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La chronique des arts et de la curiosité — 1907

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Nr. 10 (9 Mars)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19764#0090
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80

LA CHKANIQ JE DES AP "S

italienne de certains marbres de Puget et se
plaire médiocrement à son Milon ou à son Her-
cule ; mais, comme décoration, il est incompa-
rable et rien de plus somptueux que cet avant
■du Monarque ou l’arrière de la Madame, de la
Iioyalc-Thérèse ou du Rubis ; il faut savoir gré
aussi à M. Auquier de nous avoir donné de bonnes
photographies des sculptures encore aujourd’hui
conservées à l’Arsenal de Toulon, ces médaillons
et ces écussons de bois doré, détails seuls sub-
sistants des navires disparus, mais qui demeu-
rent les spécimens extraordinaires du style
Louis XIV dans ce qu’il a de plus noble et de
plus large. A côté de ces splendeurs peut-être
certaines vues de mer sembleront-elles un peu
criardes ; elles sont agréables encore et complètent
un très intéressant recueil de documents que le
bon catalogue dont il est précédé rendra plus utile
encore.

R. Iv.

■Gainsborough, par Gabriel M hjrey. Paris, Lau-

rens. In-8°, 128 grav., 24 grav. hors texte. (Coll.

des Grands Artistes).

M. Gabriel Mourey vient d’écrire sur Gainsbo-
rouh un livre court, substantiel et délicieux. Jl
paraît dans cette excellente collection Laurens qui
nous a valu, sous l’étiquette de simples mémentos
■et résumés, des travaux de véritable et puissante
originalité, tels que l'Albert Durer de M. Auguste
Marguillier et le Nicolas Poussin de M. Paul
Desjardins.

& Tom Gainsborough arrive un jour à l’école
avec un billet signé de son père, demandant un
congé pour son fils, et le voilà parti à travers la
campagne, dans les bois, ivre de liberté, observant,
rêvant, dessinant. Le soir venu, il rentre. Mais le
subterfuge a été découvert : Tom a falsifié l’écriture
de John Gainsborough. « Tu finiras par la potence ! »
s’écrie le brave homme. Mais Tom... ne répond
mot, montre simplement à son père le travail de sa
journée, ses dessins; la fureur paternelle s’apaise.
Un autre jour, des maraudeurs dévastent le verger
des Gainsborough ; Tom se cache, en surprend un
grimpé sur un poirier, en fait un croquis rapide,
mais si ressemblant, qu’il servira devant le tri-
bunal de pièce à conviction. Ce fut l’esquisse
du portrait de Jacques Poirier. Les belles, les
significatives anecdotes, si éloquentes, si expres-
sives! Que de choses : j’y vois, la grandeur du pen-
chant irrésistible, futilité documentaire de l’œuvre
d’art ( « une œuvre d’art, dit liuskin, doit être un
chapitre de géologie, ou de botanique, ou d’orni-
thologie, un document judiciaire, etc.») et aussi la
curieuse hiérarchie des devoirs dans la morale
innée de l’artiste, pour qui le bien c’est ce qui
seconde l’inspiration, le mal ce qui la paralyse,
— le bien, ici : la signature contrefaite et l’école
buissonnière (le joli mot pour un paysagiste!),
le mal : la classe qui ne peut rien lui apprendre.
Plus tard, ce brave et honnête Gainsborough,
admirable et généreux d’ailleurs, ne dédaigne pas
l’argent, car l’argent n’est pas chose fatale à l’ar-
tiste, mais, même dans son atelier, « centre des
élégances » de Bath, il se méfiera des gens du
monde dont la fréquentation, si elle a le snobisme
pour principe, énerve et tue les meilleurs talents.
« Vous gaspillez vos dons avec les gentlemen »,
écrit-il à son ami Jackson, « et toute votre étude
est de savoir comment vous deviendrez gentleman.

Eh bien ! damnés gentlemen, il n’y a pas d’es-
pèce d’ennemis plus à craindre pour un véritable
artiste quand on ne les tient pas convenablement à
distance. Us n’ont en eux qu’une partie qui vaille la
peine qu’on les regarde : c’est leur bourse. Quand des
gentlemen viennent chez moi, mon domestique leur
demande ce qu’ils veulent ; s’ils disent : « un ta-
ct bleau », « Monsieur, passez par ici s’il vous plaît
« et mon maître va venir vous parler », mais s’ils
ne veulent que me saluer et me complimenter :
« Monsieur, mon maître est sorti ...»

A propos de Gainsborough et de la peinture an-
glaise, M. Gabriel Mourey évoque à plusieurs
reprises le grand nom de Ruskin. C’est un fait
senti aujourd’hui par toute une élite, qu’on ne peut
pas honorer plus grandement la peinture anglaise
des deux derniers siècles qu’en apportant le témoi-
gnage de Ruskin, et que, réciproquement, tout
hommage rendu à ces peintres que célèbre M. Mou-
rey, à Gainsborough, à Turner, est un hommage
rendu à Ruskin. Je n’en sais pas pour ma part de
preuve plus touchante que la qoetite anecdote sui-
vante, que je conterai pour finir et qui s’ajoute,
significative aussi, aux anecdotes que j'ai rappor-
tées plus haut. M. Groult, dont la collection est le
Louvre de la peinture anglaise (notre Louvre,
hélas ! en contient si peu ! ) en sera le sujet. Quand
mourut Ruskin, cet éminent collectionneur songeait
avec tristesse à la disparition du grand esthéticien
dont la vie s’était dépensée dans la louange de
Lawrence et de Gainsborough, dans la défense
passionnée de Turner. Et incertain, se demandant
comment il pourrait célébrer à sa manière l’illustre

décès, il_acheta un Turner. J’imagine que cette

offrande au mort, cette offrande un peu païenne de
ce qu’il avait le mieux aimé sur la terre, eût été la
plus douce au cœur de Ruskin. Et je me souviens
qu’à l’époque j’avais cru voir là quelque chose
comme un geste de poète.

M. P.

Versailles et Paris en 1871, par Gustave Doré,
avec préface de M. Gabriel ITanotaux. Paris,
Plon, Nourrit et Cie. Un vol. in-8J de 100 pages.
Voici que s’ajoute à l’œuvre de Gustave Doré un
complément inattendu, jusqu’ici ignoré des bio-
graphes. U s’agit d’un album d’une centaine de
dessins-charges qui font revivre, moins dans leur
ressemblance exacte que dans leurs allures géné-
rales, les types des fédérés de 1871, ainsi que les
silhouettes des leaders de l’Assemblée nationale.
Une note préliminaire donne la genèse du recueil.
Réfugié à Versailles pendant la Commune, Gustave
Doré a tracé cette suite de croquis pour les laisser
en souvenir à l’ami dont il était l’hôte. Trente-six
années ne lui ont rien enlevé de son intérêt. Bien
mieux, le talent de Gustave Doré s’y montre à son
plus grand avantage que dans telle entreprise de
longue haleine, où ses moyens très limités, très
spéciaux, ne lui permettaient pas de bien réussir.
En somme, sa mesure n’a jamais été mieux fournie
que par le dessin d’humour, et ceux qui placent en
première ligne dans son œuvre l’illustration du
Rabelais et des Contes drolatiques se réjouiront
de devoir à un ironiste plein de verve et sans fiel
cet album, qui tantôt offre un lointain souvenir
des portraits héroïques de Daumier dans la Cari-
cature, et tantôt encore semble annoncer l’art de
Léandre et de certains artistes des Fliegende
 
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