plano), p. 9 et planche 6.
(4) F. van den Bemden, Registres manuscrits à
la Bibliothèque de l'Université de Gand, t. VI, f. 20.
Sur l’emplacement de cette habitation, voyez le
livre sous presse de M. À. ILeins, La plus an-
cienne vue de Gand sur le volet du retable de
V Adoration de l'Agneau Mystique (Gand, N. Iieins,
1907). La maison avait une sortie dans la rue de
la Croix; cf. Fr. de Potter, Gent, t. V, p. 123, n. 1.
(5) L. P. Gachard, Inventaire de la Chambre des
-Comptes, t. II, p. 137.
1395, et, la veille de l’Assomption, les commissaires
cki prince lui assignèrent la septième place au banc
des échevins inférieurs, dits des Parcbons (1). En
1398, Josse prit en location, de l’abbé de Notre-
Dame des Dunes, le refuge de cette grande abbaye,
voisine de Nieuport, situé en face du cimetière de
Saint-Jean, et cela pour dix ans, au prix de onze
livres quinze escalins parisis l’an (2).
Vyt, qui occupait parmi les patriciens une situa-
tion enviée, représenta de nouveau les Poorters
au banc des Parchons en 1415 (31. Quatre ans après,
nous le trouvons en possession d’un grand hôtel,
également situé devant la crypte de l’église Saint-
Jean, et qui valait deux cents livres cle gros
en monnaie flamande (4). Il le céda à Siger Baert ;
celui-ci le revendit le 18 janvier 1424 à l’abbé
d’Eenhame-lez-Audenarde, qui en fit le refuge de
son abbaye (5).
Josse Vyt se fixa définitivement dans l’hôtel de
la rue du Gouvernement où était décédé son père,
à côté de la maison De Aextre (la Pie), qui lui
appartenait également (6). En 1425, il fut nommé
quatrième échevin de la « Keure » ou banc supé-
rieur (7), et acheta vers la même époque la sei-
gneurie de Pamele sur les frontières du Brabant.
Il fut réélu dans l’oftice susdit en 1430 (8), et le
6 mai 1432 il fit exposer, dans la dixième chapelle
méridionale de l’église Saint-Bavon, l’œuvre sur les
volets de laquelle l’ainé des van Eyck avait
immortalisé et ses traits et ceux de son épouse.
Est-ce par reconnaissance pour le don de cette
œuvre incomparable qu’en août 1433 les patri-
ciens le placèrent en tête de leur liste de candidats
à l’échevinat? En tout cas, Vyt fut. nommé
voorscepene ou bourgmestre de la ville pour
l’année 1433-34 (9).
Durant son administration éclatèrent à Gand
des troubles violents (10). La veille de l’Ascen-
(1) Memorieboek der slad Ghent (éd. P.-G. van
der Meersch), t. I, p. 128. Sur l’application de la
représentation proportionnelle aux trois membres
de la ville et sur le pas ou préséance des échevins
de chaque membre dans les deux bancs, voyez
V. Fris, La Réforme constitutionnelle de Gand en
1366, dans les Bulletins de la Société d'Histoire
de Gand, t. XII (1904).
(2) Jaerregistevs (aux Archives de la Ville de Gand)
de 1397-1398, f° 26 ; reproduit en partie dans
Fr. De Potter, Gent, geschiedhundige beschryving,
t. V, p. 66, note 2.
(3) Memorieboek der stad Ghent, t. 1, p. 161.
(4) Sur la valeur de la livre de gros à cette
époque, voyez une note de V. Fris, Dagboek van
Gent van 1447 tôt 1470, t. I, p. 47, note 7 ; deux
cents livres de gros valaient quinze cents francs
d’or, et d’après Natalis de Wailly, Mémoires de
l'Académie des Inscriptions, t. XXI (2° p.), 1857,
p. 257, le franc d’or valait, en 1424, 10 fr. 537.
(5) Jaerregisters de 1423-1424, f°43 v°, reproduit
en partie dans Fr. de Potter, Gent, t. V, p. 50,
n. 1 et 2.
(6) F. van den Bemden, Registres manuscrits
(Bibliothèque de l’Université de Gand), t. VI, f. 19.
(7) Memorieboek der stad Ghent, t. I, p. 180.
(8) Ibid., p. 188.
(9) Ibid., p. 196.
(10) Voyez l’article de Y. Fris, De Opstandte
Gent in 1432-1435, dans les Bulletins de la Société
d'Histoire de Gancl, t. VIII (1900).