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La chronique des arts et de la curiosité — 1907

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Nr. 17 (27 Avril)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19764#0154
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144

LA CHRONIQUE DES ARTS

Il fait malheureusement très sombre en cette
chaumière, et la céleste apparition vient fort à
propos reposer, avec ses clartés électriques, nos
yeux vainement ouverts au sein des ténèbres. La
musique est facile, souvent agréable, bien qu’elle
s’alourdisse volontiers de cuivres inutiles ; le
motif du point d’Argentan n’est pas celui du Wal-
hall, et l’on n’a que faire ici de tant de solen-
nité .

Un peu solennel aussi, le poème rimé par M. Ed-
mond Haraucourt sur la légende de Circé. Homère
était plus simple et n'annonçait pas ses intentions
par des sous-titres tels que L'Emprise cle la Chair,
ou La Chair et l'Idée, ou encore Le Triomphe de
l'Idée. Et il n’enveloppait pas sa pensée de vers
parnassiens raides et creux commes des armures.
Ce poème est très froid, et la transformation du
personnage d’EIpénor, qui se tue par désespoir
d’amour au lieu de se laisser choir de la terrasse
comme dans l'Odyssée, n’arrive pas à lui conférer
la moindre émotion; non plus, d’ailleurs, que les
interjections d’Ulysse entre les visions symétriques
de Pénélope et de Circé, les objurgations d’un
Euryloque qui ressemble à Kurwenaal et à qui
M. Vieulle donne les traits d’Arkliel, ni même la
tunique de gaze éployée en queue de paon versi-
colore qui s’attache au corps et aux pas de M“° Ge-
neviève Yix. Quant à la musique, elle s’évertue,
avec un soin digne de tous les respects, à se rendre
expressive et forte, voire puissamment sensuelle,
et reste, en dépit de tout, honnête, appliquée, con-
sciencieuse, et rien déplus. La mise en scène elle-
même ne rachète pas, comme il arrive si souvent
à l’Opéra-Gomique, les défaillances des auteurs.
Ces choristes qui s’immobilisent, au premier acte,
coupe levée, en attendant la fin du duo d’amour, et
reprennent ensuite leur inoffensive orgie, nous re-
portent aux plus surannées conventions de l’ancien
opéra. Les décors de M. Jusseaume eux-mêmes
m’ont paru manquer de leur charme habituel :
mal tendues, durement éclairées, les toiles ne don-
naient certainement pas l’impression de plein air
qu’on en devait attendre. Il semble que tout le
spectacle ait été monté avec négligence. Il est cer-
tain qu’en ce moment même un rude et grand tra-
vail absorbe, à l’Opéra-Comique, bien des heures
et des forces. C’est pourquoi le moment était peut-
être mal choisi pour lancer deux œuvres nouvelles :
Ariane et Barbe-Bleue est annoncé pour le 3 mai.
bious aurions volontiers attendu jusque-là.

*

* *

La saison des concerts s’est terminée sans ame-
ner aucune révélation intéressante, sinon, à la
Société Nationale, trois œuvres nouvelles et, cha-
cune en son genre, caractéristiques : un poème
symphonique, de M. Vincent d’Indy, intitulé
Souvenirs, où l’on retrouve l’émotion austère et
volontairement dédaigneuse du pittoresque qui
plaît seule aujourd’hui à ce hautain compositeur ;
les Histoires naturelles de Maurice Ravel, cinq
des fables de Jules Renard, ornées d’une musique
ironique et caressante à la fois, qui sont cer-
tainement l’œuvre la plus personnelle de ce
jeune auteur ; et le Crépuscule provincial de
M. Raymond Bonheur, peinture émue, légère et
fine du soir qui tombe et calme la petite agitation
d’une ville de province. Ces trois compositions
sont les seules qui m’aient paru témoigner de
talents vraiment conscients d’eux-mêmes et maî-

tres de leur style. Mais il faut considérer comme
une année heureuse celle qui voit éclore trois ou-
vrages de valeur.

Louis Laloy.

REVUE DES REVUES

— Fondation Eugène Piot. Monuments et
Mémoires publiés par l’Académie des Inscrip-
tions et Belles-Lettres (tome XIII, 1er fascicule,
n° 25 de la collection.) — M.Georges Bénédite étudie
le beau buste du roi égyptien Aménothès IV-Akhou-
naton, récemment entré au musée du Louvre et
dont il a parlé naguère aux lecteurs de la Gazette (1).
Il le rapproche des autres effigies du monarque
et expose de façon pénétrante les conditions par-
ticulières dans lesquelles dut être exécutée cette
œuvre et auxquelles elle doit son caractère in-
tense d’individualité (2 planches hors texte).

— M. Jean Capart étudie et publie une tête égyp-
tienne du musée du Cinquantenaire, à Bruxelles,
qui date probablement des débuts de la XIXe dy-
nastie et qui porte les traces des aspirations natu-
ralistes introduites dans l’esthétique traditionnelle
d’idéalisation par la tentative artistique d’Améno-
thès IV dont il est question dans l’article précé-
dent (reproduction hors texte).

— M. Jean Ebersolt étudie, d’après une série
d’aquarelles exécutées par M. Brajlovskij, profes-
seur à l’École des Beaux-Arts de Moscou, un re-
marquable ensemble de fresques exécutées dans les
dernières années du xn° siècle, sans doute par un
artiste grec, suivant l'esthétique des mosaïstes du
xie siècle, dans la petite église de Néréditsi, près
Novgorod (6 fig. et 2 planches).

— M. André Michel consacre une note spéciale,
parmi les récentes acquisitions du musée du
Louvre, au charmant bas-relief en pierre du
xin0 siècle,Saint Matthieu (?) écrivant sous la dictée
de l'ange, provenant de Chartres, qu'il a naguèie
étudié dans la Gazette (2), et, d’une comparaison
avec des fragments de l’ancien jubé de la cathé-
drale de Chartres, conclut que cette sculpture se
rattache à l’art des plus charmants morceaux de
ce monument (6 fig. et 1 planche).

— Étude de M. Raymond Kœchlin sur un groupe
de retables français en ivoire du commencement du
xiv0 siècle : un Baiser de Judas de la collection
Mège, un Christ bafoué de l’ancienne collection
Micheli, un Christ à la colonne de la collection
Martin Le Roy, un Bourreau, fragment d’une
scène de la Passion dans la collection Mège, une
Déposition de croix de la collection Rodolphe
Kann, deux tabernacles de la collection Weisbacli,
à Berlin, et de la collection de la marquise Arco-
nati-Visconti, à Paris (reprod. hors texte et dans
le texte).

— M. Gaston Migeon étudie trois faïences orien-
tales entrées récemment au Louvre : un plat pro-
venant d’un atelier syro-égyptien fatimite du
xne siècle, un vase persan du xme, un autre, sy-
rien, du xive (reprod. hors texte).

(1) V. Gazette des Beaux-Arts du 1er novembre
1906, p. 36i(av. reprod. hors texte).

(2) V. Gazette des Beaux-Arts du 1er mai 1906,
p. 398.
 
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